C’EST AUJOURD’HUI, lundi 25 octobre, que la question de l’évolution de la rémunération des pharmaciens doit être tranchée. Les syndicats d’officinaux ont en effet rendez-vous avec les représentants du ministère de la Santé pour, ils l’espèrent, voir traduire leurs propositions dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Le temps presse. L’économie des officines se dégrade chaque jour un peu plus. Et l’examen par les députés du PLFSS pour 2011 commence demain.
Les syndicats veulent du concret, rien que du concret. Réunie vendredi en assemblée générale extraordinaire à Marseille, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a d’ores et déjà prévenu que, dans le cas contraire, elle pourrait bien envisager de durcir son mouvement de grève des gardes entamé début juillet. « Si à la veille du débat à l’Assemblée nationale on ne nous annonce pas de décisions concrètes, c’est que l’on nous promène. Nous ne l’accepterons pas », nous confiait récemment son président, Philippe Gaertner (« le Quotidien » du 21 octobre).
Depuis quelque temps, la mobilisation des pharmaciens s’est amplifiée pour dénoncer l’absence de décisions des pouvoirs publics concernant l’évolution de la rémunération. Le 11 octobre, à l’appel de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), quelque 250 pharmaciens s’étaient rassemblés devant le siège de la Caisse nationale d’assurance-maladie, à Paris, pour demander notamment l’arrêt des grands conditionnements. Déjà le 28 septembre, l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) avait mené une opération « Journée morte » et lancer une pétition auprès des patients pour la sauvegarde la pharmacie de proximité. Tout en maintenant son mot d’ordre de grève des gardes.
Clignotants au rouge.
Malgré quelques divergences, les syndicats d’officinaux partagent le même constat : le modèle actuel de la marge dégressive lissée (MDL) n’est plus adapté, ont-ils martelé lors de la table ronde consacrée à la rémunération dans le cadre de la Journée de l’économie de l’officine. En effet, l’arrêté de marge négocié en 1999 visait à moduler les progressions de volume et de prix des médicaments remboursables. Or, depuis 2005, ceux-ci sont à la baisse, notamment sous l’effet des différents plans de maîtrise des dépenses de santé. « Le système actuellement en vigueur est fondé sur quelque chose qui n’existe plus », explique Philippe Gaertner qui, depuis 2008, demande une augmentation du seuil de la première tranche de la marge.
Phénomène aggravant, les autres secteurs d’activité de l’officine sont également à la peine depuis 5 à 6 ans. « Les ventes des produits à TVA 5,5 % et à 19,6 % s’effondrent et ne permettent pas de compenser », souligne Claude Japhet, président de l’UNPF. En résumé, tous les clignotants sont au rouge.
Premier indicateur de la mauvaise santé des officines, les trésoreries qui plongent en dessous de 0. « Au 31 décembre 2008, 36 % déclaraient une trésorerie négative ; au 31 décembre 2009, il y en avait 48 % », observe Philippe Gaertner. Parallèlement, le nombre de procédures collectives décolle. « Jusque dans les années 2006, nous étions sur un rythme de croisière de procédures collectives d’environ une quarantaine par an, souligne le président de la FSPF. Nous avons atteint l’an dernier plus de 120 procédures collectives. Et malheureusement, nous devrions atteindre les 200 à la fin de l’année. »
La dégradation économique du réseau ne passe pas inaperçue. L’agence de notation financière Coface, cite ainsi, dans son rapport de mars 2010, que la pharmacie dans son ensemble, et la pharmacie d’officine en particulier, font face à une explosion des défaillances depuis 2008. « On n’est plus sur des chiffres ou des impressions portés par la profession, mais aujourd’hui la situation est très clairement repérée », indique Philippe Gaertner.
Impatience.
Les pouvoirs publics en ont conscience et Roselyne Bachelot elle-même a demandé, fin mars, la mise en place d’un groupe de travail afin « d’y voir clair sur l’évolution des marges des pharmacies ». La ministre de la Santé jugeait en effet à l’époque impératif d’adapter le modèle économique de l’officine à un marché du médicament structurellement moins dynamique qu’auparavant. Déjà, la ministre avait prévenu que les conclusions du groupe de travail figureraient dans le prochain PLFSS. Mais les syndicats souhaitaient que les arbitrages interviennent bien avant. D’où leur colère lorsqu’ils sont sortis des réunions des 1er et 20 juillet, puis du 15 septembre sans aucune proposition précise du gouvernement, seulement la fixation d’une nouvelle rencontre le 25 octobre. « Dès le départ, nous considérions que si l’on souhaitait avoir une chance d’obtenir quelconque modification, les négociations devaient aboutir avant l’été », rappelle Claude Japhet. En effet, pour les syndicats, le cadre du PLFSS n’est pas forcément le mieux adapté pour parler d’évolution de rémunération. Les élections aux Unions régionales des professionnels de santé (URPS) prévues en décembre prochain sont, en outre, de nature à venir troubler le jeu et à créer des tensions entre les syndicats dont les pouvoirs publics pourraient bien profiter. Et puis, l’élection de 2012, c’est déjà demain. Dans la perspective de la présidentielle, le gouvernement pourrait être tenté soit de refuser toute revalorisation de la marge, soit au contraire, de faire des cadeaux à la profession, estime Claude Japhet. « Dans un cas comme dans l’autre, le problème reste le même, c’est qu’en 2013 il faudra tout recommencer », estime le président de l’UNPF. Or, en 2013, « le déficit de la Sécurité sociale ne sera pas comblé et le nouveau gouvernement en place prendra des mesures immédiates pour redresser les comptes, en particulier sur le poste "médicament" », craint-il. Pour l’heure, les syndicats attendent toujours que la situation se débloque. Et pourquoi pas aujourd’hui.
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