Le Quotidien du pharmacien. La question du renouvellement des adhérents est-elle souvent évoquée dans les collectifs de groupements ?
Pascal Louis. Il faut tout d’abord rappeler que les groupements totalisent au moins les quatre cinquièmes des officines, il reste donc peu de marge de manœuvre pour recruter de nouveaux membres. Quand il est abordé, ce sujet l’est discrètement et en tout état de cause il n’est pas traité directement puisqu’il relève de stratégies propres à chaque groupement.
Le renouvellement des adhérents est donc considéré comme une question de concurrence ?
Pascal Louis. Bien sûr, il existe une concurrence forte entre les groupements ; ce qui est normal entre des entreprises agissant sur un même secteur d’activité, et également très stimulant. Mais les groupements nationaux que nous représentons ressentent depuis environ cinq ans une nouvelle concurrence qui rappelle la naissance de nos groupements il y a vingt ans. Il s’agit de l’émergence de structures GIE à vocation essentiellement régionale.
La relève est donc assurée ?
Pascal Louis. Ces structures GIE sont pour la plupart uniquement axées sur les achats et ce repli sur une partie essentiellement économique de notre métier pénalise la réflexion globale sur les évolutions majeures de la profession.
Christian Grenier. En effet, les GIE ne se concentrent que sur l’achat. Alors que les groupements ont un projet pour la pharmacie de 2020, avec des outils communs et mutualisés, permettant de faire de la pharmacie un commerce moderne et organisée, intégrant la révolution digitale et reprenant les codes de communication des réseaux en enseigne et de leurs marques propres… D’ailleurs je mesure depuis janvier un basculement des mentalités sur les MDD et l’enseigne, preuve que cette offre répond à une réelle demande des pharmaciens et des clients.
Une relève partielle donc, et qui ne vous satisfait qu’à moitié ?
Pascal Louis. Oui, pour ces raisons et parce que ces structures GIE ont été souvent initiées par quelques acteurs économiques, tels certains laboratoires, dans le but de concurrencer le modèle économique des groupements.
Christian Grenier. Les GIE sont appelés pour la plupart à rejoindre les structures nationales qui ont de vrais outils leur donnant l’indépendance financière, alors que les GIE qui ont été créés pour négocier le générique sont financés par ce dernier ; la pression sur les prix et les évolutions de remise font qu’ils ne pourront plus s’appuyer sur ce modèle de financement à moyen et long terme. D’autre part ces pharmaciens vont aussi rechercher de la valeur ajoutée sur la vente et se tourner vers des structures qui leur permettent de faire du front office. Ce n’est qu’une question de temps. Mais en réalité, on y est déjà.
S’agit-il d’une attaque frontale ?
Pascal Louis. Je la prends comme telle. Et alors que nous avions largement évolué vers d’autres domaines, en particulier les services, nous risquons de voir freiner cette évolution, notamment sur l’aide apportée à nos adhérents au développement des nouvelles missions. Bien que les chiffres ne soient pas divulgués entre nous, certains pharmaciens peuvent répondre au chant des sirènes en privilégiant la seule économie et nonobstant les efforts à fournir pour développer les missions et leur rémunération. Une mission essentielle des groupements est de valoriser le métier du pharmacien. L’économie est essentielle mais n’est pas le seul moteur du métier.
Christian Grenier. Les GIE ont été créés pour affaiblir les groupements nationaux alors que la profession a besoin de se regrouper ; c’est le sens de notre action à travers la chambre syndicale Federgy à laquelle adhérent désormais 18 groupements. Et les études montrent, notamment celle des « Échos », que les pharmaciens jugent aujourd’hui les groupements nationaux comme les mieux placés pour les aider à s’adapter aux évolutions futures.
Quels sont aujourd’hui les atouts en votre possession pour pérenniser le travail accompli par les groupements ?
Pascal Louis. La création de Federgy en tant que syndicat de groupements destiné tant à la défense économique qu’à l’évolution du métier, a été une avancée majeure car elle permet de soutenir l’action des syndicats en matière de missions et de conventions et d’être l’interlocuteur des groupements auprès du ministère des Finances et du ministère de la Santé. Notre idée est également d’aller plus loin dans les partenariats avec des acteurs privés, comme l’industrie et les assureurs.
Christian Grenier. Les réunions avec le ministère de l’Économie nous confortent dans l’idée que la pharmacie doit évoluer vers la modernité, sachant qu’elle ne peut continuer à subsister en tant que commerce isolé. Il faut aux pharmaciens des outils et des structures qui leur permettent de mutualiser leurs achats afin de libérer du temps et de passer du back-office au front office, et ainsi de se consacrer à leur métier premier.
Or il n’y a que les groupements nationaux et une structure comme Federgy qui soient capables de leur donner les outils pour lutter « à armes égales » contre Leclerc, la grande distribution et tous les autres circuits qui sont en concurrence avec « l’offre » pharmacie.
Cette proximité avec les ministères que vous permet justement la chambre syndicale des groupements vous donne-t-elle les moyens de lever certains freins à l’installation des adjoints ?
Pascal Louis. Les SPFPL (holdings) telles qu’elles étaient prévues par les textes originaux, avec la possibilité pour un pharmacien d’être investisseur majoritaire, auraient facilité l’installation des jeunes pharmaciens d’une façon très significative. Nous n’avons pas été entendus à ce sujet, L’obligation faite à l’investisseur de ne porter au maximum que 49 % est un frein indéniable à une évolution pertinente de la structure capitalistique de la pharmacie. Notre projet, basé sur le principe de la pharmacie succursaliste, permet d’engendrer un statut d’adjoint gérant. Ce serait une manière de valoriser auprès des jeunes le statut d’adjoint dont l’horizon est trop bouché. Il faut montrer aux jeunes que les groupements se préoccupent de leur avenir.
Christian Grenier. Nous avons également œuvré politiquement à d’autres niveaux, en déposant des amendements sur les centrales d’achats, sur les dépositaires, sur les outils Internet…
De manière générale, quels messages les groupements et leurs représentations peuvent-ils délivrer aux générations montantes ?
Christian Grenier. Le groupement est l’avenir de la pharmacie. Car lui seul peut donner au pharmacien les outils pour faire face à la baisse des prix, de la marge et de la ROSP. Il n’y a pas besoin de réduire le nombre de pharmacies. Il suffit juste d’accompagner les pharmaciens dans leur mutation métier vers le conseil et la vente de services et de produits. La pharmacie de demain restera pour les futurs diplômés un commerce attrayant où les professionnels de santé qu’ils seront, s’épanouiront, tout en développant de nouvelles compétences (dans la relation client, le digital, le merchandising…). Federgy a une vision de la pharmacie qui place le pharmacien au carrefour de la coordination des soins mais aussi de son commerce. Elle entend partager cette vision avec les jeunes. Et ils n’auront pas de souci pour s’installer s’ils s’appuient sur une structure qui mutualise, comme le groupement. En fait, les jeunes pharmaciens, en prise directe avec les évolutions technologiques, sont sans doute déjà prêts pour relever ce challenge.
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