Multiplier les lieux de vaccination, diversifier les vaccinateurs et être au plus près des patients. À ces trois enjeux, la Haute Autorité de santé (HAS) a répondu il y a une semaine par le renouvellement de sa recommandation d’élargir les compétences vaccinales, notamment aux pharmaciens en tant que prescripteurs et dispensateurs. Elle va plus loin en préconisant que cette autorisation concerne « l’ensemble des vaccins » contre le Covid-19, « incluant les vaccins à ARNm ». L’avis de la HAS et les réclamations des pharmaciens ont été entendus.
Depuis vendredi, date de parution du décret sur l’extension des compétences vaccinales, les pharmaciens sont autorisés, au même titre que les sages-femmes, à prescrire et administrer les vaccins contre le Covid-19. Cette autorisation leur permet de s'engager en tant que vaccinateurs dans les centres de vaccination et les sites éphémères ouverts dans les départements sous surveillance renforcée. À l’officine, la vaccination pourra effectivement commencer après commande et réception par les pharmaciens de leurs premiers flacons du vaccin AstraZeneca, soit « à compter de la semaine du 15 mars », selon le Premier ministre Jean Castex. Pour le moment, le gouvernement n’envisage donc pas une vaccination à l’officine avec les vaccins à ARNm de Pfizer-BioNTech et de Moderna, même si le décret liste bien les trois vaccins anti-Covid comme pouvant être prescrits et administrés par « les pharmaciens d’officine, des pharmacies mutualistes et de secours minières ».
Pas de gaspillage
Dans un premier temps, c’est-à-dire jusqu’à la fin du mois, les volumes d’approvisionnement des pharmacies devraient être équivalents à ceux des médecins, soit 2 à 3 flacons par semaine. À l’instar des généralistes, les pharmaciens devront passer commande et selon les mêmes modalités. Outre la livraison des doses destinées à la vaccination en pharmacie, la profession attend la parution de plusieurs textes pour pouvoir exercer sa nouvelle mission. À l’heure où nous mettons sous presse, quelques textes font en effet encore défaut, notamment le questionnaire auquel les pharmaciens devront soumettre les patients avant toute injection. Sa parution est prévue au cours de la semaine. « Cette grille nous sera également nécessaire pour savoir quelle conduite tenir en présence d’un patient ayant déjà eu le Covid », précise Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Très attendu également, le texte fixant définitivement la rémunération, dont les montants ont déjà été annoncés par les syndicats (voir encadré).
En pratique, et pour respecter la priorisation de la stratégie vaccinale, les premières populations qui pourront se rendre directement en pharmacie, sans ordonnance, pour se faire vacciner sont les 50-74 ans atteints de comorbidités, les 75 ans et plus, ainsi que les « professionnels de santé et du médico-social et par conséquent toute l’équipe de la pharmacie », insiste l'USPO. Par ailleurs, la règle d’or est d’éviter tout gaspillage. Pour ne pas perdre la dernière dose d’un flacon entamé, les pharmaciens sont autorisés à l'administrer à une personne de 50 à 74 ans sans risque de comorbidités (hors cible). Le décret exclut néanmoins la vaccination en officine « des femmes enceintes, des personnes présentant un trouble de l'hémostase et de celles ayant des antécédents de réaction anaphylactique à un des composants de ces vaccins ou ayant présenté une réaction anaphylactique lors de la première injection ».
1,5 million d'injections par semaine
Bien que des ajustements pratiques soient encore nécessaires avant la première injection vaccinale à l’officine, les pharmaciens sont déjà en ordre de marche. Le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) « se réjouit de cette ouverture très attendue » et rappelle que « la profession est prête ». Même enthousiasme du côté des syndicats engagés dans une course de fond. Ils ont promis au gouvernement de vacciner jusqu’à 1,5 million de Français par semaine ! « Nous devrions pouvoir injecter une quarantaine de vaccins chaque semaine, en fonction des disponibilités de l’équipe officinale et surtout des doses », expose Gilles Bonnefond. « Dix Français pourront être vaccinés chaque jour en pharmacie. Il s’agit d’une vitesse de croisière », estime de son côté Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Mais en « charge maximale », une officine pourrait administrer jusqu’à 20 vaccins par jour. « Nous devons nous engager dans une logique de temps long et organiser nos officines en conséquence », a déclaré le président de la FSPF quelques minutes après l’annonce du Premier ministre.
Les groupements sont eux aussi impliqués dans ce que Laurent Filoche, président de l’UDGPO, nomme un « tournant historique ». De fait, l’Union des groupements de pharmaciens d’officine a également été un fer de lance de la revendication de la vaccination à l’officine. Et l’enthousiasme gagnera certainement la population, prévoit Laurent Filoche, pour lequel la première semaine sera délicate « dans la gestion des flux de patients qui se présenteront ». « Au début, nous allons être contingentés mais dès la mi-avril ça va se débloquer, le gouvernement nous ayant promis 5 millions de doses par semaine », se réjouit-il.
Accélération et proximité
Cette décision de l’exécutif intervient alors que la circulation du virus augmente depuis 15 jours, en grande partie à cause du variant dit britannique qui représente désormais 60 % des contaminations en France. Les livraisons de vaccins étant amenées à prendre de l’ampleur dans les semaines qui viennent, il est temps d’accélérer la campagne et le gouvernement compte sur les professionnels de santé en ville pour y parvenir. « La vaccination en ville est un pilier de la stratégie pour apporter les vaccins au plus près de nos concitoyens », explique le ministre de la Santé, Olivier Véran. Une accélération qui a déjà commencé samedi dernier avec l’ouverture des centres de vaccination le week-end, la mise en place de centres éphémères « partout où c’est utile » et l’allocation de 135 000 doses supplémentaires pour la vingtaine de départements sous haute surveillance.
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