- Vous vous installerez ici Madame Dupré. Lorsque vous parlez, oubliez la caméra. Adressez-vous à Monsieur Calvi, explique d'une voix très rassurante l'assistante de rédaction.
- Je me demande pourquoi j'ai accepté cette invitation, plaisante la pharmacienne.
- Parce que vous avez des choses à dire, et notre public a des choses à entendre de vous. Entre nous, je vous tire mon chapeau. Mon frère est préparateur et je sais combien les Français peuvent compter sur vous. Tout ira bien Madame Dupré. Détendez-vous ; Monsieur Calvi sait mettre à l'aise ses invités.
La jeune femme termine sa phrase quand Yves Calvi arrive sur le plateau et salue tour à tour ses invités. Arrivé devant Karine, il lui tend le coude :
- Un grand merci à vous Docteur Dupré d'avoir accepté notre invitation. Je dois vous faire une confidence : grâce à cette épidémie, j'ai découvert votre métier. Et il me semblerait impensable désormais de faire une émission sur un tel sujet sans avoir un pharmacien sur mon plateau.
- Merci beaucoup pour votre accueil. J'espère être à la hauteur. Comment cela va-t-il se passer concrètement ? Vous me posez des questions, je réponds ?
- Exactement. Nous allons parler de la stratégie de dépistage, essayer d'en décortiquer son intérêt réel d'un point de vue médical, épidémiologique et économique. Avant que je ne vous présente aux autres invités, juste un conseil : la polémiste Arlette Maître sera présente, et elle peut tenir des propos… plutôt durs. Ne prenez pas cela comme une attaque personnelle, et n'ayez pas peur de vous défendre… par les mots bien entendu.
Comme promis, le journaliste procède au tour de table afin de présenter chaque invité. Dans son oreille droite, Karine entend :
- Antenne dans 30 secondes.
La pharmacienne sent le stress monter.
- Je suis à ma place ici, je suis légitime, se répète-t-elle en boucle dans la tête.
Dès les premières minutes de l'émission, un dialogue serein s'installe entre Yves Calvi et la pharmacienne qui expose ses réponses très précisément les unes après les autres.
- Arlette Maître, cette mobilisation des professionnels de santé est particulièrement remarquable mais j'ai l'impression que vous restez dubitative sur le travail réalisé, non ?, demande le journaliste.
Sans regarder la pharmacienne, la polémiste se montre rapidement agressive vis-à-vis de la profession :
- Je crois qu'il faut remettre les choses à leur place. Que les pharmaciens mènent les tests et répondent à la demande, ça me paraît normal puisque c'est leur métier. Et n'omettons pas de préciser l'intérêt économique qu'ils trouvent dans ce nouveau service. Il faut cependant préciser quelques limites à l'intervention du pharmacien : le pharmacien n'est pas un médecin, et face à un test positif, ce n'est pas au pharmacien de dire ce que le patient doit faire ou non. En cela, je ne vois pas beaucoup la différence entre le fait d'acheter un test à la pharmacie ou dans une grande surface. Deuxièmement, il est inacceptable qu'un patient se voit refuser, à la pharmacie, un traitement prescrit par un médecin pour soigner son infection Covid. C'est tout simplement une erreur médicale et pourtant, on relate ce genre de faits tous les jours.
- Je crois que ces attaques méritent une réponse, reprend Yves Calvi. Docteur Dupré, qu'est-ce qui différencie un autotest vendu chez vous, en pharmacie, de celui vendu en grande surface ? Et pouvez-vous, en tant que pharmacien, refuser de donner un médicament prescrit par un médecin ?
Agacée par les propos de Mme Maître, la pharmacienne se défend :
- Tout d'abord, je propose à Madame Maître de venir passer quelques heures dans ma pharmacie. C'est une expérience que vous n'oublierez pas !
(À suivre…)