Les résultats préliminaires obtenus à partir d'une cohorte prospective de l'Institut Curie, publiée sous la forme d'une prépublication sur « MedRxiv », en attestent : l'incidence, le taux de mortalité et la présentation clinique de la maladie chez les patients cancéreux semblent être similaires à ceux de la population générale.
« Il nous est tout de suite apparu nécessaire de construire une base de données recensant les cas et intégrant différents items : éléments diagnostiques, traitement, antécédents, présentation initiale de la maladie, examens réalisés, suivi… », explique le Dr Paul Cottu, chef de département adjoint du département oncologie médicale à l’Institut Curie et coordinateur de l’étude. Les données ont été renseignées au jour le jour pour une information en temps réel et ont systématiquement été vérifiées avant analyse.
18 % de décès liés au Covid-19
Parmi les 9 842 patients pris en charge à l'Institut Curie entre mi-mars et début mai, 141 ont été diagnostiqués Covid-19 via un test RT-PCR et/ou un scanner thoracique. Dans cette cohorte, le cancer du sein représente 40 % des patients. De plus, 88 % des patients sont en cours de traitement anticancéreux et 69 % présentent un cancer avancé. Au moment de l'analyse, 18 % des patients sont décédés à cause du Covid-19.
Parmi les patients Covid-19, 79 % présentaient des symptômes cliniques liés à l'infection au moment de l'inclusion dans le registre, en particulier de la fièvre et de la toux. « L’imagerie et les altérations biologiques observées chez les patients Covid-19 atteints de cancer sont identiques à celles rapportées chez patients non atteints de cancer. Jusqu'à présent, nous n'avons pas identifié de tableau clinique atypique chez les patients atteints de cancer », précise le Dr Cottu.
L'étude montre également que le pronostic des patients Covid-19 est principalement déterminé par la sévérité initiale de l'infection plutôt que par les caractéristiques du patient ou du cancer : « les critères associés de manière forte à la gravité (le décès attribué au Covid-19 ou le transfert en réanimation) semblent être davantage liés à la présentation clinique initiale du malade, c'est-à-dire le fait d’avoir une pneumopathie, une atteinte pulmonaire extensive et une modification de la fonction respiratoire, bien plus qu'à l'âge, le surpoids et certains types de cancers », détaille le Dr Cottu.
Un seuil de 30 % d'atteinte pulmonaire associé à la sévérité du Covid
« Nous avons été surpris de montrer que l'un des facteurs pronostiques les plus importants de la maladie Covid-19 est le degré d’atteinte pulmonaire quantifié au scanner thoracique », souligne le Dr Vincent Servois, radiologue à l’Institut Curie.
En parallèle, une étude radiologique, en cours de soumission, a été menée sur les 70 premiers patients atteints de Covid-19 et pris en charge à Curie. Un logiciel a permis de quantifier précisément le pourcentage du parenchyme pulmonaire atteint des patients. « Nous avons trouvé là aussi que les facteurs pronostiques les plus importants étaient l'état général et le pourcentage d'atteinte pulmonaire, résume le Dr Servois. Nous avons également estimé que le seuil d'atteinte pulmonaire associé au décès est de l'ordre de 30 %, ce qui est relativement bas. »
Ce constat est cohérent avec les résultats d'une étude italienne portant sur des patients Covid-19 non oncologiques et montrant que les patients ayant un pourcentage de parenchyme pulmonaire sain d'environ 70 % ne sont pas considérés comme des patients sévères, rapporte le radiologue.