Le mauvais usage du médicament entraîne « 130 000 hospitalisations, 1,3 million journées d’hospitalisation et 10 000 morts par an, dont 40 à 70 % sont évitables », énumère Gérard Raymond, président de France Assos Santé. Mais ces chiffres qui datent de plusieurs années pourraient être sous-évalués. « La solution miracle n’existe pas », ajoute-t-il. Pour réduire le mauvais usage, il faut déployer une panoplie de solutions, allant de l’accompagnement du patient à la pertinence de la prescription, en passant par des réponses personnalisées à chaque cas et par la résolution des pénuries de médicaments. Surtout, l’usager du système de santé doit devenir acteur de ses soins. « On a découvert les patients et leurs droits il y a à peine 20 ans. Il faut encore travailler sur le partage d’informations, ils doivent oser poser des questions et la posture de certains professionnels doit aussi évoluer. Peut-être faut-il imposer l’intervention de patients-experts dans leur formation initiale pour enseigner l’écoute, la bienveillance. La confiance envers son équipe médicale est essentielle et c’est d’ailleurs parfois parce que la relation a mal commencé que l’inobservance se met en place », explique Gérard Raymond.
Lutte contre les fake news
Autre levier : renforcer la « littératie en santé », selon l’épidémiologiste Emmanuel Rusch, également président de la Conférence nationale de santé (CNS) et de la Société française de santé publique (SFSP), c’est-à-dire les connaissances de base pour pouvoir gérer sa propre santé. Somme des connaissances issue de l’école, la famille et les professionnels de santé rencontrés, la littératie en santé peut s’enrichir au fil du temps ou « être challengée, par exemple par des fake news », note Luc Besançon, délégué général de l’association Nouvelle ère en santé (NéreS, ex-AFIPA) qui appelle à la coordination des professionnels de santé pour, au contraire, la renforcer. Le pharmacien a toute sa place dans cet enseignement, comme le démontre Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Ses interventions auprès des patients, par le biais des entretiens pharmaceutiques et des bilans partagés de médication, par la dispensation à domicile ou l’accompagnement dans la substitution biosimilaire à venir sont autant de moments où le patient peut obtenir de nombreuses informations pratiques sur son état de santé, sa pathologie et son traitement.
C’est aussi pour fournir au plus grand nombre des informations simples et vérifiées que le site sante.fr a vu le jour : chatbot sur le médicament, portail Antibio’Malin, micro-learning sur des pathologies et bientôt une page dédiée au décryptage des fake news. Une page qui aidera certainement les pharmaciens dans leur travail « pluriquotidien, plurihoraire, pluriminute » contre ces fake news. « C’est très bien qu’un patient pose la question, ajoute Pierre-Olivier Variot, il faut alors prendre du recul et rester positif, vérifier l’information et lui apporter une réponse. » Une méthode qui fonctionne puisque, malgré la pluie de questions et de doutes sur les vaccins contre le Covid-19 essuyée en officine, aujourd’hui « 90 % des personnes éligibles sont vaccinées en France ».
Une révolution
Reste un autre défi à l’approche : informer et former à l’utilisation de l’outil numérique alors que l’espace numérique en santé se déploie. Un volet numérique que Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) voit d’un très bon œil. « Actuellement, le pharmacien ne sait rien du colloque singulier entre le médecin et le patient. Il doit, à partir de la prescription, faire le chemin à rebours pour imaginer la pathologie et expliquer les médicaments avec des mots simples. Parfois, on dit au patient que tel comprimé c’est pour l’hypertension, ou tel autre pour le cholestérol et on comprend à sa réaction que ce n’est pas sa pathologie. Cette réaction ou une anomalie dans une posologie ou encore la consultation désormais systématique de l’historique des médicaments du patient permet d’ouvrir le dialogue. Mais le pharmacien post-Ségur du numérique aura un champ d’information beaucoup plus vaste qui va améliorer son conseil et la relation avec le médecin, qui saura dès lors ce qu’est devenue sa prescription. » Une ouverture du champ des possibles qui n’est pas interprété comme un gain de temps par le syndicaliste mais comme un gain de qualité : « Plus on a d’informations, plus il y a des actions à mener en faveur du bon usage. »
Cette révolution numérique est aussi attendue par les médecins comme par les infirmiers, car elle va permettre une « meilleure traçabilité de la prise en charge du patient », souligne Rémi Unvois, vice-président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), et créer un « cercle vertueux entre les professionnels de santé, de la prescription à l’administration du traitement en passant par la délivrance, avec un feedback garanti au médecin », indique Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). À condition que les patients sachent utiliser l’outil numérique. Une question au programme des négociations conventionnelles en cours entre pharmaciens et assurance-maladie.
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