C'est un paradoxe de l'officine face au COVID-19. Les équipes sont obligées de refuser à longueur de journée les ventes sur deux produits phares du moment : le gel hydroalcoolique et les masques protecteurs. « Cette situation montre les limites de la gestion en flux tendu afin de réduire le coût du stockage », analyse Philippe Becker, expert-comptable et commissaire aux comptes chez Fiducial. Ce maillon faible dans la gestion sera sans aucun doute à reconsidérer après la crise, au-delà de la fragilité d’un approvisionnement en médicaments dans des pays hors de l’Union européenne.
L’heure n’est toutefois pas aux leçons. L’officine, considérée par les pouvoirs publics comme indispensable à la vie de la nation, se doit de fonctionner dans l’immédiat et d’assurer sa pérennité à moyen et long terme. Car l’afflux de patients auquel elle doit faire face peut être trompeur. Cette recrudescence d’activité n’est pas obligatoirement signe de bonne santé économique. La faiblesse de la marge sur les boîtes de paracétamol, premier motif des visites à l’officine au cours de la semaine écoulée, n’est bien sûr pas seule en cause dans la fragilisation d'une économie officinale attaquée sur plusieurs fronts.
Prévenir les ruptures
Premier réflexe pour assurer la continuité de l’activité : prévenir dans la mesure du possible les ruptures d’approvisionnement qui pourraient s’accentuer dans les semaines à venir, en fonction de la durée du confinement. Les titulaires doivent être par conséquent vigilants sur les commandes de médicaments et de produits à forte rotation afin de prévenir l'aggravation du phénomène des manquants.
Préserver la trésorerie
Talon d’Achille de l’entreprise en temps de paix, la trésorerie est désormais un trésor de guerre. « C’est l’oxygène de l'entreprise ! Les titulaires doivent tout faire pour préserver leur trésorerie en différant tout ce qui n'est pas essentiel ou indispensable tant qu'ils n'auront pas de visibilité », recommande vivement Philippe Becker. Sur ce point précisément, le gouvernement a pris des mesures de protection.
Prendre en compte les aides de l’État
En effet, l’État a soumis jeudi 19 mars aux députés un projet de loi de finances rectificative comprenant entre autres plusieurs mesures destinées aux entreprises. Il s’agit à la fois d’aides immédiates, fiscales et sociales, pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire comme le chômage partiel, et d’aides sur le moyen termes pour compenser les difficultés financières engendrées par la crise. L’esprit de cette loi est de sauvegarder la pérennité du tissu économique afin de permettre le rebond du pays après la crise sanitaire.
À signaler que d'autres mesures avaient été annoncées dès le début de l'épidémie, comme le report des échéances fiscales et sociales à venir, la possibilité de reporter les loyers, ou encore le dépôt de demandes de remises d’impôts directs pour les situations les plus difficiles, après examen individualisé des dossiers.
En tant qu’employeur, le titulaire se voit par ailleurs épargné d’une tâche administrative. Depuis le 18 mars, toute personne dont l’état de santé conduit à la considérer comme présentant un risque de développer une forme sévère de COVID-19 est autorisée à télédéclarer son arrêt de travail sur le site ameli.fr pour une durée de 21 jours, sans passer ni par son employeur, ni par son médecin traitant*.
Allocation d’activité partielle versée à l’employeur
La défection de certains salariés peut cependant fragiliser le fonctionnement de l’officine, et ce en dépit des dispositifs de solidarité mis en place dans la profession (voir notamment ci-dessous). Pour ces raisons ou pour tout autre motif, il peut en résulter un ralentissement de l’activité de l’entreprise. Concernant ces cas d’activité partielle, un dispositif exceptionnel prend en charge de manière intégrale le chômage partiel des salariés (70 % du salaire brut, soit 84 % du salaire net) jusqu’à 4,5 fois le SMIC, pour toutes les heures chômées à compter du 1er mars 2020. « Cette réforme réduit significativement le reste à charge pour les entreprises et leur permet ainsi de limiter les licenciements en cas de difficulté économique », précise le projet de loi.
Des prêts garantis par l’État
Le projet de loi de finances rectificative prévoit également une garantie d’État à hauteur de 300 milliards d’euros pour les prêts bancaires qui seront accordés entre le 31 mars et le 31 décembre 2020. L’accès au crédit sera donc facilité pour toute entreprise, parfaitement viable avant le choc lié au COVID-19 mais touchée par les conséquences de la crise sanitaire, afin de l’accompagner face à des difficultés de trésorerie temporaires et de l’aider « à rebondir une fois le choc passé avec le moins de pertes en capital physique et humain possible ».
Faire appel à d’autres dispositifs
L’ensemble des acteurs de la chaîne se mobilise actuellement et certains comme Interfimo ont d’ores et déjà mis en place un dispositif exceptionnel pour soutenir leurs clients. Interfimo a ainsi annoncé que les remboursements des crédits professionnels pourront bénéficier d’un report de six mois sans frais. Par ailleurs, des financements personnalisés pourront être octroyés à des conditions privilégiées. Côté assurances, certaines compagnies ou mutuelles ont mis en place des aides, telle la MACSF qui a créé un fonds de solidarité d’un montant de 1 million d’euros pour soutenir les sociétaires en difficulté.
En tout état de cause, il est recommandé aux titulaires de ne pas se précipiter et d’étudier l’ensemble de ces dispositifs avec un certain recul. Car comme le souligne Philippe Becker, « il est impossible aujourd'hui de prédire quoique ce soit sur l'état économique des officines à la fin de l'année 2020 ».
À moyen terme, une chose est sûre, estime l’expert-comptable, il faudra payer une addition extrêmement lourde tant l'impact économique est énorme dans la plupart des pays du monde : « il faut donc s'attendre à une explosion des dettes publiques qui devront être remboursées ». Et de prédire la création d'un impôt ou d'une contribution générale « coronavirus » en 2021 qui se remboursera sur au moins 30 ans !
* Il s’agit des femmes enceintes et des salariés atteints de maladies chroniques selon une liste établie par la Haute autorité de santé (HAS).
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