Le Quotidien du pharmacien.- Les modalités de conservation de Comirnaty ont été assouplies. Pour la profession, c’est la levée d’un frein important pour la vaccination en officine avec le vaccin de Pfizer-BioNTech. Y êtes-vous favorable ?
Emmanuelle Blanc.- Notre vaccin reste stable pendant six mois à - 70 °C/- 80 °C. Ce qui change c’est qu’il peut désormais être conservé à - 20 °C, soit la température d’un congélateur classique, pendant deux semaines. Après décongélation, il doit être conservé entre 2 °C et 8 °C et injecté dans les cinq jours. Cela offre une plus grande flexibilité de manipulation et de conservation et bien évidemment, nous sommes totalement favorables à la vaccination par les professionnels de santé que sont les pharmaciens car ils sont au plus près de la population. L’élargissement des compétences vaccinales permet de toucher la population la plus large possible. De plus, les pharmaciens délivrent des messages de prévention à leurs patients et ils sont déjà formés à la vaccination puisqu’ils le font pour la grippe.
D’autres assouplissements des modalités logistiques de ce vaccin sont-ils envisageables ?
Pfizer y travaille en effet, par exemple un développement est en cours pour obtenir un produit fini qui ne nécessiterait pas de reconstitution. Nous avons une démarche d’amélioration constante.
Les données en vie réelle qui s’accumulent sont favorables. Pouvez-vous faire le point ?
Les données israéliennes sont riches grâce à l’accord entre Pfizer et le gouvernement pour collaborer à l’analyse des résultats en vie réelle. Le pays a non seulement vacciné plus de la moitié de sa population, mais il a suivi scrupuleusement le schéma vaccinal à deux doses à 21 jours d’intervalle. Les dernières données disponibles en prépublication et arrêtées au 6 mars confirment à nouveau la très grande efficacité du vaccin en vie réelle, supérieur à 96 % sur le Covid symptomatique et supérieur à 93 % sur la mortalité.
Ce sont les premiers résultats qui démontrent l’efficacité sur la mortalité après deux doses. Ils montrent aussi une efficacité de plus de 90 % sur les Covid asymptomatiques, soit sur une circulation du virus à bas bruit car non détectée, ce qui est rassurant quant à sa capacité à freiner la transmission du virus.
Dans les autres pays, tous n’ont pas respecté l’intervalle évalué lors des essais cliniques à 21 jours, en particulier la Grande-Bretagne qui a préféré un écart de 12 semaines entre les deux doses. Néanmoins, les données en vie réelle publiées sont positives : l’efficacité est d’environ 60 % chez les plus de 70 ans après une dose. En Écosse, les données en vie réelle montrent une protection élevée (85 %) sur le risque d’hospitalisation après une dose. Enfin, les Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) viennent de publier des données en vie réelle dans six États qui confirment l’efficacité des vaccins à ARNm à 90 % contre l’infection après deux doses et une protection de 80 % deux semaines après la première injection.
Vous insistez sur le schéma vaccinal. Malgré les résultats satisfaisants des données britanniques, Pfizer s’oppose-t-il toujours à un intervalle supérieur à 21 jours entre deux doses ?
Nous ne sommes pas dans l’opposition mais les données d’efficacité dont nous disposons dans nos essais cliniques s’appuient sur le schéma à 21 jours d’écart, qui a été respecté dans 94 % des cas et nous permet d’avoir des données robustes. L’autorisation de mise sur le marché conditionnelle a été accordée sur cette base et nous nous adressons à des professionnels de santé qui reconnaissent l’importance de respecter les données validées. Dans une pandémie où la circulation de variants est forte, nous défendons l’idée qu’il faut atteindre l’efficacité maximale conférée par le vaccin le plus vite possible. Or toutes les études s’accordent sur le fait que la deuxième dose vaccinale permet d’atteindre cette efficacité maximale.
Pfizer a lancé des études sur des populations spécifiques, les enfants et les femmes enceintes. Où en est-on ?
Pour commencer, il faut rappeler que des enfants ont été inclus dans notre essai de phase 3 et que Comirnaty est indiqué dès 16 ans. La phase 3 des essais comprenait des adolescents de 12-15 ans mais les résultats sur cette population étaient encore parcellaires au moment de l’évaluation par les agences sanitaires. Les premiers résultats de cette analyse suggèrent que notre vaccin est efficace à 100 % chez les 2 260 adolescents volontaires et nous espérons que la vaccination dans cette population pourra commencer avant la rentrée scolaire prochaine.
Par ailleurs, une étude mondiale de phase 1/2/3 va être initiée afin d’évaluer plus avant la sécurité, la tolérance et l’immunogénicité de notre vaccin dans la prévention du Covid-19 chez des enfants en bonne santé âgés de 6 mois à 11 ans. Les premiers résultats sont attendus entre cet été et début 2022.
Concernant les femmes enceintes, les recommandations actuelles sont variables selon les pays. Il n’y a pas de contre-indication à l’administration du vaccin chez cette population puisqu’il ne s’agit pas d’un vaccin vivant atténué. Nous avons également démarré un essai en double aveugle en février auprès de 4 000 femmes enceintes entre 24 et 34 semaines d’aménorrhée. Nous surveillerons l’impact du vaccin à la fois chez la mère et chez l’enfant à naître jusqu’à ses 6 mois.
Concernant les variants, Pfizer a rassuré sur l’efficacité de Comirnaty et annoncé travailler sur des options pour l’améliorer. Ces travaux ont-ils abouti ?
Des études in vitro ont montré que le sérum de personnes vaccinées neutralisait les variants britannique, brésilien et sud-africain, même si cette neutralisation diminuait face au variant sud-africain. Cependant, l’efficacité clinique ne dépend pas seulement du taux d’anticorps mais aussi de la réponse cellulaire. Or des études encourageantes montrent que cette réponse cellulaire semble moins impactée par les variants. Seules des données issues d’études en vie réelle permettront de répondre complètement à cette question. Dans un souci d’anticipation et pour éviter de perdre du temps, les équipes de R & D ont lancé deux études en février pour savoir si une troisième dose de notre vaccin permettrait d’améliorer l’efficacité face à ce variant ou si une troisième dose d’un vaccin adapté au variant serait recommandée. L’évaluation va durer 18 mois après cette troisième injection mais nous aurons des résultats intermédiaires en 2021.
Votre partenaire BioNTech vient d’annoncer une augmentation de la production de 25 % pour 2021 à 2,5 milliards de doses. Outre la validation d’une contenance de 6 doses dans chaque flacon au lieu de 5, comment cette hausse est-elle possible ?
Rien que pour la France, nous atteindrons à la fin de l’année les 78 millions de doses livrées. En janvier il y a eu une petite période de stagnation car nous avons recalibré nos lignes de production, ce qui a ensuite permis d’augmenter nos capacités. En mars, nous avons livré 1 million de doses par semaine, en avril nous passons à 1,8 million de doses hebdomadaires. L’augmentation de nos capacités de production repose sur une organisation très efficace en interne des lignes de production de Pfizer et de BioNTech, sur la mobilisation sans précédent des équipes et sur les partenariats mis en place par BioNTech avec d’autres entreprises comme Novartis et Delpharm, notamment pour l’enflaconnage. Et aussi sur l’homologation récente d’un site de production à Marburg, en Allemagne, par l’EMA.
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