Favorable à la vaccination antigrippale à l’officine, à l’inclusion des préparateurs parmi les vaccinateurs, ainsi qu’à l’élargissement au public hors cible, et dernièrement à la vaccination Covid en pharmacie, la Haute Autorité de santé (HAS) continue sur sa lancée. Dans un avis publié le 28 janvier, elle recommande d’élargir les compétences vaccinales des pharmaciens, infirmiers et sages-femmes aux « vaccins non vivants inscrits sur la liste du calendrier vaccinal » et « pour lesquels aucun signal de sécurité, ni de problématique en termes de gestion d’effets secondaires n’a été identifié ». Un élargissement réclamé de longue date par l'Ordre des pharmaciens, comme il le rappelait lundi dernier dans ses 12 propositions en amont de l'élection présidentielle, ainsi que par les Français.
Pour les syndicats de la profession, cet avis est la consécration de plus de dix ans de travail. Mais le plus gros reste à faire : négocier la rémunération des pharmaciens pour la prescription et l'injection de ces vaccins. « L'application de l'avis de la HAS reste suspendue non seulement à un décret et à un arrêté ministériels, mais aussi aux tarifs qui valoriseront ce nouvel acte et qui seront fixés dans le cadre de la convention pharmaceutique actuellement en discussion », expose Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). En tout état de cause, un délai de six mois sera nécessaire entre la signature de la convention pharmaceutique et la mise en œuvre de cette extension vaccinale à l'officine. C’est-à-dire, dans le meilleur des cas, en septembre prochain.
Vaccins vivants et non vivants
Concrètement, si le ministère de la Santé suit l’avis de la HAS, les pharmaciens seront autorisés à prescrire et administrer les vaccins suivants : diphtérie-tétanos-coqueluche-poliomyélite ; papillomavirus humains ; pneumocoque ; hépatite B ; hépatite A ; méningocoques A, C, W, Y ; grippe. Pour la vaccination contre l’hépatite B, la Commission technique des vaccinations (CTV) de la HAS précise néanmoins que, « dans le cas où un contrôle de l'immunisation est nécessaire, notamment pour les professionnels pour lesquels cette vaccination est obligatoire, seuls les médecins peuvent établir la preuve de l’immunisation ». Les pharmaciens pourront également administrer les vaccins contre le méningocoque B et la rage, mais pas les prescrire.
Seule ombre au tableau selon la FSPF, l'absence du vaccin contre le zona (Zostavax) dans la liste publiée vendredi. Car bien qu'il s'agisse d'un vaccin vivant - et donc non compris dans le périmètre de la saisine de la HAS - « il aurait été important de pouvoir l'administrer en officine aux patients diabétiques », estime Philippe Besset. Cette dichotomie entre vaccins vivants et non vivants est remise en cause par l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). Car s'il ne veut pas « bouder son plaisir après plus de dix ans de concertations avec les pouvoirs publics », le syndicat n'en accuse pas moins cette distinction « artificielle » de jeter l'opprobre sur les vaccins vivants. Et par là même, « de cautionner la position des antivax », dénonce Gilles Bonnefond, porte-parole de l'USPO.
Ligne de démarcation
Cette recommandation de la HAS s’applique à tous les patients dès 16 ans, à l’exception des personnes immunodéprimées, sous réserve d’une formation préalable des professionnels concernés, accompagnée d’une évaluation certifiante. La HAS recommande également de « renforcer et améliorer la traçabilité de la vaccination et le suivi de l’impact de l’extension des compétences professionnelles à travers l’utilisation par tous d’outils de partage », de type carnet de vaccination électronique. Un sujet en cours d’instruction à la HAS. En outre, elle travaille sur d’autres recommandations visant à élargir les compétences vaccinales, cette fois consacrées à la population des enfants et adolescents.
L’USPO déplore, pour sa part, la césure opérée par la HAS entre la vaccination des plus et des moins de 16 ans. Une ligne de démarcation qui exclut la vaccination des 11-15 ans contre le HPV. Si la FSPF n'y voit aucun inconvénient majeur dans la mesure où une injection dite « de rattrapage » est possible entre 15 et 19 ans, l'USPO considère l'impossibilité de vacciner les moins de 16 ans comme une perte de chance. Gilles Bonnefond voit dans ces différentes exclusions la main des syndicats de médecins. « L'avis de la HAS a abouti au compromis le plus bas possible. S'il est compréhensible que des vaccins comme celui contre la rage ou d'autres ayant des effets secondaires soient exclus, il est regrettable que l'extension de nos compétences ne concerne pas la plupart des vaccins, à partir de l'âge de 11 ans », pointe le porte-parole de l'USPO. Car l'enjeu essentiel de ce nouvel acte officinal est avant tout la simplification de l'accès à la vaccination pour la population.
Succès des campagnes grippe et Covid
C’est même un objectif des pouvoirs publics, rappelle la HAS, de faciliter l’accès et multiplier les occasions de vaccination pour améliorer la couverture en France. Dans son avis de 40 pages, la HAS résume dans deux tableaux les élargissements sur lesquels les conseils nationaux professionnels (médecins, pharmaciens, infirmiers et sages-femmes) sont tombés d’accord et ceux retenus par la CTV. Et force est de constater que la CTV va plus loin, par exemple en décidant d’autoriser la prescription d’un vaccin diphtérie-tétanos-coqueluche-poliomyélite (Boostrixtetra et Repevax) par les infirmiers et les pharmaciens. Idem pour la prescription d’un vaccin contre le pneumocoque (Prevenar 13 et Pneumovax), contre l’hépatite B (Engerix et HBVaxpro), contre l’hépatite A (Avaxim 160 U et Vaqta 50 U), voire contre les deux (Twinrix Adulte) et même contre les méningocoques A, C, Y, W (Nimenrix, Menveo, Menjugate, Neisvac). En bref, si un consensus s’est dégagé pour l’administration des vaccins étudiés, la prescription a suscité davantage de doutes.
En sus des avis obtenus auprès des représentants des soignants, la HAS appuie sa recommandation sur le succès de la vaccination à l’officine contre la grippe et le Covid-19. Lors de la campagne vaccinale contre la grippe l’an dernier, « 34 % des vaccins ont été administrés par des pharmaciens et 20 % par des infirmières, soit plus de la moitié des vaccinations antigrippales ». Et selon l’USPO, à fin janvier, les pharmaciens ont injecté 40 % des vaccins grippe cette année. Quant à la campagne de vaccination anti-Covid, les pharmaciens sont les effecteurs les plus prolixes en ville et réalisent environ 60 % des injections hebdomadaires. La HAS observe les mêmes effets positifs dans les autres pays ayant autorisé les pharmaciens à vacciner contre la grippe (Danemark, Grèce, Irlande, Norvège, Portugal, Suisse, Royaume-Uni) et contre le Covid (Irlande, Italie, Norvège, Pologne, Suisse, Royaume-Uni). C.Q.F.D.
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