Entre le manque de reconnaissance, les difficultés économiques, la pénurie de mains d’œuvre et de médicaments, et une agressivité accrue des patients au comptoir, les pharmaciens n’en finissent plus d’alerter sur cette mauvaise fatigue chronique qui les guette et peut vite se muer en burn-out. Porte-parole de ce mal-être officinal, les syndicats, tant au niveau départemental que national, s’échinent à sonner l’alarme auprès des autorités. En avril dernier, le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Besset, expliquait déjà que la situation n’a plus rien de comparable avec « la colère qui a poussé à faire grève en 2014 » car aujourd’hui, « ce n’est plus de la colère mais de l’épuisement ».
Le sujet est pourtant régulièrement abordé, ne serait-ce que pour lever les difficultés du quotidien comme les tracas administratifs répétitifs et usants. Tels les indus et autres rejets inexpliqués ou les doctrines différentes appliquées d’une CPAM à l’autre. C’est l’un des sujets qui hérissent au plus haut point Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Il y a tout juste un an, il dénonçait déjà avec véhémence « le phénomène des indus injustifiés [qui] s’amplifie depuis 8 mois » et occupe « un trois-quart temps » pour régler ces situations avec l’assurance-maladie et les mutuelles. Cela, alors même que la pénurie de personnel s’installait durablement en pharmacie à la même période, et que les ruptures et tensions sur l’approvisionnement en médicaments, cristallisées l’an dernier par la situation sur l’amoxicilline et le paracétamol, n’ont jamais été aussi nombreuses et donc chronophages pour les pharmaciens.
Déficit d’attractivité
À ce quotidien rendu âpre au comptoir, s’ajoute un déficit d’attractivité de la profession. La réforme du 3e cycle court (R3C) des études de pharmacie, en souffrance depuis 7 ans, « est une priorité pour toute la communauté pharmaceutique », rappelle l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), pointant les 1 100 places restées vacantes en 2e année de fac de pharma à la rentrée 2022 et les 471 à la rentrée 2023. Ce sont autant de pharmaciens qui viendront à manquer dans les officines, la répartition, les hôpitaux, les laboratoires… alors que toutes les filières peinent à recruter.
C’est enfin sur le plan économique que le réseau souffre mille maux, conduisant même la FSPF à suspendre les négociations avec les syndicats de salariés dans l’attente de revalorisations à entériner dans le futur avenant conventionnel qui devrait aboutir au premier trimestre 2024. Certes, le chiffre d’affaires n’a jamais été aussi haut, mais il est porté par les médicaments onéreux dont la marge est nulle pour l’officine, alors que les charges ont explosé avec une inflation qui a atteint des sommets dans le secteur. Malgré l’urgence de la situation, le début des négociations conventionnelles n’a pas commencé en octobre, comme espéré, ni même en novembre.
Une profession à bout
Tous ces maux cumulés sans réaction des autorités ont amené la profession à se mobiliser : affiches, pétition et défilés dans une dizaine de villes françaises le 21 novembre dernier. Le mot d’ordre : se mobiliser aujourd’hui pour exister demain. Une mobilisation « qui ne constituait que le cri d’alarme d’une profession à bout », commente Philippe Besset. C’est « un coup de semonce qui, sans le soutien urgent aux officines situées en territoires fragiles et la prise en compte par l’assurance-maladie des sombres perspectives économiques qui pèsent sur l’ensemble du réseau, a vocation à perdurer et s’amplifier », prévient-il. « Partout en France, les pharmaciens ont manifesté un ras-le-bol généralisé et démontré leur unité pour apporter des réponses concrètes aux trop nombreuses fermetures de pharmacies, aux difficultés de recrutement ou aux pénuries de médicaments. »
En effet, selon le GERS Data, le nombre d’officines en métropole est passé sous la barre symbolique des 20 000 le 15 novembre dernier, en même temps que la disparition de pharmacies s’accélère. Dans ce contexte, la FSPF « reste vigilante quant au déroulement des négociations » et tient à aviser le gouvernement qu’en cas de réponse insuffisante, « le 21 novembre ne sera que le début d’un mouvement d’ampleur aussi déplaisant que nécessaire ».
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