Sur l’année 2021, le chiffre d’affaires de l’officine a grimpé de 6,36 % en moyenne (1). Pendant ce temps, selon la Fédération du commerce coopératif et associé (FCA), l'activité du secteur progressait de 4,5 %, contre 3,9 % pour le commerce de détail dans sa globalité. Preuve, une nouvelle fois, de la capacité du commerce de proximité à mieux résister et à s’adapter aux évolutions rapides du marché. Parmi ces enseignes du commerce associé, neuf groupements de pharmacies adhérents de la FCA (2), qui totalisent 3 326 points de vente, soit près d'une officine sur 6.
Mais quels sont les points communs entre ces groupements d'officines et des enseignes alimentaires, de bricolage, de restauration ou encore d'optique ? Ils partagent, en réalité, beaucoup plus de caractéristiques qu’il n’y paraît et surtout, pharmacies et commerces de proximité disposent des mêmes atouts pour rebondir face au changement et anticiper les prochaines crises. Car ces groupements de pharmacie, et le réseau officinal de manière générale, calquent leurs structures sur celles du commerce associé et coopératif. À moins que ça ne soit le contraire !
Un bouclier contre les crises sociales majeures
En tout état de cause, la crise sanitaire a mis en évidence la valeur ajoutée que représentait la proximité de ces points de ventes avec le consommateur. « Il s’agit d’une proximité pas seulement géographique mais aussi relationnelle et affinitaire », précise Jean- Pierre Dry, président de la FCA. Chef d’entreprise, employeur, le titulaire d'officine comme le dirigeant du Super U, du Bricorama ou de l’opticien Atol, s’inscrit en effet dans un écosystème. Son offre, et la représentation qu’il donne de son activité, sont ancrées localement, en phase avec un territoire spécifique. 50 % des commerces coopératifs et associés sont ainsi implantés dans des villes de moins de 10 000 habitants, où vit la moitié de la population française.
Aussi, tout comme le maillage officinal garantit une offre de soins sur tout le territoire, le maillage du commerce associé et coopératif est un bouclier contre les crises sociales majeures. Jean-Pierre Dry en veut pour preuve la crise des Gilets jaunes qui a frappé en premier lieu les territoires dépourvus de commerces et de structures de santé. L’importance de cette notion de maillage n’aura pas échappé aux pharmaciens. Ni davantage le quota à l’installation, familier à la profession, et également appliqué par nombre d’enseignes du commerce associé.
De fait, au risque de mettre à mal l’esprit du libre entreprenariat, ces réseaux n’hésitent pas à imposer des contraintes à l’implantation géographique. « Nous limitons le nombre de magasins à 3 dans une même ville, et même à 2 dans une région », explique Dominique Schelcher, président de Système U, précisant que cette décision relève d’un choix collectif des adhérents. Car, insiste-t-il, tous ces dirigeants ont conscience de la nécessité de se concentrer sur leur point de vente pour conseiller leurs clients. Cela vaut tout particulièrement pour le non-alimentaire. Aujourd'hui, plus que jamais, il s’agit de préserver à tout prix le capital confiance placé par le consommateur dans son point de vente tout au long de la pandémie.
Une fragmentation des modes de consommation
Comment aborder désormais le monde post-Covid alors que d'autres crises se profilent ? Chaînes d’approvisionnement affectées par la guerre en Ukraine, inflation galopante, crise climatique… Les consommateurs sont aujourd’hui à la recherche de nouveaux repères. « À leurs commerces de proximité de les rassurer !», lance Jean-Pierre Dry. De fait, comme les pharmaciens, ces dirigeants de magasin d’articles de photographie, ces opticiens ou libraires et papetiers détiennent une expertise reconnue. Sauront-ils cependant répondre à la fragmentation des modes de consommation, entre des demandes influencées par l’urgence environnementale, d’un côté, et un pouvoir d’achat contraint par l’inflation, de l’autre ?
Ce premier défi s’adresse aux dirigeants de commerce eux-mêmes. Le second concerne les réseaux. Car à l’image du marché officinal de plus en plus polarisé entre petites officines et méga pharmacies, les entreprises du commerce coopératif et associé sont, elles aussi, confrontées aux risques de l’hétérogénéité. « Nous observons généralement un tiers d’adhérents moteurs, un tiers de suiveurs puis un dernier tiers à la traîne », constatent les dirigeants de ces réseaux. Une problématique à laquelle la plupart des groupements d'officines sont d'ores et déjà en train de répondre en proposant différents niveaux d’adhésion et d’implication dans leur politique d’enseigne. « Dans cette discipline nécessaire pour appliquer les décisions, tout est question d'équilibre entre coercition et enthousiasme », reconnaît Jean-Pierre Dry.
La liberté d'entrepreneuriat atteindrait-elle, là aussi, une nouvelle fois ses limites ? Dominique Schelcher convient que certaines mesures ont été prises pour lutter contre l'hétérogénéité du réseau. Ainsi, plusieurs initiatives émanant de la coopérative, telle la vente de la papeterie en vrac, ou encore les flux poussés dans le non-alimentaire et le textile. « Tout le monde y est inscrit d'emblée et il faut se désinscrire pour ne pas en bénéficier », explique-t-il. Une méthode similaire à celle adoptée par le groupement de pharmacies Giropharm (voir ci-contre).
À entendre ces dirigeants du commerce coopératif et associé, ces coups de canif dans l'indépendance du chef d'entreprise conditionnent la force d'un réseau, et de chacun de ses membres. Car face à la montée d'Internet, ces commerçants indépendants luttent non pour faire barrage à ce nouveau mode de consommation -un combat qui apparaît vain tant il oppose David à Goliath- mais bien pour tirer leur épingle du jeu. Les chiffres obtenus en 2020 semblent leur donner raison. L'activité des réseaux de commerce coopératif et associé a gagné 2 points tandis que le commerce de détail, dans son ensemble, s'effondrait de 2,6 %. Preuve s'il en faut que les réseaux d'indépendants ont des cartes à jouer. Et pas seulement en période de crise. « L'expérience client est la clé », assène le président de Super U, exhortant les chefs d'entreprise à surveiller de près leurs avis Google. « Les notes et les performances commerciales sont en liens directs », affirme-t-il.
Apporter une valeur ajoutée au produit
Au chapitre « expériences clients », les réseaux d'indépendants rivalisent en innovations. Conscient qu'il est largement challengé sur le Net, le distributeur de matériels de photographie, Camara, a développé un modèle apportant une valeur ajoutée au produit. Pour son dirigeant Francis Dupas, c'est une question de survie. « Nous proposons ainsi à nos clients d'essayer le matériel gratuitement pendant une heure. De même, nous organisons des matinées de formation à la photographie, le samedi », décrit-il. Séduits par ces offres, des clients sont prêts à effectuer 200 km pour se rendre dans l'un des magasins du réseau ! « Nous devons avoir la préférence du client. » Telle est la devise de Jacques Baudoz, PDG de JouéClub. Le réseau de magasins de jeux et jouets a ainsi construit une offre pour accompagner l'acte d'achat : intervention d'une psychomotricienne, soutien des parents confrontés aux « dys » (dysphasie, dyslexie, dyscalculie, dyspraxie…) et même, incitation des grands-parents à s'impliquer dans les liens entre leurs enfants et leurs petits-enfants.
Cœur de métier oblige, dans cette prise en compte de la dimension humaine du commerce, les pharmaciens ont une longueur d'avance. « De leur capacité à donner une place à l'humain dans leur activité dépendra l'avenir des commerçants. Il faut qu'ils amènent autre chose au client, du plaisir, du temps, des services et tout cela de manière hyperspécialisée et hyperpersonnalisée », croit Gilles Unglik, directeur général de Giropharm. La vaccination contre le Covid est selon lui l'illustration de cette transformation. « Pour la première fois, le pharmacien est allé au-devant de son patient, cette proximité relationnelle est un atout qu'il va prolonger avec l'extension des compétences vaccinales et beaucoup d'autres missions inscrites à la convention pharmaceutique », se félicite-t-il, ajoutant que « mon espace santé » permettra d'accéder à l'historique des pathologies et des traitements suivis par le patient. Un nouvel outil digital qui offrira, par conséquent, la possibilité de proposer au patient de nouvelles solutions de santé.
D'après une conférence de la Fédération du commerce coopératif et associé (FCA).
(1) Données communiquées du réseau d'experts-comptables CGP.
(2) Anton & Willem, Astera, Elsie, Giphar, Giropharm, Objectif Pharma, Santalis, Totum, WellPharma.
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