En 2020, le secteur de la santé était à l’origine de 8 % des émissions de GES en France, soit plus de 46 millions de tonnes d’équivalent CO2 (CO2e). Issus du rapport « Décarboner la santé pour soigner durablement » publié en novembre dernier par le think tank The Shift Project, dont l’objectif est de contribuer à libérer l’économie de l’empreinte carbone, ces chiffres illustrent le paradoxe de l’industrie des produits de santé : un impact écologique négatif pour produire des solutions visant à être en meilleure santé. Pour le think tank, l’offre et l’activité de soins vont inévitablement être bouleversées par le dérèglement climatique, qui va imposer à chacun de trouver les moyens de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, utiliser des substituts aux ressources fossiles et gérer les conséquences sanitaires de la dégradation des écosystèmes et des crises climatiques. Les industries de santé y sont poussées non seulement par les gouvernements, mais aussi par les citoyens, par exemple pour privilégier des circuits plus courts.
Ainsi, si seulement deux Français sur dix estiment bien connaître la provenance des médicaments, 55 % considèrent comme primordial de prioriser l’origine française et européenne lors des appels d’offres hospitaliers et 20 % de porter attention au respect de l’environnement, reléguant la logique d’économie financière au dernier rang (14 %). Pour eux-mêmes, les Français privilégient néanmoins la logique financière (62 %) sur l’aspect environnemental (38 %), « par crainte que la recherche de l’empreinte écologique la plus faible entraîne un surcoût pour l’assurance-maladie », remarque Fabienne Gomant, directrice adjointe opinions et stratégies d’entreprise à l’IFOP, qui a réalisé cette étude en ligne du 18 au 20 mai derniers auprès de 1 006 Français majeurs.
Inhalateur plus vert
Cet intérêt écologique se développe chez les patients au même titre que dans l’ensemble de la société française. Ainsi que chez les soignants. Le Pr Nicolas Roche, pneumologue à l’hôpital Cochin, a mené l’enquête auprès de ses patients et constate que peu d’entre eux connaissent l’impact environnemental de leurs médicaments inhalés. La problématique environnementale des inhalateurs prend néanmoins suffisamment d’ampleur pour que le National Institute for health and Care Excellence (NICE) britannique recommande, depuis trois ans déjà, aux asthmatiques qui le peuvent de choisir « un inhalateur plus vert », à savoir à poudre sèche plutôt qu’à gaz propulseur.
Cependant, insiste le Pr Roche, « quand je choisis un dispositif d’inhalation, je prends d’abord en compte la capacité du patient à bien l’utiliser car c’est ce qui conditionne l’efficacité du traitement ». Les aérosols à gaz propulseur sont en effet plus faciles à appréhender. C’est pourquoi il n’imagine pas une offre limitée aux seuls inhalateurs à poudre sèche et préconise un large panel pour favoriser l’observance. En revanche, l’arrivée sur le marché d’inhalateurs utilisant un gaz propulseur plus écologique lui semble prometteuse. Et c’est justement le projet du laboratoire italien Chiesi (voir ci-dessous) qui vient d’investir 60 millions d’euros sur 5 ans pour produire ce nouveau médicament inhalé d’ici à 2025-2026 et doubler ses capacités de production sur son site de La Chaussée Saint-Victor (Loir-et-Cher).
Bilan carbone
Sébastien Taillemite, président d’Ecovamed, a réalisé un comparatif chiffré. Cette jeune société développe en effet une solution innovante pour calculer l’empreinte carbone des médicaments et dispositifs médicaux en prenant en compte tout leur cycle de vie, de l’extraction des matières premières à l’administration au patient. L’empreinte carbone de l’inhalateur nouvelle génération (gaz R152A) est évaluée à 2 kg de Co2e par mois quand elle est de 18 kg de CO2e pour l’ancienne génération (gaz R134A). Fort de sa solution de calcul, un label Ecovamed a vu le jour et permet de prendre en compte la provenance des médicaments. « Il objective le pourcentage d’origine européenne des produits de santé en prenant toutes les étapes de la fabrication industrielle des principes actifs, du médicament et de ses composants clés », précise Sébastien Taillemite. Ecovamed a récemment fait une étude sur la metformine, un antidiabétique largement génériqué et utilisé sans le monde. « Selon le producteur, il peut y avoir des différences de 20 % sur le bilan carbone. C’est pourquoi il serait intéressant de pouvoir donner cette information aux professionnels de santé et aux patients car à médicament équivalent, choisir le meilleur bilan carbone ne coûte pas forcément plus cher. »
Le label Ecovamed pourrait intéresser les acheteurs des laboratoires pharmaceutiques et les centrales d’achat qui ne sont pas des spécialistes du bilan carbone et ne savent pas comment obtenir des données de confiance. « Certaines entreprises produisent ces données mais elles auront besoin, à un moment, d’une certification par un organisme extérieur, sur le même principe qu’une société d’audit certifie que les comptes d’une entreprise sont sincères », ajoute le président d’Ecovamed. Une certification qui pourrait aussi servir aux pouvoirs publics. « Les considérations de critères environnementaux vont de plus en plus entrer dans la composition du prix du médicament, affirme Arthur David, chargé de mission Europe des industries de santé à la DGE. Nous cherchons les moyens d’évaluer ce poids écologique, d’où l’importance des solutions apportées par des entreprises comme Ecovamed. »
* D’après la table ronde « Empreinte carbone et indice environnemental du médicament, de la théorie à la pratique » organisée par Chiesi le 7 juin.
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