En fait, il s’agit de revenir au système instauré par les Italiens et qui avait fait ses preuves. L’opération Mare nostrum était financée à hauteur de neuf millions par mois et avait un objectif strictement humanitaire : repêcher les migrants avant qu’ils ne se noient, leur donner immédiatement les soins et les abris requis. Cette fois, d’autres pays vont s’impliquer dans l’opération, notamment la Grande-Bretagne, et il est vraisemblable que l’on parviendra ainsi à éviter la catastrophe humanitaire de la semaine dernière, lorsque le naufrage d’un seul bateau a fait 800 morts. C’est très important. Mais cela ne résout pas la question de la fin du voyage : le sommet européen a recommandé de n’accorder l’asile qu’aux immigrés dits « politiques » et de renvoyer chez eux les « économiques ». Plus facile à dire qu’à faire.
Le sommet a permis à l’Italie de ne pas rester seule face au danger pour les migrants, mais, dès lors que leur cheminement vers ces pays où ils veulent aller, en général l’Allemagne et le Royaume-Uni, qui ne leur ouvrent guère les bras, n’est pas assuré, le problème de leur concentration sur le sol italien se posera à nouveau. Les pays européens, s’agissant de l’immigration clandestine elle-même et non du danger de mort auquel s’exposent les migrants, ont en fait choisi la répression. Ils veulent tarir la source de l’immigration et envisagent donc de lancer des opérations militaires pour détruire sur les côtes ou dans les ports libyens les bateaux qui assurent leur transfert. Inutile de souligner les difficultés de cette tâche, même si l’ONU donne un aval juridique à l’Union européenne.
Une tâche de plus pour la France ?
La France est au cœur de cette crise, parce qu’elle a un littoral méditerranéen et parce que François Hollande n’a cessé d’en souligner la gravité. Elle est pourtant contrainte d’agir dans au moins trois domaines différents : maintenir sa présence militaire dans le Sahel africain, veiller sur la Centrafrique, toujours en crise, lutter contre le terrorisme sur son propre sol, étant entendu que la menace djihadiste pèse sur la totalité des lieux publics en France depuis que Sid Ahmed Ghlam a projeté d’attaquer une égilse à Villejuif. La surveillance de la Méditerranée ou l’accueil des migrants venus d’Afrique et du Proche-Orient n’est donc pas une tâche qu’elle peut sereinement envisager, d’autant que le financement de la prévention du terrorisme en France devient problématique .
Les Européens ont agi dans l’urgence, mais se sont contentés de corriger une erreur : il ne fallait pas renoncer à Mare nostrum et il était temps de faire de l’immigration clandestine en Méditerranée une affaire européenne et non plus italienne. Néanmoins, il faudra sans doute un autre sommet pour traiter la question de l’accueil que le continent doit réserver aux migrants. L’Union ne peut pas ignorer qu’elle a imaginé des solutions probablement inapplicables : la destruction des bateaux risque de finir en bocus maritime de la Libye ou même en intervention terrestre dans ce pays. Le retour des migrants dans leurs pays d’origine est tout simplement une proposition fantaisiste. L’idéal, bien sûr, c’est d’aider les pays africains qui ne parviennent pas à fixer leurs populations à créer les conditions économiques susceptibles de leur offrir des emplois. Reconnaissons que, là encore, on émet un vœu pieux qui ne répond pas à l’urgence de la crise. Même si l’Afrique se développe à un rythme soutenu qui surprend tous les économistes, elle reste une zone de conflits dont les victimes sont innombrables et elle ne parviendra pas au niveau de développement requis avant de nombreuses années.
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