En centre commercial
Louis Dercle réussit le pari de la fidélisation
Le quotidien de Louis Dercle, adjoint à la pharmacie Sumet Cap 2 de Créteil Soleil (Val-de-Marne), tord le cou à bien des idées reçues sur l’exercice en centre commercial. Ses patients ne sont pas seulement des clients de passage, avides de bonnes affaires en parapharmacie. « Bien au contraire, il y a énormément de clients réguliers et qui viennent parfois jusqu'à trois fois par semaine pour les plus âgés d'entre eux, pour les maux du quotidien », décrit le jeune pharmacien.
Sa recette est simple. Pour peu qu’on soit souriant, dynamique, qu’on aime partager ses connaissances et les patients conquis n’hésiteront pas à revenir. « Il faut leur donner envie », déclare simplement Louis Dercle. Il reconnaît que les pharmaciens et les préparateurs ont la possibilité de dédier leur temps au conseil dans cette officine spacieuse qui dispose de deux comptoirs exclusivement réservés à la parapharmacie.
Le jeune diplômé apprécie de travailler dans cet environnement. Certes, convient-il, il faut aimer le cadre, le fond sonore d’un centre commercial, et surtout le travail en continu. En effet, Louis Dercle consacre sa pause de midi à se former. Une condition sine qua non, selon lui, pour dispenser les conseils dont ses patients sont de plus en plus demandeurs.
L’anonymat du centre commercial est également un plus pour fidéliser, grâce à une prise en charge de qualité, une clientèle en quête de discrétion (dépannage en contraception, pilule du lendemain…). Car le pari de l’exercice en centre commercial est bien de convertir le client occasionnel en patient de proximité. Un challenge que Louis Dercle et ses collègues sont parvenus à réussir : « quand ils reviennent, mes patients n’hésitent pas à m’appeler par mon prénom qu’ils ont mémorisé grâce à mon badge ! »
En ville
Sophie Demuru crée des liens en faveur de l'observance
Dans une pharmacie du centre-ville de Belfort, limitrophe du quartier des résidences, il n'est pas rare que l'exercice de Sophie Demuru soit accompagné d'une bonne dose de « social ». Une composante qui n'est pas pour déplaire à la pharmacienne adjointe. En effet, elle se sent parfaitement dans son rôle pour expliquer les traitements à une population souvent en grandes difficultés. « Il est fréquent que ces patients ne parviennent pas à cerner le bon usage du médicament en termes de posologie et de plan de prise, notamment », déclare la pharmacienne. Ce constat est d'autant plus angoissant, souligne-t-elle, qu'il s'agit souvent de traitements lourds et de patients polymédiqués.
Le principal objectif est alors de se faire comprendre, ne serait-ce que pour vérifier que les patients ont bien saisi l'importance de l'observance. Un entretien pharmaceutique informel en quelque sorte que Sophie Demuru pratique, ainsi que les dix autres collaborateurs de l'officine, dans la bienveillance. Cette bienveillance n'est d'ailleurs pas à sens unique. « Les patients nous le rendent bien et selon nos affinités – et le degré de compréhension possible —, ils choisissent de s'adresser à l'un ou l'autre d'entre nous », apprécie la pharmacienne adjointe.
Pour souligner cette ambiance, le covering de la vitrine dessiné par le groupement Médiprix, affiche le prénom et les spécialités de chaque collaborateur. Un lien supplémentaire qui n'est que favorable à la relation patient, comme le décrit la pharmacienne, « les habitués, amusés, nous reconnaissent et nous appellent par notre prénom, ils sont très flattés d'avoir dans leur quartier, une officine moderne et esthétique ».
En banlieue
Isabelle Geiler met à profit le cadre de l'officine pour élaborer une expertise
Hormis une courte incursion en centre commercial, Isabelle Geiler, pharmacienne adjointe à Haubourdin dans la banlieue de Lille (Nord) a toujours exercé dans cet environnement périurbain. Un cadre qu'elle apprécie car il lui permet depuis près de vingt ans de se consacrer entièrement à son cœur de métier, la santé. Nul besoin de dire qu'elle voit d'un œil favorable les nouvelles missions, les entretiens AVK et depuis peu les bilans partagés de médication et la vaccination antigrippale renforcer sa vocation. « Nous vaccinons tous les jours. Les patients viennent à nous sans forcing quand on leur délivre une ordonnance », se félicite la pharmacienne constatant que la vaccination qui permet de joindre le geste à la parole change la donne entre le pharmacien et son patient.
Elle reconnaît que cette relation de confiance est le résultat des liens tissés depuis près de vingt ans auprès de ses patients dont nombreux sont atteints de maladies chroniques graves : sclérose en plaques, polyarthrites, maladie de Crohn… La proximité de certains prescripteurs mais aussi du CHRU de Lille n'y est sans doute pas étrangère.
« Totalement en phase » avec la passion qui l'a incitée à choisir des études de pharmacie a même poussé plus loin son investissement puisqu'elle a développé il y a huit ans une expertise dans l'allaitement maternel. Elle reconnaît que son exercice dans une petite officine lui a permis d'expérimenter à petite échelle la formation avant de la lancer au niveau régional et même au-delà *.
En milieu rural
Jérôme Divol conseille le patient, pas le produit
À Barjac, village du Gard de 2 000 habitants, « représentatif de la population française » par son éventail socio-économique et les pathologies rencontrées, Jérôme Divol, pharmacien adjoint dans l'unique pharmacie, a trouvé sa place. Ce choix délibéré correspond à sa vision du métier, déclare-t-il, insistant sur le fait qu'il prend en charge des patients et non des clients.
Cette nuance a son importance puisqu'elle oriente son conseil au comptoir et même, au-delà, le référencement de l'officine, où Jérôme Divol se félicite d'avoir toute latitude pour exercer son métier de pharmacien. Un rôle de professionnel de santé qu'il a à cœur de remplir en toute authenticité auprès de ses patients « qui savent faire la distinction entre l'officine de leur village où ils bénéficient de conseils et celle, située à 30 km, où ils se rendent pour les prix discount ».
L'évolution de la profession vers de nouvelles misions a donc tout pour réjouir Jérôme Divol qui entend mettre ses compétences au profit du suivi patient, « en relation avec les médecins et les infirmiers ». S'il regrette que la profession ne soit toujours pas autorisée à prescrire pour une infection urinaire, ni à effectuer une primo consultation pour l'angine, le pharmacien adjoint se félicite de l'engouement suscité dans son village par la vaccination antigrippale à l'officine.
Les Barjacois ne sont, cependant, pas les seuls à apprécier l'orientation « conseil » de leur pharmacie. Comme l'observe le pharmacien adjoint « d'un été à l'autre, des vacanciers, se souvenant de la prise en charge que nous leur avons proposée l'année précédente, reviennent nous voir, quitte à faire un détour ».
* Isabelle Geiler a reçu le prix Cespharm 2014 et elle est l'auteure de l'ouvrage « Le conseil en allaitement à l'officine ».
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