Le Quotidien du pharmacien.- L’Académie de pharmacie tire la sonnette d’alarme quant aux risques sur la disponibilité des médicaments depuis 2011. Constatez-vous une meilleure prise en compte de cette problématique aujourd’hui ?
Bruno Bonnemain.- Il y a une prise de conscience depuis le Covid-19. L’Union européenne met en place des mesures. La France aussi, mais ce sont des mesures cosmétiques, plutôt orientées vers la répression avec l’obligation de stocks et des amendes si les règles ne sont pas respectées. Sur le fond, peu de choses ont changé concernant la problématique des délocalisations et des prix. C’est pourquoi nous insistons sur le fait que certains médicaments anciens restent indispensables, ils sont même souvent les seuls utilisables. Il faut aussi rappeler que tous les médicaments, quelle que soit leur ancienneté, sont soumis aux mêmes normes de qualité et de conformité. Cela implique une adaptation permanente de l’outil industriel qui n’est pas envisageable pour des opérateurs dont les marges s’érodent.
Vous considérez que les mesures d’économies du PLFSS 2023, alors que l’inflation fait rage, ne sont pas cohérentes. Pensez-vous que les industriels ne pourront pas faire face ?
Tous les sites de production sont concernés par cette inflation – en particulier ceux qui fabriquent des médicaments anciens dont les prix fixés par l’État sont très bas – avec des coûts de production qui ont augmenté de 20 à 30 %, voire plus dans certains cas. L’une des conséquences est de voir des laboratoires retirer des produits du marché ou les sortir du remboursement. À ma connaissance, six retraits ont eu lieu depuis le début de l’année dont trois concernent des médicaments essentiels. Alors qu’en préambule du PLFSS 2023, il est mis en exergue que la crise sanitaire a révélé l’importance de préserver la capacité d’approvisionnement du marché français, notamment pour les médicaments anciens, on constate que la part du médicament dans ce projet de loi serait inférieure de 7 % aux dépenses constatées en 2022 et que les baisses de prix annoncées restent élevées. Or les prix très bas incitent aux exportations parallèles qui ont des conséquences sur la disponibilité des médicaments en France. Ce sont les pays où les prix sont les plus bas qui sont les plus touchés par les ruptures.
Les sites de production de médicaments devraient-ils être protégés d’éventuels délestages électriques ?
Nous exhortons les pouvoirs publics à les exempter de ces éventuels délestages à venir, en particulier ceux produisant des produits injectables. Arrêter l’approvisionnement de ces usines en électricité ne manquera pas d’entraîner l’arrêt des centrales de traitement d’air, l’arrêt de la boucle d’eau… et l’obligation de jeter des lots. Cela aurait donc des répercussions immédiates et à long terme sur la disponibilité de l’ensemble des produits de santé et sur la qualité des soins.
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