Le Quotidien de Pharmacien. - Quel est le mode d’action des inhibiteurs de la FAAH, classe à laquelle appartient la molécule testée ?
Claude Monneret. - Ces inhibiteurs ciblent les FAAH (Fatty acid amide hydrolases), enzymes qui dégradent un précurseur des endocannabinoïdes. Par ce mode d’action, les inhibiteurs de la FAAH prolongent et amplifient les effets des cannabinoïdes endogènes. D’où leur action envisagée dans le maintien du bien-être, dans le traitement de la douleur, etc.
Comment expliquer l’effet toxique de BIA 10-2474 dans l’essai clinique de Rennes ?
Déjà, il est important de dire que les dégâts retrouvés chez la personne décédée sont les mêmes que chez les volontaires qui ont eu des séquelles : les mêmes zones cérébrales ont été touchées. C’est donc bien un effet de la molécule qui est en cause, mais peut-être pas seulement. On pense aussi que le protocole n’était pas tout à fait adapté. En effet, l’essai a débuté par des doses de 2, 5, 10, 20 mg, et puis, d’un coup, on est passé à 50 mg, avec des doses répétées jusqu’à 6 jours de suite. Cette dose élevée et répétée pourrait être à l’origine de la toxicité.
Deux hypothèses ont alors été avancées. On pense que, à partir d’une certaine dose, la molécule a pu se lier à d’autres FAAH que celle ciblée, sachant qu’il en existe plus de 200, et que le BIA 10-2474 avait une faible affinité pour sa cible. Seconde hypothèse : il se pourrait qu’un métabolite actif et toxique de la molécule soit apparu. Cependant, les principaux métabolites ont aujourd’hui été identifiés et nous sommes toujours dans la même incertitude. On en saura peut-être plus ce vendredi, car le comité réuni par l’ANSM a rendez-vous avec le Laboratoire Bial pour éclaircir certains points.
D’autres essais ont-ils déjà été menés sur d’autres inhibiteurs de la FAAH ?
Oui, une dizaine de molécules étaient à l’étude. Bien entendu, tous les essais ont été stoppés depuis l’accident de Rennes. Certaines de ces molécules avaient déjà fait l’objet d’essais cliniques chez des volontaires sains, sans aucun effet toxique observé, et parfois sans même montré d’efficacité. Il n’y avait donc pas de raison de s’inquiéter avant la tenue de l’essai de Rennes.
Certes, les protocoles étaient moins agressifs et les doses testées bien inférieures, sachant que ces inhibiteurs de la FAAH étant plus affins pour leur cible, les doses administrées étaient de l’ordre du nanogramme et non du milligramme, comme ce fut le cas à Rennes.
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