Gilles Tranchant s’apprête à apposer la plaque « cabinet médical », puis il ira poster la vidéo qu’il aura faite du cabinet flambant neuf sur la page Facebook de Rempla Nor, une association de mise en relation de médecins installés et de médecins remplaçants dans les Hauts-de-France.
Il y a plusieurs mois que le titulaire de la pharmacie Notre-Dame de Saint-Leu, un quartier proche du centre-ville d’Amiens (Somme), a commencé les travaux de ce cabinet médical. Le pharmacien qui y a investi plus de 20 000 euros, a heureusement pu compter avec l’aide des habitants du quartier.
Gilles Tranchant, installé depuis 2007 à Saint-Leu, n’avait d’autre choix que de louer un ancien institut de beauté pour le convertir en cabinet médical. Histoire d’inciter un praticien à venir remplacer le Dr Le Gallo, parti à la retraite en juillet dernier. Car depuis près de sept mois, 12 000 habitants, dont 5 000 étudiants, de ce quartier classé zone prioritaire « et disposant d’un contrat local de santé », comme le souligne Gilles Tranchant, sont sans médecin traitant.
La balise de la croix verte
Quelques-uns, parmi les habitants les plus âgés, sont encore suivis par leur ancien médecin parti s’installer à quinze kilomètres d’Amiens. Dans trois ans toutefois, celui-ci atteindra lui aussi l’âge de la retraite. Un autre praticien, médecin SNCF, important prescripteur de la ville, s’apprête également à fermer son cabinet dans quelques semaines.
Ces perspectives ne font que renforcer la motivation de Gilles Tranchant. Car ce n’est pas seulement le manque à gagner, dont les 50 000 euros de chiffre d’affaires annuels qu’il réalisait avec le Dr Le Gallo, qui a décidé le pharmacien à investir dans la rénovation du cabinet. Cette pénurie progressive de médecin, qui frise aujourd’hui la désertification médicale, soulève un véritable problème de santé publique, selon le titulaire. Gilles Tranchant ne compte plus les demandes de patients dans ce quartier où la croix verte est la dernière balise d’un professionnel de santé.
Les habitants ont pris le réflexe d’appeler leur pharmacien. Il n’est pas rare que le titre de « Dr » leur échappe quand il s’adresse à celui qui tient « le poste de secours avancé de Saint-Leu », comme ironisent les pompiers. « L’année dernière, j’ai dû intervenir pour six crises d’épilepsie dans la rue. J’ai eu également un arrêt cardio-respiratoire et une touriste blessée devant la cathédrale. On voudrait que je pose des points de sutures, ce que je refuse bien sûr, mais il est difficile de faire comprendre cela aux patients dans le besoin », raconte Gilles Tranchant. Il se dit fatigué « de porter assistance à personne en danger » tout en veillant scrupuleusement à ne pas franchir la ligne jaune.
Un paradoxe en centre-ville
Sans compter les étudiants qui viennent demander conseil au pharmacien car ils ne trouvent pas de cabinet médical dans les environs. « Alors qu’on sait aujourd’hui que la santé des étudiants est de plus en plus précaire », note Gilles Tranchant. Un paradoxe parmi tant d’autres que le pharmacien ne parvient pas à s’expliquer. D’autant que le quartier Saint-Leu, très festif, est loin de correspondre aux clichés de la France rurale désertée par ses médecins, ou encore de certaines banlieues de métropole ignorées des professions médicales. Amiens, ville universitaire qui produit 160 médecins par an, serait-elle, elle aussi, boudée par les praticiens généralistes ?
Le titulaire affirme n’avoir obtenu à ce jour aucun soutien de l’ARS, ni des élus locaux. Il ne lui reste plus qu’à tenter sa chance sur les réseaux sociaux dans l’espoir de convaincre un médecin de rejoindre Saint-Leu. « Le temps presse », rappelle le pharmacien qui exerce en nom propre. Et pas seulement à cause de sa trésorerie qui se creuse de jour en jour. À la prochaine rentrée universitaire, la ville accueillera 5 000 étudiants supplémentaires. Un campus de la périphérie va être transféré dans la citadelle non loin du centre-ville.
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