Guillaume Molinet, 49 ans, est décédé le 17 janvier dans le cadre de l’essai clinique Bial de Rennes. Le 11 mars, sa famille a porté plainte contre X pour homicide et blessures involontaires. « Nous aimerions avoir des réponses », avance sa compagne, Florence, qui désire savoir si « ces essais thérapeutiques étaient vraiment nécessaires et quels étaient leurs buts réels. »
Aux yeux de Jean-Christophe Courbis, avocat de la famille, plusieurs anomalies apparaissent dans le protocole du laboratoire portugais Bial, qui testait la molécule BIA 10-2474. C’est cette molécule qui a provoqué le décès de Guillaume Molinet, mais aussi des manifestations neurologiques chez quatre autres volontaires.
D’après l’avocat, le protocole présente « une multitude d’objectifs confondus et flous, il passe sous silence les morts d’animaux, chiens et singes, lors des études précliniques, et ne pose pas assez de limites en cas d’effets secondaires ». De quoi se demander, selon lui, si le but n’était pas de rechercher, justement, le maximum d’effets secondaires.
L’avocat a également pointé du doigt les liens du laboratoire avec la fondation Bial, qui a pour activité principale la parapsychologie. Mais l’entreprise répond que « le projet BIA 10-2474 n’avait aucun lien avec les activités de la fondation Bial », et ajoute que cette fondation ne mène aucune recherche.
Une cause non identifiée
En réaction à ce dramatique accident, les autorités de santé ont diligenté plusieurs enquêtes. La première, menée l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), n’a pas permis d’identifier les causes exactes de l’accident. Elle reconnaît que le Laboratoire Biotrial, chargé de mener l’essai pour le compte de Bial, a respecté la réglementation, mais relève « trois manquements majeurs » dans la gestion de la crise. Il lui reproche de ne pas s’être suffisamment tenu informé de l’état de santé du premier volontaire hospitalisé, de ne pas avoir informé les autres volontaires de l’événement survenu la veille, et de ne pas avoir immédiatement signalé l’accident à l’ANSM.
La seconde enquête, en cours, est menée par un comité d’experts mis en place par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), dont fait partie le Pr Claude Monneret, président de l’Académie nationale de pharmacie (voir entretien ci-dessous). Dans un premier rapport, rendu le 7 mars, les experts établissent que la molécule est la cause de l’accident.
L’hypothèse la plus probable serait un effet seuil lié à la dose cumulée de BIA 10-2474. Ou encore, une toxicité d’un métabolite de la molécule. Le comité estime que les études ont été correctement menées selon les standards actuels : « aucune toxicité, en particulier neurologique, comparable à celle observée dans le cadre de l’accident de Rennes, ne semble avoir été mise en évidence chez l’animal malgré l’utilisation de quatre espèces différentes et de fortes doses administrées sur de longues durées », précise le comité.
En revanche, les experts ont demandé des précisions au laboratoire, jugeant que la démonstration sur l’animal de l’effet antidouleur de la molécule est a priori « beaucoup trop sommaire pour justifier la poursuite d’un développement, a fortiori chez l’homme ». Ils notent aussi que d’autres laboratoires ont abandonné le développement de molécules de la même famille à une étape plus avancée que l’essai de Rennes pour leur inefficacité.
Enfin, ils s’interrogent sur l’âge des volontaires et certains facteurs de risques chez eux. Ils évoquent « un antécédent de traumatisme crânien grave » chez Guillaume Molinet. Mais cet événement a été balayé par l’avocat et la famille : « il s’agissait d’un accident de vélo à l’âge de six ans, dont il n’a conservé aucune séquelle ».
Des questions en suspens
De son côté, la famille de la victime a également mis en cause le centre d’essais cliniques Biotrial. « Alors qu’il va manifester les premiers symptômes à 9 heures du matin, puis des troubles de la vue et des difficultés d’élocution, Guillaume Molinet reçoit un gramme de paracétamol à 20 heures et est adressé aux urgences. N’aurait-on pas dû agir plus tôt ? », interroge l’avocat, en rappelant que le lendemain matin le protocole s’est poursuivi pour les autres patients.
En effet, malgré l’état du patient, la molécule a été administrée aux autres volontaires lundi 11 janvier à 8 heures. L’essai aurait dû être suspendu immédiatement, observe le groupe d’expert de l’ANSM. « Mais à ce moment-là, nous n’étions absolument pas au courant de l’aggravation de l’état de santé du patient, hospitalisé la veille avec des symptômes pas particulièrement graves, se défend le directeur général de Biotrial, François Peaucelle. L’hôpital ne nous a fait part de cette dégradation qu’à 10 h 30. »
À ce jour, le mystère n’est donc pas totalement élucidé. L’avocat a souhaité qu’une information judiciaire soit confiée à des juges d’instruction pour avoir accès au dossier. Le parquet attend les résultats d’expertises médicales pour envisager les suites et le cadre procédural le plus approprié. Quant au groupe d’experts réuni par l’ANSM, il devrait rendre ses conclusions définitives le 24 mars.
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