Le marché des transactions reviendrait-il à la raison ? Cette tendance déjà soulignée en mars par les experts-comptables du réseau CGP se confirme dans l’étude publiée par Interfimo*. Bien que restant à un niveau élevé, le prix moyen de l’officine affiche une tendance baissière déjà observée au dernier trimestre 2022. Les officines d’un chiffre d’affaires supérieur à 1,2 million d’euros se sont cédées en moyenne à 84 % de leur chiffre d’affaires, soit trois points de moins qu’en 2022. Les « petites » officines, celles dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1,2 million d’euros, ont, quant à elle, étaient valorisées cinq points en dessous du niveau de 2022, ou à 59 % de leur chiffre d’affaires.
« Il s’agira désormais de vérifier la pertinence du taux de marge brute comme indicateur, un pilotage s’avère indispensable
Jérôme Capon, directeur du réseau d’Interfimo,
Un troisième type d’indicateur
Si l’on retient l’EBE comme critère de valorisation, ce coefficient subit lui aussi une inflexion. Ainsi le prix des officines d’un chiffre d’affaires supérieur à 1,2 million d’euros a été estimé à 6,4 fois leur EBE, contre 6,7, en 2022. Interfimo plaide désormais pour croiser trois indicateurs : le ratio sur le chiffre d’affaires, l’excédent brut d’exploitation (EBE) et, enfin, la marge brute. Ce nouvel indicateur a pour avantage de prendre en compte le poids des médicaments chers sur la rentabilité de l’officine. En introduisant ce nouveau multiple, Interfimo constate que le prix moyen de l’officine de plus d’1,2 million d’euros de chiffre d’affaires équivaut à 2,7 fois sa marge brute. Les plus petites officines, quant à elles, se sont vu appliquer un coefficient atteignant 1,9 fois leur marge brute. « Il s’agira désormais de vérifier la pertinence de ce nouvel indicateur et un pilotage s’avère indispensable », précise Jérôme Capon, directeur du réseau d’Interfimo, estimant que l’application d’un troisième indicateur permet d’éviter la surpondération de la notion de chiffre d’affaires dans la fixation du prix.
L’héliotropisme a la vie dure
S’il permet de gommer certains biais, notamment celui des chiffres d’affaires gonflés artificiellement par les médicaments chers, ce nouveau critère ne contribuera pas à atténuer les disparités qui continuent à se creuser sur le marché. Entre typologies d’officine, tout d’abord, les plus grosses d’entre elles, c’est-à-dire d’un chiffre d’affaires supérieur à 2,4 millions, étant valorisées 2,9, voire 3 fois leur marge brute. La dispersion du marché s’accroît par ailleurs. Car si les pharmacies de quartier et les pharmacies de centre-ville se sont vendues dans la moyenne nationale, les pharmacies rurales et de centres commerciaux restent les mieux valorisées à 2,8 fois leur marge brute pour les premières, 2,9 fois leur marge brute pour les secondes. Ces chiffres ne concernent cependant que les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1,2 million d’euros. Pour les plus petites, la situation se dégrade tout particulièrement quand elles se situent dans les quartiers ou en milieu rural où leur prix n’atteint plus que 1,8 fois leur marge brute.
Même polarisation en ce qui concerne les lieux d’implantation. L’héliotropisme, qui domine le marché de la transaction depuis plusieurs années, perdure. C’est toujours en Occitanie et en PACA que les officines se cèdent à des prix supérieurs au marché, soit 2,7 à 2,9 fois leur marge brute globale, voire 3 fois en Corse ! À l’autre bout de l’échelle des régions, le Centre- Val de Loire et la Bourgogne-Franche-Comté sont à la peine avec une valorisation reposant sur 2,3 fois cet indicateur.
Un marché animé
« La tendance baissière sur les prix devra se maintenir pour maintenir la fluidité du marché », met en garde Jérôme Capon à la lecture de ces chiffres. De fait, 2023 a été marquée par une nouvelle dynamique, et ce en dépit d’un environnement économique complexe mettant en relief les enjeux de rentabilité (voir page 8). 1 606 opérations ont été enregistrées l’année dernière (747 mutations de parts contre 859 mutations de fonds), contre 1 490 en 2022, soit une hausse de 8 %. Le marché renoue avec le niveau de 2021, déclare avec satisfaction Interfimo.
« Cette belle progression, qui fait fi d’un contexte économique incertain, a sans nul doute été soutenue par des mesures fiscales, telle celle favorisant l’amortissement des fonds. Celles-ci ont indéniablement profité au marché », constate-t-il. La confiance dans l’officine ne tarit pas, remarque de son côté, Thomas Morgenroth, vice-doyen en charge de Territoire et Partenariats à l’UFR des Sciences de santé et du sport à Lille, pointant un ratio de 81 mutations pour 1 000 officines, alors que l’année 2022 n’en avait comptabilisé que 73. C’est sur la façade maritime que le marché s’avère le plus dynamique avec des taux de mutations de 94/1 000 officines en Bretagne et en Normandie et de 86/1000 en PACA. La région Ile-de-France ne demeure cependant pas en reste avec 89 mutations pour 1 000 pharmacies. Ces mouvements sont portés, il est vrai, par un nombre record de départs en retraite, (1820 soit une hausse de 4 %), première cause de transmission.
*Prix de cessions des pharmacies 2023. Étude 2024.
Une femme de 36 ans…
Le primo-accédant de 2023 est une femme dans 66 % des cas (53 % sur l’ensemble des dossiers traités par Interfimo). Elle acquiert son officine seule (38 % des cas contre 41 % en 2022), dans deux cas sur trois, il s’agit d’un fonds, à un prix équivalant 6,4 fois son EBE, ou 2,7 fois sa marge brute. Dans plus d’un cas sur trois, elle est accompagnée d’investisseurs.
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