La défense de cette personne dispose de multiples atouts : à 50 ans, on n'est plus vraiment dangereux, le sort des infirmières mérite mieux que des médailles et des applaudissements, elles sont sous-payées et méritent au moins des salaires dans la moyenne européenne, ce qui n'est pas le cas. A-t-elle été brutalisée ? Oui, répond la voix publique et consensuelle, car elle a été tirée par les cheveux par les trois policiers qui l'ont emmenée loin de la manifestation. Oui, encore, parce que nous nous situons aujourd'hui dans une période où les méthodes des policiers et gendarmes sont contestées. Oui, enfin, parce que les forces de l'ordre doivent épargner des manifestants qui semblent bien avoir le bon droit avec eux, surtout s'il s'agit de femmes et que des hommes la brutalisent.
C'est seulement une anecdote, un fait-divers dans l'océan de violence qui balaie le pays depuis que la mort d'Adama Traoré, mort en 2016 sous les coups des policiers, a été comparée à celle de George Floyd, un Afro-Américain tué de sang-froid par la police de Minneapolis. Dans ma chronique quotidienne, j'ai récusé l'amalgame fait par la sœur de Traoré et par ses avocats, entre les deux tragédies. Elles sont d'autant plus distinctes qu'il n'y a aucun rapport entre le racisme aux États-Unis et le racisme en France. Il y a entre les deux une différence de nature, non de degré, la violence en Amérique étant consubstantielle de son histoire, mais pas en France. Est-ce qu'il faut souhaiter que l'infirmière soit condamnée ? Non. Est-ce qu'il faut, une fois de plus clouer les forces de l'ordre au pilori ? Non plus. Il faut comprendre les infirmières et il faut les écouter même si elles font une crise de nerfs au terme de leur colère, de leur indignation et de leur révolte.
Ce qui ne veut pas dire que les policiers puissent traiter les manifestations en France avec des gants : celle des personnels hospitaliers a donné lieu, classiquement, à des débordements, dégâts et blessés. Pour mieux confondre les policiers, des journalistes ont regardé la video des faits seconde par seconde. Ils ont vu que la dame était tirée par les cheveux. Mais ils ont vu aussi qu'avant d'être arrêtée, elle lançait de lourds pavés et qu'elle a fait deux doigts d'honneur aux CRS. Ils ont vu qu'une fois assise sous un arbre, elle a déclaré être asthmatique et a réclamé de la ventoline. Ils en ont donc conclu qu'il n'y a pas un policier pour sauver l'autre.
La mise à sac de Dijon
Ce n'est pas vrai, bien sûr. La police et la gendarmerie sont astreintes à un régime qui défie la raison. Elles ont dû contenir des milliers de manifestations au sein desquelles des black blocs n'ont cessé de commettre des agressions, à cause de la réforme des retraites, à cause des gilets jaunes, à cause du Covid. Il se trouve que l'infirmière a reconnu les faits et qu'elle sera jugée en temps voulu. Ne faut-il pas attendre le jugement ? Une forte partie de l'opinion préfère au contraire continuer à conspuer la police. Soudain, les incidents graves causés dans un quartier de Dijon par un règlement de comptes entre immigrés tchétchènes ont rappelé aux Français que les tarés que charrie notre société peuvent mettre à feu et à sac une ville entière. Nous voudrions dissoudre la police, comme il en a été question à Minneapolis, que nous vivrions dans la terreur. Je ne rappellerai pas ici le ridicule des politiciens en mal de scandale qui se sont précipités sur l'affaire de Dijon pour dénoncer le « laxisme » de l'État après avoir fustigé avec des trémolos dans la voix le sort réservé en 2016 au jeune Traoré. Mais j'ai le droit de dire que si nous avons plus que jamais besoin des infirmières, il se produit des incidents qui rendent la police et la justice tout aussi indispensables.
En revanche, le débat sur les violences policières, qui occulte celles que commettent certains de nos concitoyens, se poursuit et des journalistes croient exprimer le meilleur de leur talent en allant chercher la vérité sur des images prises au téléphone. Il y a peut-être mieux à faire, pour les médias, que de compter les coups et d'intenter un procès à charge contre la police.