Services et prestations

La Poste, nouveau partenaire de l’officine

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Publié le 11/09/2017
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Livraison de médicaments, hébergement du dossier pharmaceutique, partenariats avec les grossistes répartiteurs et les laboratoires… Pour pallier la baisse de l’activité de courrier, La Poste cherche à diversifier ses activités, notamment en se lançant dans la livraison de médicament, en collaboration avec des officines. Ce n’est d’ailleurs pas la seule activité que La Poste mène en lien avec la pharmacie : le groupe est partenaire de certains grossistes répartiteurs pour la livraison de colis et sa filiale Docapost héberge et opère le dossier pharmaceutique (DP).
La poste

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Crédit photo : PHANIE

Pour faire face à la baisse structurelle de son activité de distribution de courrier, La Poste se lance dans de nouveaux services, et s’intéresse de près à la livraison de médicaments.

« Déjà, depuis 2013, nous proposons aux pharmaciens un service de livraison de médicaments à domicile appelé Proxi course santé utilisé actuellement par 700 officines », évoque Delphine Mallet, directrice des Services de la Silver économie à La Poste. Les pharmaciens souscrivent un abonnement et peuvent utiliser La Poste comme coursier pour apporter des médicaments au domicile des patients. Toutefois, ce service est peu pratique, étant donné que le pharmacien doit déposer le colis de médicaments dans une agence de La Poste pour qu’il soit ensuite livré.

Expérimentation bordelaise

Voyant une opportunité de développement dans la livraison de médicaments, depuis l’automne 2016, le groupe propose un service complémentaire combinant livraison de médicaments sur ordonnance via une plateforme Internet et mise en relation des patients et des pharmacies. Plus complète que Proxi Course Santé, et accessible à la fois sur Internet, smartphone et par téléphone, « www.mesmedicamentschezmoi.com » intègre le conseil du pharmacien au patient, la gestion des renouvellements d’ordonnances et la préparation des traitements en pilulier. Depuis fin 2016, ce service est expérimenté sur la région bordelaise avec une trentaine de pharmacies.

En pratique, le patient se rend sur le site de la Poste « mesmedicamentschezmoi.com », et y crée son espace personnel. Ensuite, il peut passer commande et choisir le jour de ramassage de l’ordonnance et le jour de livraison de ses médicaments. Le facteur vient d’abord au domicile du client pour récupérer l’ordonnance et l’acheminer jusqu’à l’officine. Il ne reviendra chercher les médicaments que le lendemain matin. Durant ce laps de temps, le pharmacien prépare la commande comme il le ferait pour un patient au comptoir, à la différence qu’il place les médicaments dans un emballage sécurisé, scellé et opaque. De plus, le pharmacien et le patient peuvent dialoguer via Internet pour s’assurer de la bonne compréhension du traitement, des médicaments qui ne sont pas indispensables, etc. « Par ailleurs, le client a aussi la possibilité de numériser l’ordonnance et de l’envoyer à la pharmacie pour que nous la préparions plus rapidement. C’est en général ce que font mes patients », détaille Xavier Mosnier-Thoumas, titulaire à Saint-Médard-en-Jalles (Gironde). Dans ce cas, lorsque le facteur apporte l’original de l’ordonnance, le pharmacien a déjà préparé les médicaments. Il vérifie la conformité de la commande avec l’ordonnance originale, inscrit sur cette dernière les mentions obligatoires avant de remettre dans la foulée le colis au facteur.

Parapharmacie et pilulier

Dans cette expérimentation, La Poste travaille également en partenariat avec mesoigner.fr, société investie dans la e-santé au service des patients, et Medissimo, spécialiste du pilulier. Ainsi, le patient qui commande la livraison de médicaments sur ordonnances via « mesmedicamentschezmoi.com » peut également ajouter à sa commande des produits de parapharmacie ou des médicaments sans ordonnance, si la pharmacie de son choix dispose d’un site marchand accessible depuis la plateforme « mesoigner.fr ». « Ces produits seront livrés dans le même colis que les médicaments prescrits, sans frais supplémentaires », évoque Amaury de Chalain, à la direction de Mesoigner.fr.

De plus, si le patient le souhaite, ses médicaments pourront être préparés en piluliers, grâce au partenariat avec la société Medissimo.

La barrière du prix

Le tarif de la course est intégralement à la charge du patient et directement perçu par La Poste. Le coût unitaire d’une livraison est de 8,90 euros, et un peu plus bas en cas de commandes multiples (7,90 euros la course pour un abonnement à 6 livraisons). Le traitement d’un mois en piluliers hebdomadaires est facturé 19,90 euros au patient et 49,90 euros dans le cas d’un pilulier connecté.

Ces tarifs sont considérés comme élevés pour la majorité des Français, qui adhèrent peu au système. Ainsi, « l’activité de ce service reste modeste, reconnaît Delphine Mallet : sur la trentaine de pharmaciens qui expérimentent cette offre, les plus actifs ne font que 3 livraisons par mois en moyenne. Le modèle n’est donc pas optimal, le coût de la livraison restant à ce jour trop élevé pour que ce service se démocratise ». Outre la question financière, cette nouvelle possibilité de livraison reste peu connue du grand public, ce qui entrave d’autant plus son expansion. « Nous nous sommes rendu compte que ce service ne fonctionne que si les pharmaciens sont impliqués et communiquent auprès de leurs patients sur cette offre : leur dire qu’il existe, l’expliquer », analyse Delphine Mallet.

Néanmoins, « mesmedicamentschezmoi.com » est un service supplémentaire non négligeable pour les patients qui se déplacent difficilement. « Même si cette activité est faible, elle a l’avantage de rendre service », déclare Xavier Mosnier-Thoumas, qui livre en moyenne entre 2 et 4 colis par mois via ce site dans le cadre de l’expérimentation bordelaise. « Mes patients qui y ont recours sont des jeunes et des jeunes seniors (30 ans, 65 ans), atteints de pathologies chroniques (diabète, pathologies cardiovasculaires) et la livraison à domicile facilite leur quotidien », ajoute-t-il. De plus, la plupart des personnes ayant des difficultés à se déplacer ou âgées, n’osent pas demander au pharmacien de leur livrer les médicaments. Alors, « passer par un acteur indépendant et bien connu du public, comme La Poste et ses facteurs, est une démarche intéressante », poursuit le titulaire.

Autres formules

Après l’expérimentation bordelaise, La Poste a souhaité tester d’autres formules, notamment en passant par les groupements, qui pourraient être moteurs pour améliorer la communication autour de ce service dans les officines. Ainsi, en juin dernier, La Poste et le groupement d'officines Pharmabest ont inauguré à Marseille un service de livraison de médicaments à domicile. La livraison est facturée 7,90 euros TTC. « Pour le moment, seule la pharmacie du Prado Mermoz, à Marseille, propose ce service qui passe non pas par un site Internet, mais par une application à installer sur Smartphone ou tablette », indique David Abenhaim, président du groupement Pharmabest et titulaire de la pharmacie. « Mais d’ici à la fin de l’année, la soixantaine d’officines du groupement, réparties sur tout l’Hexagone, devrait le proposer », dévoile-t-il.

La Poste a d’autres projets en cours dans la livraison de médicaments : en septembre en Loire Atlantique — Vendée, soixante pharmacies Giphar proposeront elles aussi la livraison de médicaments à domicile via La Poste sur le même principe, toujours pour 7,90 euros. De même, le groupement se chargera des outils de communication sur ce service qui seront proposés aux pharmacies adhérentes.

La Poste s’est aussi rapprochée de mutuelles. Ainsi, dans le Poitou et le Limousin, un service de livraison de médicaments va être instauré fin 2017, avec le soutien de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail Centre Ouest (Carsat). Les frais de livraison, pris en charge par la mutuelle, seront gratuits pour le pharmacien et le patient. Dans cette dernière expérimentation, l’objectif est de livrer les médicaments à des patients âgés et fragilisés en sortie d'hospitalisation, pour améliorer le parcours de soins.

Avec toutes ces expérimentations, La Poste espère trouver un modèle de livraison de médicaments prescrits qui tient la route. « La solution optimale serait sans doute que plusieurs acteurs participent au coût de la livraison : le patient, la pharmacie et la mutuelle », imagine Delphine Mallet. Cela permettrait d’abaisser le prix facial payé par le patient.

Mais surtout, l’avènement de l’ordonnance numérique sécurisée, qui éviterait les deux passages obligatoires du facteur à la pharmacie (l’un pour récupérer l’ordonnance et l’autre pour livrer le colis), sera sans doute un élément qui contribuera grandement à abaisser le prix de la course. Pour l’instant, la France reste encore frileuse sur les prescriptions électroniques, imposant des contraintes réglementaires fortes, mais « l’avenir est à la e-prescription », comme l’indique Alain Delgutte, président de la section A de l’Ordre national des pharmaciens. Depuis peu, certaines sociétés se sont déjà lancées dans l’aventure, comme Pharma Express, qui a inauguré juillet dernier un partenariat avec SOS médecins en région parisienne, pour la réalisation et la livraison d’ordonnances numériques, ou encore au Pôle santé de Bergerac, qui va mener une expérimentation d’e-ordonnance avec Mesoigner.fr. La Poste, s’intéresse de près au sujet. Mais la société n’entrera dans la course que si la réglementation de l’ordonnance numérique s’allège.

Charlotte Demarti

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3370