On les savait inquiets face à leur avenir, parfois déroutés dans leur cursus, souvent précarisés par leurs conditions d’études. Cette souffrance des étudiants en pharmacie, qui transparaissait déjà en 2018 dans le « Grand Entretien 2.0 », puis un an plus tard, dans l’enquête « Bien être », tous deux menés par l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), est aujourd’hui exacerbée par la pandémie.
Idées noires
Une deuxième enquête « Bien être »*, spécialement dédiée au bilan de cette année de crise sanitaire, ne fait malheureusement qu’aggraver le constat. Le faisceau des causes de ce mal-être étudiant se resserre aujourd’hui sur les conditions d’études en période de pandémie. Il puise ses racines dans l’isolement dont ont souffert 44 % des étudiants au cours de ces quinze derniers mois. Confinements successifs, cours en distanciels et fermeture des bibliothèques ont contribué à accentuer le sentiment de solitude. Au point que près d’un étudiant sur deux qualifie sa santé mentale de « plutôt mauvaise à mauvaise ». Plus grave encore, 35 % des étudiants reconnaissent avoir eu des idées noires, ce mal-être conduisant 11 % des étudiants à se faire mal physiquement et 13 % à avoir envie d’en finir. Pour 4 % d’entre eux, l’issue a été fatale. Pourtant, trois étudiants sur quatre déclarent ne pas avoir eu de telles intentions avant la crise.
Le sentiment d’isolement a fragilisé leur confiance en eux : pour 71,7 % des étudiants les études sont devenues une source de stress. Une proportion quasi équivalente considère que la crise a provoqué une détérioration dans l’acquisition des connaissances et des compétences. Elle est même à l’origine d’un décrochage « assez important ou total » pour 41 % des étudiants en pharmacie. Avec ce sentiment d’être dépassé, comme l’exprime cet étudiant dans l’enquête : « les études m’intéressent de moins en moins. On doit apprendre énormément de choses en peu de temps, donc on n’a pas le temps de comprendre. Pour l’instant, si je devais résumer mes études de pharmacie, ce serait 2 ans à apprendre de la chimie et de la galénique et 1 an à apprendre toutes les classes et molécules de médicament, sans pouvoir avoir le temps de vraiment comprendre le médicament qui est quand même le plus présent dans l’activité du pharmacien, surtout en officine… »
L'institution en question
Ils en redoutent même, pour un tiers d’entre eux, une dévalorisation de leur diplôme, les amenant dans 37,7 % des cas à remettre en cause leur projet professionnel ; 0,6 % des étudiants ont même arrêté leurs études. Parmi les autres, une large majorité estime que les examens sont plus éprouvants qu’avant la crise sanitaire.
Les conditions matérielles (logement isolé ou exigu, cohabitation avec la famille, difficultés de connexion Internet) y sont également pour quelque chose, comme le pointent du doigt 57,4 % des étudiants qui ont rencontré des difficultés à suivre correctement leur cursus universitaire. Il faut dire que leurs établissements ne les ont pas particulièrement soutenus, estiment-ils dans un cas sur trois. Car, déclarent-ils, les facs n’ont pas mis en place les conditions nécessaires pour leur permettre de suivre correctement leur cursus. « Nous ne sommes pas assez soutenus. Heureusement, j’ai ma famille, mais beaucoup n’ont pas cette chance. Je comprends que certains craquent. La pression des examens était déjà trop élevée bien avant le Covid. Elle l’est davantage aujourd’hui. Les problèmes ne datent malheureusement pas de la crise sanitaire. Ce qui manque, ce sont des messages rassurants de nos professeurs et de nos doyens », déplore un autre étudiant cité dans l’enquête. C’est plus d’1 étudiant en pharmacie sur 2 qui ne se sent pas accompagné par ses professeurs, dénonce l’ANEPF. « Si la crise a inévitablement perturbé l’ensemble de l’équipe pédagogique, celle-ci ne peut pas être une justification à tous ces constats », poursuit l’association. Les enseignants ne sont pas seuls incriminés. Le manque cruel de communication de la part de l’administration est également pointé du doigt, tandis que 25,6 % des étudiants ont eu des difficultés à trouver un stage. Au regard de ce dernier constat, n’est-ce pas une partie de cette génération qui risque la déconnexion ?
* Enquête effectuée du 17 janvier au 9 février 2021. 2 978 étudiants répondants, dont 25,2 % de deuxième année, 30,1 % de 3e année, 26,4 % de 4e année, 36,1 % de filière officine et 33,9 % en industrie.
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