LA COUR DE JUSTICE des communautés européennes (CJCE) a finalement jugé, le 19 mai dernier, que « la détention et l’exploitation d’une pharmacie peuvent être réservées aux seuls pharmaciens ». La Cour rappelle, d’une part, que l’exclusion des non-officinaux du capital des pharmacies est une restriction à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux. D’autre part, elle contrebalance cette affirmation avec le principe de subsidiarité reconnu à chacun des États concernant le niveau de protection de la santé publique. Cela les autorise à exiger la délivrance des médicaments par des pharmaciens jouissant d’une réelle indépendance professionnelle. La CJCE a ainsi suivi l’avis de son avocat général, Yves Bot, qui indique clairement que « la qualité de l’acte de dispensation des médicaments est étroitement liée à l’indépendance dont doit faire preuve un pharmacien dans l’exercice de sa mission ». Or, les médicaments ne sont pas des marchandises comme les autres. Potentiellement dangereux pour la santé humaine, ils justifient pleinement les législations nationales dont le but est de garantir un approvisionnement sécurisé et de qualité.
Ce verdict fait suite à une procédure lancée par plusieurs pharmaciens allemands contre l’autorisation accordée à DocMorris d’exploiter une pharmacie en tant que succursale, le capital des officines allemandes étant réservé aux seuls pharmaciens. Un contentieux identique opposait l’Italie et la Commission européenne, la première excluant elle aussi les non-pharmaciens de l’exploitation et de la détention d’une pharmacie.
Dans son jugement, la CJCE précise : « lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à l’importance de risques pour la santé des personnes, il importe que l’État membre puisse prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité de ces risques soit pleinement démontrée ».
Bon maillage.
De même, l’avis de l’avocat général de la CJCE concernant le maillage territorial, rendu dans le cadre de l’affaire des Asturies, le 30 septembre dernier, va dans le sens du renforcement des piliers de l’officine. Selon lui, la répartition et la création d’officines peuvent être soumises à des restrictions pour assurer un bon maillage, les États bénéficiant là encore du principe de subsidiarité dans l’intérêt de la santé publique.
Pourtant, les pharmaciens ne croyaient pas à ce retournement de situation. Il faut se souvenir que la CJCE a autorisé l’installation de chaînes de cliniques dentaires en Autriche le 10 mars 2009. Et cela, alors même que l’État s’y opposait, tout comme l’avocat général de la CJCE dans un avis rendu quelques mois plus tôt.
Tout repose, en définitive, sur les jugements de la CJCE. Les procédures d’infraction lancées par la Commission européenne sont toujours à charge contre les États membres (Italie, Espagne, Autriche, France, Allemagne), ceux-là étant accusés « d’entrave à la libre concurrence et la libre circulation », ce qui est contraire aux traités européens. Avec les affaires allemande, italienne et espagnole, la Cour a souligné que la subsidiarité des États en matière de santé ne s’oppose pas aux traités européens.
Pour autant, les procédures contre l’Autriche et la France sont toujours en cours. Même si l’issue semble de plus en plus favorable à chaque État, les précédentes décisions faisant jurisprudence, il convient de rester vigilant.
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