Lundi matin, 9 heures.
- Marilyne, il faudra ranger la salle Pasteur pour y faire de la place. Le ministre, plus les journalistes, plus le préfet et le maire, ça va faire du monde, explique Karine à son agent d’entretien.
- Surtout que depuis l’installation du robot, la salle Pasteur sert un peu de débarras, glisse Julien dans la conversation.
- Tu as raison Julien. C’est le grand problème de toutes les pharmacies. Se servir de ces espaces à l’abri des regards pour y entasser tout et n’importe quoi. Il faut redonner sa fonction élémentaire à notre salle Pasteur. C’est important de montrer au ministre que notre profession réalise les nouvelles missions qu’on lui a confiées. Julien, tu aideras Marilyne, s’il te plaît.
- Karine, France 3 n’arrête pas d’appeler. Ils veulent savoir l’horaire de la visite du grand chef, intervient J-C, le téléphone dans la main.
- Ce n’est pas à nous de communiquer cette information. De toute façon, nous n’en savons pas plus qu’eux.
- Karine, J-C, l’Ordre régional sur la ligne 2, les interrompt Gisèle. Ils veulent savoir si un entretien avec le ministre sera possible avant la prise de vue devant les journalistes.
- Ah, notre élu départemental est certainement jaloux de ne pas être sélectionné comme pharmacien vaccinateur témoin. Pour une fois, il ne sera pas la star. Ça va le moucher un peu, bien fait ! rétorque du tac au tac le titulaire, un peu agacé par le comportement de son confrère ordinal.
- Peut-être, mais en clair, je leur dis quoi à l’Ordre ? reprend Gisèle, habituée des commentaires acides de son patron.
- Qu’ils se débrouillent avec la préfecture. Ce sont eux qui gèrent !, lance J-C en repartant dans son bureau.
Lundi, 17 h 00.
- Alors comme ça, il ne faut plus se faire vacciner avec le vaccin AstraZeneca ? Vous me teniez un autre discours la semaine dernière, dit Madame Grimaud à Jean-Paul.
L’adjoint la regarde, s’apprête à lui répondre que « quand on ne sait pas de quoi on parle, on se tait », mais se ravise finalement :
- Bien sûr que le vaccin AstraZeneca est sûr. Nous avons encore eu la confirmation hier par l’Agence du médicament.
- Ah oui ? Alors pourquoi sur France Inter, ils viennent d’annoncer que ce vaccin ne devait plus être utilisé en France ? lui répond la patiente sur un ton triomphal.
Julien et Damien, installés aux comptoirs d’à côté, tournent la tête, intrigués par cette conversation.
- Vous n’êtes pas au courant ? C’est le président de la République lui-même qui a pris la décision, explique à Julien le patient qu’il est en train de servir.
L’adjoint n’en revient pas. Encore une fois, l’équipe apprend une information essentielle par les patients.
- Excusez-moi Monsieur Larieux. Vous permettez ?
Sans attendre la réponse du patient, Julien ouvre Internet sur son écran et découvre effectivement l’actualité relative au vaccin AstraZeneca.
Lundi 19 h 00.
- Toujours pas de nouvelles de la préfecture ou du ministère ? demande Karine à son associé.
- Non rien. À mon avis, ils attendent jeudi pour nous confirmer la visite du grand chef.
- Et de toute façon, sans vaccin, on ne pourra pas aller loin, ajoute Julien.
- Pas de vaccin, pas d’injection ; pas d’injection, pas de ministre ; pas de ministre, pas de ministre, tente Damien pour détendre l’atmosphère en transformant cette célèbre réplique du film Astérix et Cléopâtre.
(À suivre…)