Cette prouesse, décrite dans « Nature Medicine », implique l'Institut de la Vision (Sorbonne Université/INSERM/CNRS), l’hôpital d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, l'université de Pittsburgh, l'Institut d'ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle, ainsi que les sociétés Streetlab et GenSight Biologics.
La rétinite pigmentaire se caractérise par une dégénérescence des photorécepteurs, pouvant conduire à la cécité totale. « Les photorécepteurs, ces cellules de détection de la lumière dans la rétine, utilisent des protéines appelées opsines pour fournir des informations visuelles au cerveau via le nerf optique », est-il expliqué dans un communiqué.
Un vecteur viral injecté dans l'œil
L'équipe dirigée par les professeurs José-Alain Sahel et Botond Roska a injecté dans l'œil de ce patient, encore capable de distinguer la présence de lumière, un vecteur viral codant pour un type d'opsine appelée channelrhodopsine (ChrimsonR). L'objectif : faire exprimer cette protéine dans les cellules ganglionnaires de la rétine. « Cette opsine détecte la lumière ambrée, plus sûre pour les cellules rétiniennes que la lumière bleue utilisée pour d'autres types de recherche optogénétique », précise le communiqué.
En parallèle, des lunettes munies d'une caméra ont été mises au point par les chercheurs afin de produire des images visuelles projetées en images de couleur ambre sur la rétine. « Les lunettes détectent les changements locaux d’intensité lumineuse et projettent les impulsions lumineuses correspondantes sur la rétine en temps réel pour activer les cellules ganglionnaires rétiniennes transduites par optogénétique », expliquent les auteurs.
Une phase 3 à venir
Cinq mois après l'injection intraoculaire de ChrimsonR − temps nécessaire pour que la protéine s'exprime dans les cellules ganglionnaires −, le patient a commencé à réaliser une série de tests avec les lunettes.
Au cours du premier test, le patient est parvenu à toucher un grand cahier dans 92 % des cas (36 fois sur 39) et une boîte d'agrafes dans 36 % des cas. Lors du deuxième test, le patient a réussi à compter le nombre de gobelets posés sur une table dans 63 % des cas. Et pour le troisième test, au cours duquel l'activité cérébrale a été enregistrée avec un casque EEG, le patient devait déterminer s'il y avait ou non un gobelet posé sur une table. « Les lectures d'EEG ont montré que les changements corrélés de l'activité au cours de ces tests étaient concentrés dans le cortex visuel », lit-on. Grâce à son œil traité par le vecteur et aux lunettes, le patient a ainsi pu localiser, compter et toucher différents objets.
À noter que la première et la deuxième série de tests ont été effectuées cinq mois avant la troisième, suggérant que l’augmentation de la fonction visuelle a été stable, selon les auteurs.
« Les personnes aveugles atteintes de différents types de maladies neurodégénératives des photorécepteurs et d'un nerf optique fonctionnel seront potentiellement éligibles pour le traitement, mais il faudra du temps avant que cette thérapie puisse être proposée. La société GenSight Biologics compte lancer prochainement un essai de phase 3 pour confirmer l’efficacité de cette approche thérapeutique », avance le Pr José-Alain Sahel.