I- OBJET DU CONTENTIEUX ET SANCTIONS ENCOURUES
Il convient de savoir que les organismes de Sécurité sociale peuvent également, indépendamment d’une action devant la section des assurances sociale, déposer une plainte devant la chambre disciplinaire [1]. Le principe de proportionnalité implique alors que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues [2]. Ce contentieux vise des manquements aux obligations déontologiques. À cet égard, il y a lieu de rappeler notamment, au titre des devoirs des pharmaciens les articles suivants du code de la santé publique :
- article R 4235-9 : « Dans l’intérêt du public, le pharmacien doit veiller à ne pas compromettre le bon fonctionnement des institutions et régimes de protection sociale. Il se conforme, dans l’exercice de son activité professionnelle, aux règles qui régissent ces institutions et régimes ».
- article R 4235-64 : « Le pharmacien ne doit pas, par quelque procédé ou moyen que ce soit, inciter ses patients à une consommation abusive de médicaments ».
- article R4235-65 : « Tous les prix doivent être portés à la connaissance du public conformément à la réglementation en économique en vigueur(…) ».
Ainsi, si le contrôle d’activité révèle un nombre important d’actes non conformes aux données acquises de la science, si un nombre important de patients titulaires de la CMU font l’objet de soins indus, il n’est pas exclu qu’une plainte soit déposée au titre de manquements aux règles de déontologie. Il n’y a pas de délai imposé pour agir : en l’absence de texte, les faits relevant de la section disciplinaire sont imprescriptibles [3]. Cette plainte peut aboutir au prononcé des mêmes sanctions que celles prononcées par la Section des assurances sociales [4].
II- PROCÉDURE APPLICABLE
La procédure est régie par le Code de la santé publique. Aucune peine disciplinaire ne peut être prononcée sans que le professionnel n’ait été entendu ou appelé à comparaître. La plainte est portée devant la chambre disciplinaire du Conseil central ou régional de l’Ordre des pharmaciens auprès duquel le pharmacien mis en cause est inscrit. Cette inscription s’opère en fonction de l’activité exercée.
a. les parties à la procédure
L'action disciplinaire contre un pharmacien peut être introduite devant la chambre disciplinaire de première instance par :
- le ministre de la Santé,
- le ministre chargé de la Sécurité sociale,
- le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou le directeur général de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail pour les pharmaciens des établissements relevant de leurs contrôles respectifs,
- le directeur général de l’agence régionale de santé,
- le procureur de la République,
-- le président du Conseil national, d’un conseil central ou régional de l’Ordre des pharmaciens,
- un pharmacien inscrit à l’un des tableaux de l’Ordre,
- un particulier.
Bien qu'il ne puisse saisir lui-même l'instance ordinale, l'auteur d'une plainte bénéficie de la qualité de partie à l'instance disciplinaire de première instance. Si la plainte émane d’un organisme de Sécurité sociale, et donc une personne morale, doit être produite la délibération de l'organe statutairement compétent ou, dans le cas du conseil départemental, la délibération signée par le président accompagné de l'avis motivé du conseil. Les parties peuvent se faire assister par un avocat ou un confrère devant la chambre disciplinaire.
. La phase de conciliation
Une phase de conciliation est obligatoire quand la plainte émane d’un pharmacien inscrit à l’un des tableaux de l’Ordre ou d’un particulier, quelle que soit la nature du différend [5]. Dans les autres cas, la plainte est directement transmise au président de chambre de discipline de première instance, sans phase de conciliation. L'auteur de la plainte et le professionnel de santé sont convoqués par le président du conseil central ou régional dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de la plainte (article R. 4234-35 CSP).
À l’issue de la tentative de conciliation, un procès-verbal est dressé. En cas de conciliation partielle ou d’échec, la plainte est transmise à la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional, accompagnée du procès-verbal dans le délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte. En cas de carence du conseil départemental, l'auteur de la plainte peut demander au président du Conseil national de saisir la chambre disciplinaire de première instance compétente (art. R. 4234-37 CSP).
CONSEIL PRATIQUE : il est vivement recommandé de participer à cette phase de conciliation et de bien relire le Procès-verbal établi par le conciliateur.
Il convient enfin de savoir que si la conciliation aboutit, le conseil départemental peut toujours effectuer une saisine directe en son nom ou transmettre une autre plainte portant sur les mêmes faits.
c. L’instruction de la plainte
L'instruction de la plainte est confiée à un rapporteur qui peut d'office, ou à la demande des parties, recueillir tous témoignages et procéder ou faire procéder à toutes constatations nécessaires à la manifestation de la vérité. La procédure a un caractère écrit et oral, et est contradictoire. La communication des mémoires s'accompagne d'une invitation à y répondre dans le délai fixé par le président de la juridiction ordinale. Dès réception de la plainte ou de la requête et des pièces jointes requises, la plainte, le mémoire et les pièces jointes sont notifiés dans leur intégralité en copie au praticien mis en cause. La plainte, le premier mémoire du défendeur et les pièces jointes sont obligatoirement communiqués aux parties dans les conditions fixées par les dispositions du code de la justice administrative [6].
d. L’audience
La convocation a lieu quinze jours au moins avant la date d'audience. Le professionnel mis en cause doit comparaître devant la chambre disciplinaire de première instance. A défaut, la chambre de discipline apprécie souverainement si elle doit ou non passer outre. L'audience est publique, sauf exceptions. Il peut se faire assister d’un avocat ou d’un pharmacien inscrit à l’un des tableaux de l’ordre. L'oralité a une place très importante. Les membres de la juridiction ordinale peuvent s'adresser directement aux parties. Le praticien use obligatoirement de la parole en dernier.
Attention : Des griefs nouveaux peuvent être soulevés à tout moment y compris pour la première fois lors de l'audience. Un temps suffisamment long doit alors être laissé au praticien pour préparer sa défense [7].
e. Les recours possibles
1) L’appel
Les sanctions prononcées par les Conseils régionaux de la section A et par celles des conseils centraux des sections B, C, D, E, G et H sont appelables devant le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens.
Plusieurs parties ont la faculté de faire appel [8] :
- Le ministre chargé de la Santé,
- Le Conseil central de la section A,
- Tous les intéressés.
L'appel est possible dans le mois qui suit la notification du jugement (attention, si la notification ne fait pas état d’un délai, le délai d’appel est le délai de droit commun de deux mois [9]). La requête d'appel doit contenir des moyens visant à contester la décision de première instance. Sauf texte exprès, il n'est pas possible de former un appel à titre incident [10].
CONSEIL PRATIQUE : il est toujours préférable de formaliser appel d’un jugement partiellement défavorable, quitte à s’en désister par la suite. Ne pas le faire exposerait le pharmacien à ne pas pouvoir critiquer un jugement partiellement défavorable en cas d’appel de l’organisme social.
L'appel revêt en principe un caractère suspensif. La décision de la chambre disciplinaire du Conseil national de l'Ordre devient définitive le jour où le praticien en reçoit notification.
2) L’opposition
Dans l’hypothèse assez rare où le pharmacien qui, mis en cause devant la chambre disciplinaire nationale, n'a pas produit de défense écrite en la forme régulière, il est admis à former opposition à la décision rendue par défaut [11] dans un délai de cinq jours. L'opposition a un effet suspensif, sauf lorsque la chambre est saisie d'un appel d'une décision prise en application de l'article L. 4113-14 du code de santé publique.
Attention : Les jugements et ordonnances des chambres disciplinaires de première instance ne sont pas susceptibles d'opposition.
3) Le pourvoi en cassation
Les décisions juridictionnelles du conseil national de l’ordre peuvent être portées devant le Conseil d’État par la voie du recours en cassation. Un recours en cassation est possible dans le délai de deux mois à compter de la réception de la notification de la décision ordinale nationale. Le pourvoi n'a pas un caractère suspensif sauf si un texte le prévoit expressément. Il faut savoir que la proportionnalité de la peine aux manquements relève du pouvoir souverain des juges du fond, et il est donc impossible de le contester devant le Conseil d’État, sauf dénaturation. L'adéquation de la peine aux manquements relève du pouvoir souverain des juges du fond et ne peut être utilement discutée devant le juge de cassation sauf dénaturation [12].
4) Le recours en révision
Il s’agit d’une voie de recours extraordinaire qui mérite d’être connue. Un recours en révision est possible si le pharmacien découvre que :
- la condamnation est intervenue sur la base de pièces fausses ou à partir du témoignage écrit ou oral d'une personne condamnée postérieurement pour faux témoignage,
- une pièce décisive, retenue par la partie adverse, n'a pu être produite,
- après le prononcé de la décision, un fait vient à se produire ou à se révéler ou lorsque des pièces, inconnues lors des débats, sont de nature à établir son innocence.
Il faut savoir qu’un tel recours n’a pas d’effet suspensif et est enfermé dans le délai de deux mois à compter du jour où le professionnel de santé a eu connaissance de la cause de révision. Les décisions statuant sur le recours en révision sont insusceptibles d'opposition mais peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation.
[1] Article L 4126-5 du code de la santé publique
[2] CE, 22 oct. 2014, n° 364384
[3] CE, ass., 27 mai 1955, n° 95027, Deleuze : Rec. CE 1955, p. 296
[4] Article L 4234-6 du code de la santé publique
[5] Article R 4234-2 du code de la santé publique
[6] R. 611-3 et R. 611-5 du code de justice administrative
[7] CE, 29 mai 2000, n° 198510
[8] L. 4122-3, V du CSP
[9] R. 4126-44 du CSP
[10]CE, 5 mars 2003, n° 221643
[11]Article L. 4124-4 du CSP
[12] CE, 23 déc. 2013, n° 373292.
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