C'est ce que montre une étude parue dans l'« European Journal of Heart Failure », menée par l'Institut médico-légal de Paris, le service de radiologie de l’hôpital Sainte-Anne/GHU Paris, le département d’anesthésie-réanimation des hôpitaux de l’AP-HP Saint-Louis et Lariboisière, l’Université de Paris, l’Inserm et le CNRS.
Réalisation de scanner corps entier
« L'Institut médicolégal de Paris prend en charge les corps pour lesquels une autopsie est indiquée. Sur décision judiciaire, le service de radiologie de l’hôpital Sainte-Anne peut être amené à réaliser des scanners corps entier pour une identification ou pour déterminer la cause du décès. C'est le cas pour les personnes isolées et décédées à leur domicile pendant l'épidémie et pour lesquelles un certificat de décès n'a pas été établi », explique au « Quotidien » le Dr Joseph Benzakoun (hôpital Sainte-Anne/GHU Paris), premier auteur de l'étude.
Les scanners réalisés chez 86 patients suspectés Covid-19 entre le 23 mars et le 7 avril 2020 ont été comparés à ceux réalisés sur 334 individus durant la même période en 2019 (groupe contrôle).
« La plupart des individus suspectés d'avoir été infectés par le Covid-19 n'ont pas été testés par RT-PCR, car les tests manquaient alors », note le Dr Benzakoun. La suspicion de Covid-19 était donc basée sur le contexte clinique (diagnostic établi au préalable, informations fournies par les pompiers ou les autorités judiciaires…) et la réalisation d'un scanner thoracique post-mortem.
Beaucoup plus de décès inexpliqués chez les patients Covid
Les morts subites inexpliquées étaient beaucoup plus fréquentes dans le groupe Covid-19 (79 % des cas) que dans le groupe contrôle (21 %).
Parmi ces décès inexpliqués, les auteurs ont retrouvé 23 % d'embolie pulmonaire proximale dans le groupe Covid et 7 % dans le groupe contrôle et l'exploration des membres inférieurs a révélé que 18 % des patients du groupe Covid-19 avaient une thrombose veineuse profonde contre 4 % des patients « contrôle ».
« Chez les patients décédés, comme il est complexe d'utiliser un produit de contraste pour diagnostiquer une embolie pulmonaire, nous avons regardé les signes de thrombus uniquement au niveau de l'artère pulmonaire, précise le Dr Benzakoun. Nous avons donc repéré uniquement les embolies pulmonaires proximales, qui sont les plus sévères et les plus à risque de choc cardiogénique. Cette approche sous-estime sans doute la fréquence réelle de l'embolie pulmonaire. »
Cette étude confirme ainsi l'association forte déjà observée entre Covid-19 et risque d'embolie pulmonaire. « En pratique courante, dès que l'on a un patient Covid-19 qui a des troubles respiratoires sévères, on réalise un angioscanner pulmonaire pour rechercher une embolie », souligne le Dr Benzakoun.