Le Quotidien du pharmacien.- Le DP-Rupture a été évoqué comme un outil primordial dans la feuille de route contre les pénuries. Comment l’Ordre interprète-t-il cette valorisation du DP-Rupture par les pouvoirs publics. Comment entendez-vous garder la main sur cet outil alors qu’il est appelé à être développé ?
Carine Wolf-Thal.- La feuille de route ministérielle pour 2024-2027 vient consacrer le rôle du DP-Rupture, comme un outil essentiel pour alerter, communiquer et informer en toute transparence l'ensemble des acteurs de la chaîne pharmaceutique. Comme chacun des outils que nous mettons à la disposition de nos confrères, nous réfléchissons en permanence à des développements, des améliorations.
Cette reconnaissance renforce notre détermination pour faire évoluer le DP-Rupture. Nous avons d’ores et déjà prévu un affichage plus clair pour l’ensemble des utilisateurs et des contributeurs. Nous serons pleinement mobilisés aux côtés des pouvoirs publics pour faire en sorte d’exploiter tout le potentiel que renferme le DP-Rupture et que nous sommes en mesure de déployer, au service de nos confrères et de nos patients.
À l’heure où ParcourSup clôture sa première session, êtes-vous satisfaite des initiatives prises en faveur de l’attractivité du métier ? Quelles sont les actions qui restent à entreprendre ? Rejoignez-vous la prise de position des académies de pharmacie et de médecine publiée le 26 février concernant l’orientation des bachelier(e) s vers les études en pharmacie et médecine.
C’est un constat que nous partageons et sur lequel nous alertions déjà en 2023. Je le répète souvent mais je suis convaincue qu’il n’y a pas de désamour pour les études de pharmacie, mais bien un manque de lisibilité (lire aussi en page 5). Ce constat est au cœur de la feuille de route dédiée à l’attractivité que nous portons à l’Ordre en concertation avec tous les acteurs de la profession.
Mobilisés, nous travaillons à rendre visibles et lisibles l’ensemble des métiers et des missions des pharmaciens au service de la santé publique. Notre dernière action en date est justement le déploiement de la campagne « Pharmacien, le moins connu des métiers connus » auprès de différents publics et en particulier les jeunes en cours d’orientation. C’est d’ailleurs pour faciliter les interventions dans les établissements scolaires ou dans les salons étudiants que nous l’avons conçue. Tous les pharmaciens peuvent se l’approprier. Ils ont à leur disposition un film publicitaire, des flyers, des livrets expliquant les études, les métiers adaptés à tous les publics, du collège jusqu’aux études supérieures. Après tout, nous sommes tous les meilleurs ambassadeurs de nos métiers.
À trois semaines de l’affaire Almerys/Viamedis, comment l’Ordre peut-il agir pour garantir au niveau des officines la sécurité des données patients ?
L’actualité nous le rappelle un peu plus chaque jour, les cyberattaques se multiplient et les officines ne sont pas épargnées et doivent rester vigilantes, sous la responsabilité de chaque titulaire d’officine.
Pour les accompagner dans cette tâche, l’Ordre met à disposition des pharmaciens des outils tels que la fiche protection des données de santé accessible via le site de la Démarche qualité à l’officine, qui permet d’obtenir les informations essentielles pour aider à sécuriser les données de santé des officines. L’Ordre relaie également sur son site internet les communications des autorités telles que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Les pharmaciens sont également invités à se référer au guide rédigé par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) et la CNIL pour accompagner les pharmaciens d’officine dans leur mise en conformité à la réglementation sur la protection des données.
Enfin, le numérique en santé constitue une orientation prioritaire du développement professionnel continu (DPC) pour la période 2023-2025. Cette thématique, à laquelle les professionnels peuvent se former, prévoit d’aborder la cybersécurité afin de sensibiliser les pharmaciens et les accompagner dans leur démarche de protection des données.
Après l’affaire du tire tiques qui a donné lieu à une condamnation à une semaine d’interdiction d’exercer pour le pharmacien, entendez-vous préciser à la profession la notion de gardes et des délivrances qui relèvent ou non de l’urgence ?
Des plaintes disciplinaires avaient effectivement été déposées contre un pharmacien titulaire d’officine, qui, alors qu’il était de service de garde, pour un refus d’ouverture de son officine afin de délivrer un tire tiques destiné à retirer la tique présente sur le cou d’un enfant âgé de dix-neuf mois.
La chambre de discipline du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens a prononcé pour ces faits une interdiction d’exercer la pharmacie pendant une durée d’une semaine avec sursis.
La juridiction disciplinaire a rappelé qu’un pharmacien de service de garde est dans l’obligation de répondre aux besoins du public, que celui-ci ait besoin d’un produit entrant ou non dans le monopole pharmaceutique.
L’affaire Urgo a mis un coup de projecteur sur certaines pratiques qui avaient cours dans le passé. Il apparaît cependant que d’autres usages restent encore à préciser, notamment les « bons cadeaux » dont les contours restent flous pour certains pharmaciens. Quel regard l’Ordre porte-t-il sur ces sollicitations de l’industrie ?
Aucune sollicitation ne doit altérer l’indépendance du pharmacien dans son exercice. Chaque pharmacien doit veiller à toujours exercer avec indépendance. Cela suppose, comme rappelé dans le code de déontologie, qu’il convient de ne pas “aliéner son indépendance sous quelque forme que ce soit" (article R. 4235-3 du code de la santé publique (CSP). La confiance des patients repose en particulier sur l’indépendance du professionnel de santé auquel ceux-ci s’adressent.
L’Ordre veille à ce que les pharmaciens disposent, notamment dans ses différents supports de communication, des informations nécessaires afin de respecter les règles relatives à l’interdiction de percevoir des avantages qui s’appliquent à toutes les personnes assurant des prestations de santé prises en charge par l’assurance maladie.
Attaché à préserver l’indépendance professionnelle et au respect de la déontologie applicable à la profession de pharmacien, l'Ordre se réserve la possibilité d'engager toutes les actions qu’il jugera nécessaire à l’égard de pratiques qui pourraient s'avérer illégales.
La violence contre les pharmaciens, exacerbée par les ruptures, fait-elle encore partie des sujets à traiter prioritairement par le ministère, après le départ d’Agnès Firmin-Le Bodo qui s’en était saisie ?
Permettez-moi de rappeler en premier lieu, la solidarité de l’ensemble des élus de l’Ordre avec nos confrères qui sont victimes d’agressions. Dans notre bilan sur la sécurité des pharmaciens, nous enregistrions une déclaration d’agression par jour en moyenne sur l’année 2022. Nous condamnons fermement cette situation.
Dans un contexte où la montée des incivilités et de l’insécurité s’observe dans la société en général, je crois qu’il est de notre responsabilité collective d’agir avec les pouvoirs publics pour faire en sorte de trouver des solutions pour garantir la sécurité de celles et ceux qui prennent soin des autres. Rien ne saurait justifier une agression vis-à-vis d’un professionnel de santé.
Récemment encore avec Brigitte Berthelot-Leblanc, présidente du Conseil central représentant les pharmaciens d’Outre-mer, nous appelions les pouvoirs publics à prendre des mesures concrètes face aux tensions sociales qui agitent Mayotte et mettent en danger nos confrères. Je crois que plus que jamais nous avons besoin de la mobilisation de l’État sur la question de la sécurité des soignants en général et des pharmaciens en particulier.
Sur ce point, je tiens particulièrement à saluer la mobilisation des parlementaires qui se sont emparés de cette question. Ils travaillent actuellement sur un projet de loi qui doit concrétiser les premières mesures proposées par l’ancienne ministre de la Santé et de la Prévention. C’est une étape supplémentaire qui va dans le bon sens pour renforcer la sécurité de tous les professionnels de santé. De mon côté, je sais pouvoir compter sur l’engagement de Gildas Bernier, élu référent auprès du Conseil national comme de tous nos référents agressions partout en France métropolitaine et en Outre-mer pour accompagner au mieux les pharmaciens dans ces situations difficiles.
Comment a évolué le montant de la cotisation ordinale cette année ?
Comme chaque année, nous nous employons à calculer le budget au plus juste en fonction du contexte national et de la réalité des charges liées aux actions qui nous incombent. En ce sens, nous mettons tout en œuvre pour rationaliser nos dépenses de fonctionnement et limiter au maximum l’évolution des cotisations. Cette année, malgré un contexte d’inflation très tendu et des exigences d’actions de plus en fortes, nous sommes parvenus à limiter cette hausse à 5 %. Cette hausse, n’a pour seul objectif que d’assurer la continuité de toutes nos actions pour accompagner les pharmaciens dans leur exercice quotidien.
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