Personne n’y croyait. « En 1998, je faisais partie du jury pour évaluer la thèse d’un camarade qui démontrait brillamment que l’évolution du générique en France était impossible. Je lui ai accordé une mention honorable, je m’en repends aujourd’hui », sourit Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Depuis, le droit de substitution a tout changé. Résultat : en 2018 le taux de substitution dans le répertoire a atteint 81 % et grimpe à 92 % pour les molécules ciblées dans le champ conventionnel. « La substitution a rappelé que le pharmacien est le spécialiste du médicament et lui a permis de se positionner comme acteur du système de santé », note Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine.
Particularité française
Pourtant le marché du générique est peu dynamique. En 2018, il progresse de 1 % en valeur et 1,6 % en volume, porté uniquement par « les 80 nouveautés entrées au répertoire l’an dernier », indique Jean Loaec, directeur de la stratégie chez Mylan. Pour l’économiste de la santé Claude Le Pen, le blocage vient du répertoire, « une particularité française créée pour rassurer les médecins en limitant l’action du pharmacien ». Il est nécessaire de l’élargir, ce qui est prévu avec l’inclusion des médicaments hybrides en 2020, mais Claude Le Pen prône plutôt un alignement sur les règles des pays où la substitution est bien développée. « La part du générique dans le marché du médicament est de 37 % en France quand elle dépasse les 80 % en Allemagne et les 70 % au Royaume-Uni. C’est sur ce volet qu’il y a les plus grandes économies à faire, en incitant les médecins à prescrire dans un répertoire élargi », précise Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du GEMME. Et non en imposant que l’écart de prix entre générique et princeps soit à la charge des patients qui refusent la substitution sans justification médicale, comme le prévoit la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2019. Pour le sociologue Étienne Nouguez, « c’est une fausse bonne idée » : si le laboratoire princeps aligne son prix sur celui du générique, ce dernier n’a plus de raison d’être.
Faire bouger les lignes
Désormais l’enjeu devient celui des biosimilaires. « Sur les 10 médicaments qui coûtent le plus cher à l’assurance-maladie, 7 sont des biologiques. Mylan a commercialisé son premier biosimilaire en février (Hulio – adalimumab), un deuxième est en cours de lancement, un troisième va arriver bientôt et nous en avons une vingtaine en développement dans notre portefeuille », souligne Jérôme Wirotius, directeur de l'activité pharmacie de Mylan France. Mais le marché des biosimilaires de ville reste en berne. La faute à l’impossibilité de substituer pour le pharmacien, en l’absence d’un décret permettant l’application de cette mesure inscrite dans la LFSS 2014. Mylan est le second génériqueur à réclamer cette substitution, tout comme les représentants de la profession. « L’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) a déposé un recours devant le Conseil d’État en mai demandant la parution de ce décret », précise l’avocat Alexandre Regniault. Une action revendiquée par Laurent Filoche, président de l’UDGPO, « pour faire bouger les lignes, comme l’ont déjà fait les groupements il y a 20 ans pour la substitution générique ».
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