On connaît les trois paliers définis par la classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : le palier 1 regroupant les antalgiques non opioïdes, le paracétamol et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), le palier 2 qui correspond aux opioïdes faibles (codéine, tramadol, opium) et le palier 3, celui des opioïdes forts (morphine, oxycodone, fentanyl).
« Cette classification, créée en 1986, est remise en cause depuis quelques années car trop restrictive. Elle n'intègre pas les traitements des douleurs neuropathiques et les prescriptions ne répondent pas toujours aux mécanismes physiologiques des douleurs, notamment les douleurs rhumatologiques chroniques souvent plurifactorielles », explique le Pr Alain Serrie, de l'hôpital Lariboisière à Paris. Elle peut être une source d'erreur dans l'idée que chaque palier correspond à une intensité de douleur. Une nouvelle classification basée sur le mode d’action des médicaments est aujourd’hui proposée (voir encadré).
Un report vers d'autres molécules
Selon le Pr Serrie, la remise en cause de la classification de l’OMS vient aussi des problèmes soulevés par la très large utilisation des antalgiques de palier 2 au début des années 2000. Des inquiétudes sur leur innocuité ont été signalées, en particulier la toxicité de ceux métabolisés par les cytochromes et leur risque d’addiction identique à celui de la morphine prise à faible dose. Le retrait du dextropropoxyphène (Di-Antalvic), en 2011, s’est accompagné d’un report vers d’autres antalgiques de palier 2. C'est ainsi que l'on a vu doubler le nombre de patients traités par tramadol, plus que doubler le nombre de patients traités par codéine et quasiment tripler le nombre de ceux traités par poudre d'opium. Le tramadol est devenu l’antalgique opioïde le plus consommé en France, avec entre 2004 et 2017 une augmentation de +105 %. Sur cette même période, la prescription d’opioïdes de palier 3 a significativement augmenté : + 25 % pour la morphine, +74 % pour le fentanyl, +1 950 % pour l’oxycodone « L’exemple tragique de la crise des opioïdes américaine incite la France à accroître sa vigilance, néanmoins ces chiffres impressionnants doivent être relativisés car les antalgiques ne représentent qu’un petit pourcentage de l’ensemble des médicaments », modère le Pr Serrie.
Les précautions particulières pour les AINS
Dans ce contexte, la place des AINS dans l’arsenal des antalgiques doit être repensée et mieux définie. Ils restent un traitement très efficace dans un grand nombre de situations, notamment les traumatismes (hors saignements), les céphalées et les migraines, les douleurs dentaires (hors infection), les règles douloureuses ou autres dysménorrhées. En pratique, il faut évaluer méthodiquement leurs risques potentiels pour anticiper et mieux gérer leurs effets secondaires. Leurs mécanismes d’action sont aujourd’hui mieux connus. « On évoquait classiquement une action périphérique, mais des études montrent que leur effet antalgique passe aussi par une action analgésique centrale, bien que cette action ne soit pas validée dans les AMM. Quant au risque cardiovasculaire, plusieurs études ont mis en évidence une augmentation de ce risque, notamment de survenue d’un infarctus du myocarde, mais sous traitement AINS au long cours », précise le professeur. Par ailleurs, il est clairement établi que les AINS peuvent être responsables de complications digestives, mais le risque dépend des molécules et des dosages. Avant de prescrire un AINS, il convient donc de prendre en compte un certain nombre de facteurs : l’âge du patient, ses antécédents familiaux d’ulcère, d’hémorragie digestive ou de perforation, de maladie coronaire, ses comorbidités, ses traitements antérieurs ou associés. Leur prescription doit être initiée à la posologie minimale efficace sur la durée la plus courte possible. Le traitement doit d'emblée être adapté au mécanisme de la douleur et commencé par des formes à libération immédiate qui sont relayées, si la douleur persiste (la nuit), par des formes retard en expliquant leur titration pour éviter de doubler les doses.
D'après une visioconférence du laboratoire Zambon