À la veille du premier confinement, fin février, une doctrine est fixée concernant le rôle que joueront les masques chirurgicaux et FFP2 dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Les masques doivent bénéficier en priorité aux professionnels de santé amenés à prendre en charge des patients Covid-19 en ville, à l’hôpital ou encore dans les structures médico-sociales accueillant des personnes fragiles.
S’appuyant notamment sur des études de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et reprenant les arguments de sa prédécesseure, Agnès Buzyn, le tout nouveau ministre de la Santé, Olivier Véran, livre un avis qu'il traînera par la suite comme un boulet : « Aujourd’hui comme demain, une personne asymptomatique qui se rend dans des lieux publics, qui se déplace dans les transports en commun, n’a pas à porter de masque, ce n’est pas nécessaire. » Une position qui amène le gouvernement à publier un décret autorisant la réquisition des masques de protection détenus par toute personne morale de droit public ou de droit privé. Laborieusement, les pharmaciens se voient livrer des stocks de masques issus des réserves de l’État avec des consignes très strictes quant à leur délivrance aux autres professionnels de santé. Dans les zones dites « d’exposition à risque », les pharmaciens ne pouvaient alors conserver que 18 masques chirurgicaux par semaine. Les quantités reçues, bien souvent insuffisantes, et ce rationnement suscitent rapidement l’exaspération de la profession. « Il est temps de dire la vérité aux Français nous n’avons pas assez de masques ! », déplore alors Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Volte-face
Alors que les témoignages d’officinaux désemparés par leur difficulté à recevoir et délivrer des masques se multiplient, le gouvernement est contraint de reconnaître l’existence d’importantes lacunes au niveau logistique. Les difficultés d’approvisionnement sont telles que la Direction générale de la santé (DGS) en arrive à demander à tous ceux qui disposent d’un stock de masques et qui ne les utilisent pas de les donner aux établissements de santé, aux hôpitaux ou à la pharmacie la plus proche. Déjà bien en peine de répondre aux besoins en masques des professionnels de santé, les officinaux doivent de plus composer avec la déception des patients qui ont alors bien du mal à comprendre pourquoi il est impossible pour eux d’acheter des masques de protection.
Une incompréhension encore accentuée, lorsque les autorités finissent par faire volte-face au sujet de l’utilisation du masque par le grand public. En totale contradiction avec leurs avis initiaux, OMS et le gouvernement finissent par préconiser en effet l’usage de masques alternatifs, « même artisanaux » par le reste de la population afin de limiter la propagation du virus par aérosol.
La GMS entre dans la danse
Le 26 avril, la vente de masques grand public en officine est finalement autorisée, suscitant des réactions mitigées chez les pharmaciens, dubitatifs quant à leur réel intérêt du point de vue sanitaire et circonspect de voir les buralistes en proposer au même titre qu’eux. La colère des pharmaciens sur le sujet des masques atteint son paroxysme lorsque les géants de la grande distribution annoncent la commercialisation de masques chirurgicaux dans leurs enseignes à compter du 11 mai, date de la fin du confinement. La GSM qui n’a visiblement pas eu les mêmes difficultés que les officinaux pour s’en procurer. « 100 millions par ici, 50 millions par là. Qui dit mieux ? C’est la surenchère de l’indécence », s’insurgent des représentants ordinaux ulcérés, alors qu’Olivier Véran tente de son côté de calmer le jeu, conscient du niveau d’agacement du monde médical après les annonces de Leclerc, Carrefour ou encore Intermarché.
Et pour finir les baisses de prix…
Au cours de l'été, le masque devient obligatoire dans tous les lieux clos, puis, juste avant la rentrée de septembre, dans toutes les entreprises. À partir du 5 octobre, les masques issus des stocks de l’État ne sont plus livrés aux officines. Les pharmaciens doivent assurer eux-mêmes leurs propres stocks de masques chirurgicaux entièrement pris en charge par l’assurance-maladie. Seuls les patients immunodéprimés munis d’une prescription peuvent toujours bénéficier d'une boîte de 50 masques par mois. Les pharmaciens seront rémunérés deux euros pour cet acte, plus l’enregistrement de 1 centime pour le traçage. Jusqu'au 30 octobre, les pharmaciens obtiennent tout de même le droit d'écouler les masques issus de ce stock en appliquant la tarification en vigueur ces mois précédents.
En marge du deuxième confinement, c'est au tour des enfants âgés de plus de 6 ans de devoir porter un masque lorsqu'ils sont à l'école. Contraints de répondre en urgence à une demande qu'ils n'ont pu anticiper, les pharmaciens peinent à satisfaire tous les clients dans les premiers jours suivant l'annonce de ce changement de doctrine. Une nouvelle controverse, mais pas la dernière malheureusement. Au 1er décembre, le montant de la prise en charge par l’assurance-maladie des masques chirurgicaux dispensés à l’officine est divisé par deux et passe à 15 centimes. Et comme une baisse peut en cacher une autre, la prise en charge passe même à 10 centimes le 1er janvier 2021, mettant en difficulté plus de 6 officines sur 10 selon l'USPO.
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