Depuis le début de la pandémie, l'infection des cellules humaines par le SARS-CoV-2 a été rendue possible, puis perfectionnée, par plusieurs mutations des gènes codant pour les sous-unités de la protéine Spike. « Cette situation est analogue à ce que l'on observe avec les virus influenza responsables de la grippe au sein desquels des mutations s'accumulent dans les gènes codant pour l'hémagglutinine », précisent les auteurs.
Les scientifiques se sont servi de l'expérience accumulée par les équipes du laboratoire national américain de Los Alamos. Le travail a consisté à suivre l'évolution de la protéine Spike au fur et à mesure de l'évolution de la pandémie, à partir du séquençage de virus isolés en Europe, en Asie et aux États-Unis. Les auteurs expliquent que des centaines de séquençages étaient adressées et analysées chaque jour. À la date du 13 avril, ce sont 6 346 séquences qui ont été analysées.
Une mutation retrouvée dans près de 30 % des virus
Si l'on considère la souche virale qui circulait à Wuhan au début de la pandémie comme étant la souche originale, un total de 14 mutations a été répertorié au fil du temps. Les chercheurs ont concentré leurs efforts sur deux d'entre elles : D614G et S943P. « La fréquence de la mutation D614G augmente à une vitesse alarmante », préviennent-ils.
Quatre des sept premières souches porteuses de cette mutation D614G ont été prélevées en Europe, les trois autres provenaient du Mexique, du Brésil et de Wuhan. À partir de la mi-mars, D614G était présent dans 29 % des prélèvements, presque exclusivement européens.
Un possible effet sur la virulence
Cette mutation modifie la structure d'un des monomères composant la protéine Spike et augmente la vitesse de maturation de cette dernière. L'étape de maturation est nécessaire à l'entrée du virus dans une cellule humaine. De plus, les auteurs précisent que la mutation se trouve au sein d'un épitope très immunologique de la protéine Spike, associé à une forte réactivité sérologique, notamment vis-à-vis des lymphocytes B mémoires.
Pour savoir si la situation clinique corroborait ces hypothèses théoriques, les chercheurs ont exploré la base donnée de Sheffeld, en Angleterre. Les séquences des SARS-CoV-2 prélevés chez 453 patients y sont conservées. À partir de la fin du mois de mars, la version mutée du SARS-CoV-2 D614G était devenue majoritaire parmi les nouveaux cas.
Il ne semblait toutefois pas y avoir de relation statistiquement significative entre la version mutée du virus et la sévérité de l'infection et l'arrivée du D614G n'avait pas eu d'impact sur le nombre d’hospitalisations. Toutefois, le nombre de cycle de PCR nécessaire pour détecter la souche D614G était plus faible que pour détecter d'autres souches. Les auteurs en déduisent que la charge virale des patients pourrait être plus élevée en moyenne.
Si la pandémie de Covid-19 persiste, cela pourrait se traduire par une progression de la dérive génétique. Les travaux de l'équipe du laboratoire de Los Alamos et de l'hôpital de Sheffield pourraient aussi fournir des données précieuses pour mieux suivre les mutations du SARS-CoV-2 et leurs effets. Ils précisent aussi que la connaissance d'un « schéma d'évolution » de la protéine Spike est importante pour la mise au point de vaccin, tous les candidats actuels étant dirigés contre cette protéine trimérique de surface.