« Doliprane 1 gramme en gélules ? C’est en rupture depuis longtemps déjà. » Cette phrase, les pharmaciens l’ont prononcée maintes et maintes fois et la déclinent avec bon nombre de spécialités pharmaceutiques. En effet, le nombre de signalements de ruptures de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur a fait un bon en passant de 2 446 en 2020 à 3 278 pour ces 9 derniers mois de 2022, se traduisant par un manque permanent d’une centaine de références en officine. Toutes les classes thérapeutiques sont touchées, notamment les anti-infectieux, les spécialités du système cardiovasculaire et celles du système nerveux. Sans oublier les références pédiatriques (exemple du paracétamol pédiatrique en sirop, sachets et suppositoires) pour lesquelles la substitution est un casse-tête, voire parfois impossible. Les causes ? Insuffisance de production, fabrication difficile des produits finis, hausse du prix des matières premières, défaut de qualité, auxquelles viennent s’ajouter la crise énergétique, l’augmentation du prix des transports et le conflit en Ukraine.
À la recherche de la dose perdue
Le rôle du pharmacien étant de dispenser et conseiller les patients, le travail s’apparenterait presque à une chasse au trésor pour honorer les demandes et prescriptions. Ainsi, le dépannage entre officines devient monnaie courante. Des outils numériques comme VigiRupture permettent aussi de gagner du temps en visualisant le stock des confrères inscrits sur ce réseau. Les patients sont alors orientés directement vers la pharmacie disposant du produit recherché. La sollicitation de plusieurs grossistes permet également de multiplier les chances de remplir les étagères et tiroirs. Certains grossistes, comme Ouest Pharma Services, offrent une solution adaptée aux besoins des officines. Enfin, avec du temps passé au téléphone, le dépannage directement par les laboratoires concernés par les produits manquants ou la modification de l’ordonnance par le prescripteur font partie du panel de solutions. Certains prescripteurs prévoyants indiquent dorénavant plusieurs spécialités alternatives sur l’ordonnance afin d’éviter les surcharges téléphoniques.
Mais toutes ces mesures nécessitent du temps et du personnel, deux entités qui font aussi défaut.
L’officine n’a plus la côte
Depuis plusieurs années, la filière officine ne séduit plus. 1 100 places sont restées vides sur 3 500 disponibles dans les amphithéâtres à la rentrée 2022, sans compter un déficit de 15 000 officinaux en France. Les causes de ce désintérêt sont multiples dont en tête, un manque d’évolution et un salaire jugé peu motivant par rapport aux salaires dans les industries pharmaceutiques et parmi les autres professions médicales. L’emploi du temps est également contraignant : les journées sont longues et intenses, l’ouverture du commerce le samedi ampute le week-end sans omettre les gardes régulières le soir ou le week-end. De plus, la réforme des études de santé n'est pas indifférente au phénomène…
En outre, la pénurie de préparateurs incite les titulaires à choisir à la place des pharmaciens, aggravant ainsi le déficit en officinaux. « Ces deux dernières années ont été compliquées avec le Covid, décrit Thibault Winka, pharmacien et product manager de Team Officine. Nous avons constaté beaucoup de départs liés au contexte actuel, notamment chez les préparateurs dont le métier souffre d’un manque de valorisation. »
Multiplication des annonces sur les plateformes
Face à cette problématique de personnel, de nombreuses pharmacies réduisent leurs horaires, voire ferment leur officine par manque de remplaçant malgré la multiplication des annonces sur différentes plateformes et des conditions plus attrayantes. « Les candidats ont aujourd’hui le choix parmi la pile d’annonces d’emploi, analyse Thibault Winka. Il faut que les employeurs développent leur annonce en décrivant leur entreprise, leur équipe, leur vision du métier, les missions et responsabilités attribuées au futur employé pour l’aider à se projeter dans son travail. Évidemment, les attentes concernant l’équilibre vie personnelle/vie professionnelle et les conditions de travail doivent être dorénavant mentionnées, ainsi que la rémunération en privilégiant le montant de la rémunération brute au lieu de parler du coefficient. »
De plus en plus de titulaires se tournent également vers les agences d’intérim pour pallier le manque d’effectif (congés maladie, congés maternité, vacances…). « C’est une solution plus simple pour les employeurs que de faire des CDD car nous nous occupons de toutes les formalités administratives », explique Jean-Luc Sicnasi, président de l’agence 3 S Santé. Du côté des candidats, les missions d’intérim présentent quelques avantages. « Aujourd’hui, il y a de moins en moins de jeunes candidats qui veulent prendre un poste stable. Ils veulent se sentir libres de leur emploi du temps, de leur mode de travail et voir différents types de pharmacies, surtout si leur ambition est de s’installer. Les missions permettent de mieux savoir quel type d’officine, de quartier et de clientèle va leur plaire. »
Autre piste pour recruter du personnel, penser à intégrer dans l’équipe une personne ni pharmacien, ni préparateur. « Il peut s’agir d’une personne qui s’occupe de la réception de commandes, de la gestion de stock, du planning ou de l’administratif, apportant ainsi un confort pour l’équipe et pour les patients », propose Thibault Winka. « La pharmacie ayant une plus belle image depuis la période Covid, certains jeunes cherchent du sens dans leur métier et peuvent se sentir utiles comme maillon de la chaîne santé. » Alors, faut-il être fataliste ou garder espoir ? La réforme du diplôme des préparateurs et la revalorisation du métier de pharmacien tourné autour du service permettront-elles de remplir les amphithéâtres ? Seul l’avenir nous le dira.
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