Attractivité, le mot est dans toutes les bouches depuis que la profession a reçu comme un électrochoc la nouvelle à la rentrée universitaire : les facs de pharmacie ne font plus le plein ! Dans les amphis, 1 100 places sont vacantes. Soit un étudiant sur trois qui manque à l’appel. Et ce seront dans six ans, autant de diplômés qui feront défaut dans une profession où, déjà, 15 000 postes ne sont pas pourvus.
Face à la menace, tous les acteurs du réseau officinal se sont mobilisés, groupements, syndicats, ainsi que l’Ordre qui a récemment détaillé son plan d’actions. Les instances ordinales (sections A et D) incitent les pharmaciens à s’emparer eux-mêmes du sujet en devenant ambassadeurs de leur profession dans leur environnement immédiat. La présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), Carine Wolf-Thal, de son côté, met l’accent sur une nécessaire réforme des PASS-LAS*.
« Parcoursup m’a tuer »
La présidente du CNOP convient également que, au-delà de cette réforme, une réorganisation de la plateforme Parcoursup s’impose. Car, comme le souligne Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), l’attractivité de la profession passe avant tout par la restauration de sa visibilité. « Parcoursup m’a tuer ! », a-t-il lancé lors du 30e congrès de l’Union des associations des professions libérales (UNAPL), le 2 décembre. « On ne l’a pas vu venir », reconnaît-il alors que la profession de pharmacien n’apparaît plus sur la plateforme, vecteur quasiment unique en France pour accéder aux études supérieures. « Il faut être incisif sur la description du métier si on veut qu’il soit retenu au moment du choix du lycéen », plaide-t-il, assurant que les différents acteurs de la profession travaillent avec l’Ordre pour présenter le cadre de la formation et l’attractivité multifactorielle du métier. « Un chantier prioritaire », conclut le président de la FSPF**.
Maxime Delannoy, président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie (ANEPF) estime lui aussi que la réforme des études de santé a nui à la visibilité de la pharmacie. Cependant, selon lui, le comité de suivi de la réforme devrait agir rapidement pour que Parcoursup corrige le tir. Maxime Delannoy est formel, « le mot pharmacie figurera dans les modules de présentation des cursus ». Réponse le 20 décembre, puisque la plateforme actionnera à cette date le moteur de recherche des formations. Les vœux, quant à eux, au nombre de 10 maximum, pourront être déposés sur la plateforme dès le 18 janvier 2023.
Le goût de l’entrepreneuriat
Pour redonner le goût de la pharmacie aux jeunes, une plateforme à elle seule ne suffira pas. Le métier doit leur sembler attractif également sous l’aspect de sa pratique au quotidien. Or il ne fait aucun doute pour Philippe Besset que l’exercice officinal l’est par essence. « L’attractivité de notre métier est liée à l’indépendance et au sentiment qu’on maîtrise notre destin en devenant son propre patron », argumente-t-il. Deux critères qui devraient correspondre, aujourd’hui, selon lui, aux aspirations des générations montantes, en quête de plus d’autonomie et traversées par l'esprit d'entreprise.
Pour autant, lui rétorque Maxime Delannoy, les futurs pharmaciens souffrent précisément d’un manque de connaissance dans ce domaine. « Si nous disposons d’une formation complète pour être de bons professionnels de santé, les cours de management, de gestion et d’économie, en revanche, sont survolés à la fac et encore moins mis en pratique », dénonce-t-il. Il regrette ainsi que les stages ne soient pas l’occasion d’aborder, avec les titulaires, les différentes facettes du fonctionnement de leur officine. Deuxième grief fait au cursus universitaire, l’absence de notions en sciences sociales. « Elles sont pourtant essentielles. Nous nous retrouvons face à des patients que nous devons accompagner sans détenir les clés de la communication », regrette Maxime Delannoy. A contrario, il s’interroge sur la présence au programme de contenus de cours qu’il n’hésite pas à qualifier d’obsolètes.
S’estimant mal préparés, les futurs pharmaciens renâcleraient-ils à opter pour l’officine ? Ces lacunes peuvent être en tout cas un frein à l’installation, voire pénaliser les relations entre titulaire et adjoint, ou entre associés.
Le mouvement, force d’attraction du métier
S'agit-il d'une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes ? Philippe Besset, en tout cas, s’inscrit en faux contre ces reproches faits au système universitaire. « Notre formation mène à des métiers très différents, la spécialisation s’opère par la suite, même si, convient-il, il y a lieu de rénover la filière officine, notamment par le compagnonnage, étape qui permettra d’acquérir des notions entrepreneuriales. » L’essentiel, pour le président de la FSPF, est de donner aux futurs officinaux un solide socle en pharmacologie. « Notre temps d’étude est restreint. Si on rajoute des modules de formation en management et gestion, on va arrêter de parler d’antibiotiques et de pathologies ! », lance-t-il, un rien provocateur.
« L’enseignement supérieur a ceci de déterminant qu’il apprend à apprendre », poursuit Philippe Besset. La connaissance des actes, des pathologies et des patients doivent impérativement figurer au premier rang des programmes. Dans ce cas, un apprentissage sur le tas suffirait-il pour le reste, en l'occurrence la gestion et le management ? Oui, si l’on en croit le président de la FSPF. Il en veut pour exemple les différentes transformations du métier qu’il a connues au cours de sa carrière et qui l'ont conduit « à se renouveler dans tous les sujets ». « Que ce soit dans l’informatique, la logistique et plus récemment dans les nouvelles missions liées à la crise sanitaire, notre métier ne cesse d’évoluer. La formation se déroule tout au long de la vie professionnelle », promet-il avec enthousiasme.
Et si cette capacité de l’exercice officinal à se réinventer sans cesse était finalement sa principale force d’attractivité ? Reste, dans ce cas, à le faire savoir.
* Parcours spécifique accès santé et licence option accès santé.
** Lire aussi en page 10 « Comment combler le déficit d'image du pharmacien auprès des jeunes ».