Le Quotidien du pharmacien.- Vous avez récemment annoncé aux pharmaciens qu'un accompagnement financier pluriannuel soutiendrait la prochaine convention pharmaceutique. Dans quel esprit se fera cet accompagnement, et concrètement, quelle place devraient occuper, selon vous, les pharmaciens dans le parcours de soins ?
Marisol Touraine.- Les pharmaciens occupent une place centrale dans le parcours de soins des patients et 87 % des Français ont confiance en eux ! Toutes les mesures que nous prenons ensemble depuis 2012 poursuivent le même but : valoriser la profession pour renforcer le lien qui unit les pharmaciens aux Français. 4 millions de personnes franchissent chaque jour les portes des officines. Cette expertise de proximité est essentielle, elle ne doit pas être remise en cause, rien ne doit la fragiliser. C’est pourquoi je m’étais notamment opposée à la vente de médicaments en grandes surfaces.
Le rôle des pharmaciens en matière de santé publique est fondamental. Chaque jour, ils conseillent et accompagnent les patients, participent aux actions de prévention et de dépistage… Je pense à la lutte contre l’antibiorésistance ou encore à la lutte contre le tabac. Je veux d’ailleurs saluer leur implication autour du « Moi(s) sans tabac » : 17 000 pharmacies ont participé à l’opération.
Je souhaite que leur rémunération soit davantage liée à des objectifs de santé publique. C’est juste et c’est capital pour la réussite de ces actions. Les accords avec l’assurance maladie et les représentants de la profession ont permis d’aller dans ce sens. Je vais prochainement transmettre mes lignes directrices au directeur général de l’Union nationale des caisses d'assurance-maladie (UNCAM) dans le cadre des négociations qui vont s’engager pour la future convention pharmaceutique. Un accompagnement financier pluriannuel soutiendra cette convention.
Enfin, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017, j’ai souhaité inscrire une nouvelle mission de santé publique qui sera confiée aux pharmaciens dans le cadre d’une expérimentation : ils pourront vacciner certains patients à risque contre la grippe.
En quoi est-il important, selon vous, d'expérimenter la vaccination à l'officine ?
Aujourd’hui, les pharmaciens dispensent les vaccins, expliquent les bénéfices et les risques de la vaccination, relayent les recommandations vaccinales et assurent le suivi de ces vaccinations. En tant que professionnels de santé, pourquoi ne pourraient-ils pas eux aussi vacciner ? Dès septembre 2017, dans le cadre de cette expérimentation, ils pourront vacciner certains patients à risque contre la grippe. C’est une avancée majeure pour les Français ! Pour deux raisons simples : l’accessibilité des pharmacies leur simplifiera la vie et augmentera, de fait, la couverture vaccinale.
La baisse des prix des médicaments anciens et génériques pèse lourdement sur l'économie de l'officine. Comment sortir de cette impasse ?
Je voudrais tout d’abord saluer le chemin parcouru au cours de ces dernières années. Depuis 2012, j’ai eu le souhait constant de conforter le rôle du pharmacien dans l’accompagnement des patients, et plus particulièrement des personnes âgées. L’implication des pharmaciens n’est plus à démontrer dans la lutte contre l’iatrogénie, l’amélioration de l’observance ou encore le bon usage du médicament. Je suis convaincue de la place fondamentale des pharmaciens dans la coordination des soins, entre la ville et l’hôpital, notamment dans le cadre du virage ambulatoire, mais aussi en lien avec le secteur médico-social.
J’entends les préoccupations exprimées quant à l’impact des baisses de prix des médicaments sur leur rémunération. Celle-ci doit moins dépendre du prix du médicament. L’équilibre de la rémunération des pharmaciens devra être trouvé entre la prise en compte financière des actions menées et les baisses de prix des médicaments. Comme vous le savez, l’année 2016 a été décisive pour la profession. Elle a été marquée par la deuxième année d’application de la réforme de l’honoraire de dispensation, première étape de la reconnaissance du rôle de conseil et d’accompagnement dans la rémunération des pharmaciens. Les négociations autour de la prochaine convention pharmaceutiques iront également dans ce sens. C’est ma volonté.
Il y a plus d'un an, vous avez lancé l'expérimentation de la délivrance à l'unité de certains antibiotiques en officine. Quel bilan en tirez-vous ?
En effet, j’ai mis en place en 2014 une expérimentation pour la dispensation à l'unité des antibiotiques. Il s’agit de répondre à plusieurs enjeux. C’est un enjeu de santé publique, nous devons lutter collectivement contre l’antibiorésistance. C’est un enjeu de soutenabilité de notre système de santé, la vente à l’unité permettra d’optimiser la dépense en réduisant le nombre de boîtes d’antibiotiques dispensées. C’est enfin un enjeu de préservation de l’environnement, les emballages et résidus médicamenteux ayant un impact environnemental non négligeable.
L’expérimentation est bien accueillie par les pharmaciens et par les patients. Les premiers résultats démontrent une meilleure observance des patients à leur traitement, une diminution de l’automédication et une réduction du volume de médicaments non utilisés, et donc du gaspillage.
Cependant, le déconditionnement et le reconditionnement des médicaments ne doivent pas dégrader les exigences de qualité et de sécurité des soins pour les patients. Je pense notamment à la traçabilité des lots. À partir de là, nous pourrons définir les conditions de mise en œuvre de la vente à l'unité. C'est pour moi une réforme importante, qui doit se généraliser le plus rapidement possible, avec toutes les garanties de sécurité bien sûr. Et au-delà des antibiotiques, il nous faut travailler à la vente à l'unité d'autres médicaments.
Notamment en zone rurale, le développement des déserts médicaux conditionne la survie même du réseau officinal. Dans ce contexte, comment comptez-vous aider l'officine à maintenir la permanence des soins ?
Les pharmaciens sont au cœur de la nouvelle organisation de notre système de santé fondée sur le territoire. La proximité, c’est le socle de ce métier, en officine, comme dans des laboratoires ou dans des établissements de santé. Un territoire sans officine est un territoire fragilisé, c’est pourquoi il nous faut préserver le réseau officinal, y compris dans les territoires ruraux. Ce chantier, nous l’avons entamé avec la loi de modernisation de notre système de santé qui permet de revoir le réseau officinal.
C’est dans la même démarche que nous avons inscrit dans la loi, par voie d’ordonnance, la simplification des règles de création, de transfert, de regroupement et de cession d’officines. L’enjeu, c’est bien de préserver les officines dans les territoires fragiles et non de créer des officines supplémentaires dans les zones denses. Ce projet d’ordonnance est en cours de concertation. Il permettra aux agences régionales de santé d’identifier les zones fragiles ou en voie de fragilisation pour soutenir des officines et faciliter des transferts. Nous tenons les délais et vous pouvez compter sur moi pour continuer sur cette voie.
À l'image du marché des génériques, le développement des médicaments biosimilaires serait susceptible de dégager d'importantes économies. Dans quelles conditions les pharmaciens pourraient-ils y contribuer ?
Si l’arrivée des biosimilaires permet de stimuler la concurrence avec le médicament de référence et représente une source d’économie potentielle, les biosimilaires n’ont que faiblement pénétré le marché français. Leur part de marché est généralement inférieure à 20 % dans les classes récemment « biosimilarisées ». Cela s’explique avant tout par les conditions restrictives encadrant actuellement leur utilisation.
Le rapport de l’ANSM publié en mai 2016 conclut qu’il est désormais possible de prescrire un biosimilaire au patient en cours de traitement. J’ai donc porté une mesure dans le PLFSS 2017 qui vise à permettre au médecin de remplacer en cours de traitement un médicament biologique par un médicament biologique qui lui est similaire. Le frein à la prescription sera donc levé, permettant aux médicaments biosimilaires d’être davantage prescrits.
Par ailleurs, une économie de 30 millions d’euros au titre du développement des biosimilaires est attendue en 2017, et compte tenu des pertes de brevets en 2017 et 2018 sur les anticorps monoclonaux, ces économies pourraient augmenter substantiellement les années suivantes.
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