S’installer, participer au capital de la pharmacie, lancer des entretiens en cancérologie ou en diabétologie, gérer le personnel, créer le conseil en aromathérapie, devenir pharmacien correspondant… Les adjoints ont-ils un plan de carrière à 1 an, à 5 ans ou à plus longue échéance ?
Si mener une réflexion sur son avenir professionnel n’apparaît pas comme une évidence de prime abord, la question mérite d’être posée. Car avoir un plan de carrière est non seulement un moyen de s’épanouir au sein de l’entreprise, mais aussi de mieux préparer demain. En effet, le plan de carrière peut éviter de mauvaises surprises, comme un licenciement, alors que le secteur de l’officine est toujours en crise économique. Ainsi, « un adjoint qui a acquis des compétences stratégiques spécifiques à l’officine dans laquelle il travaille sera difficile à remplacer », avance Catherine Rorato, (pharmacien à l'UTIP innovations). En cas de difficulté économique, le titulaire aura donc tendance à conserver un adjoint qui est précieux au bon fonctionnement de son entreprise. De plus, posséder des compétences spécifiques permettra au salarié de saisir de nouvelles opportunités internes ou externes. Dans l’idéal, c’est lors de l’entretien de fin d’année, obligatoire mais pas toujours très officialisé dans les pharmacies, que la discussion sur les évolutions de carrière est abordée.
Bonne entente préalable
Mais tout d’abord, il est indispensable d’avoir une relation de confiance avec le titulaire. « C’est une condition sine qua non pour pouvoir évoluer à l’officine », martèle Françoise Amouroux, adjointe en Gironde. En cas de mésentente, ou encore lorsque la pharmacie ne correspond pas à ses ambitions, mieux vaut alors changer de structure… Ainsi, Romain, jeune adjoint dans le Nord, n’a pas hésité à quitter l’officine dans laquelle il travaillait mais où il avait l’impression de n’avoir plus rien à apprendre. « Je faisais essentiellement du comptoir. Comme je désire m’installer à terme, je souhaitais découvrir le versant managérial de l’officine. » Le jeune homme décroche alors un emploi dans une grosse structure qui lui offre plus de perspectives. Notamment, Romain y a proposé des stratégies de vente sur les produits conseil. Ou encore, il a soufflé aux titulaires l’idée d’instaurer un système de pharmacien adjoint référent : « lorsque les titulaires sont absents, un des adjoints est nommé responsable et effectue toutes les tâches qu’effectue en général le titulaire », explique Romain. Ces deux idées ont séduit et ont été mises en place.
Force de proposition
Cette capacité à être force de proposition est primordiale. « Même si ce n’est pas toujours facile de faire le premier pas », constate Françoise Amouroux, dans le cadre du diplôme universitaire d’assurance qualité qu’elle coordonne. « À l’issue de la formation, beaucoup d’adjoints n’osent pas demander à leur titulaire de lancer une démarche qualité. Je leur conseille alors de proposer seulement deux mesures simples à entreprendre à l’officine (surveillance de la chaîne du froid, rédaction d’une fiche sur la délivrance de la contraception du lendemain, etc.), pendant seulement 5 ou 6 mois, puis d’évaluer leur efficacité », évoque-t-elle. En général, quand l’entente est bonne, ces idées sont bien accueillies par les titulaires, qui ont tout à y gagner.
Évoluer avec les nouvelles missions
De plus, les missions du pharmacien sont nombreuses, et l’adjoint est le mieux placé pour les mettre en place, le titulaire étant souvent monopolisé par la gestion de l’officine. « Des adjoints s’investissent dans l’assurance qualité, l’analyse d’ordonnances, la préparation des doses à administrer… L’adjoint peut également être en charge du management de l’équipe officinale, ou encore gérer des rayons spécifiques, du maintien à domicile à l’aromathérapie. Et demain, il aura sans doute la possibilité de vacciner à l’officine », détaille Jérôme Parésys-Barbier, président de la section D l’Ordre national des pharmaciens.
Par ailleurs, avec la loi HPST de 2009, les missions du pharmacien ont pris une tout autre dimension. Outre son rôle de dispensation, de préparation du médicament et de conseil, le pharmacien peut participer à l’éducation thérapeutique des patients, à la coopération entre professionnels de santé, être pharmacien référent dans les établissements de soins dépourvus de PUI… « Certains adjoints se sont lancés dans les entretiens pharmaceutiques, ou se sont investis dans des programmes l’éducation thérapeutique pour les diabétiques, qui bénéficient de subvention de la part des ARS. D’autres travaillent avec les maisons de santé, les EHPAD, dans le cadre du PAERPA ou sont pharmaciens correspondants… », illustre Jérôme Parésys-Barbier.
La formation
La formation est essentielle pour entretenir son savoir, mais aussi pour évoluer au sein de l’officine. Et l’obligation de formation, désormais triennale, est bien respectée par l’ensemble des adjoints. Ainsi Clémence, jeune ajointe remplaçante dans le Nord, s’est spécialisée dès la fin de ses études en cancérologie et peaufine son projet professionnel. « Aujourd’hui, j’aimerais me former sur les prothèses mammaires et les prothèses capillaires dans l’objectif d’instaurer un jour, à l’officine, des entretiens complets en cancérologie qui aborderont à la fois les chimiothérapies et leurs effets secondaires, mais aussi tous les problèmes que rencontrent les personnes atteintes d’un cancer », déclare-t-elle.
S’investir financièrement
Avoir un plan de carrière, c’est aussi envisager de s’investir financièrement dans la pharmacie. Avec, en premier lieu, l’installation, qui représente encore un accomplissement pour beaucoup d’adjoints. Malheureusement, bon nombre d’entre eux abandonnent l’idée pour des raisons purement économiques : la crise se fait encore ressentir, les banques ne prêtent guère. « Il y a 8 ans, j’ai souhaité m’installer en association, mais j’ai abandonné le projet qui n’était pas viable économiquement », témoigne Delphine, adjointe dans les Yvelines depuis 16 ans. « Aujourd’hui, j’envisage de reprendre l’officine du titulaire qui partira à la retraite d’ici deux ans. Cette fois-ci, ce n’est pas le statut de titulaire qui me motive, mais le fait de préserver mon emploi. En effet, à plus de 50 ans, je ne suis pas sûre de retrouver facilement un travail si la pharmacie est vendue à un autre confrère », anticipe-t-elle.
Dans ce contexte, certains adjoints optent désormais pour une reprise progressive du capital, comme Mélanie, qui a investi à hauteur de 10 % dans le capital de la pharmacie dans laquelle elle travaille et est ainsi devenue co-titulaire. « Il y a 20 ans, un tel investissement partiel était chose rare : on achetait tout. ou rien ! », explique Nathalie, adjointe en Eure-et-Loir. Prochainement, un décret de loi devrait faciliter encore plus cette possibilité, en autorisant les adjoints à participer au capital de la Société d'exercice libéral (SEL) dans laquelle ils travaillent jusqu’à un plafond de 10 % en conservant leur statut de salarié. Une fois ce pourcentage dépassé, ils deviennent co-titulaires. « Depuis 2013, les adjoints peuvent déjà investir dans les holdings, et plusieurs dizaines d’entre eux se sont lancés dans l’aventure, le plus souvent, il est vrai, dans un cadre familial. Demain, lorsque le décret sera publié, ils pourront aussi participer au capital de la pharmacie qui les emploie. C’est une étape supplémentaire pour s’installer en douceur », déclare Jérôme Parésys-Barbier, conscient qu’il faudra toutefois plusieurs années avant que cette nouvelle possibilité séduise à la fois les titulaires et les adjoints.
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