LES DISCUSSIONS autour du budget de la Sécu pour 2016 vont se poursuivre tout l’été. Pourtant, les premiers arbitrages pourraient intervenir dans les prochains jours. Notamment en ce qui concerne les mesures qui pèseront sur le poste Médicament. Et ce n’est plus un mystère pour personne que le gouvernement table sur de nouvelles baisses de prix. Invité la semaine dernière des premières universités d’été du LEEM*, le président du Comité économique des produits de santé (CEPS), Dominique Giorgi, expliquait que dans le cadre de la régulation des prix des médicaments, une baisse des tarifs de 4 % en moyenne était appliquée chaque année. « En 2015, on a baissé les prix des IEC de 40 à 50 %, rappelle-t-il. Il y a deux ans, c’était les statines. C’est efficace et cela constitue un tiers des efforts sur les dépenses de l’assurance-maladie. » L’année 2016 n’échappera pas à la règle et le président du CEPS a déjà présenté ses intentions aux syndicats d’officinaux lors de la dernière réunion du comité de suivi des génériques qui s’est tenu le 18 juin. Au menu : l’ajout d’une nouvelle classe thérapeutique, celles des antagonistes calciques, dans le processus de « convergence » des prix des spécialités princeps sur ceux de leurs génériques ; l’instauration de nouveaux tarifs forfaitaires de responsabilité (TFR), en particulier sur le Plavix ; et des baisses de prix de génériques envisagées au regard des volumes de remises consenties aux pharmacies par les laboratoires.
Plus de 65 millions d’euros de perte.
La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a d’ores et déjà prévenu « qu’elle s’opposera à toute décision de baisse massive de tarifs, non compensée, qui risque de mettre à mal le réseau officinal dans son ensemble, et avec lui le modèle de proximité auquel les patients sont attachés ». Son vice-président, Philippe Besset, évalue ainsi à 65 millions d’euros l’impact de ces mesures sur l’officine, sans compter les baisses de prix. Par exemple, si un TFR était appliqué au groupe du clopidogrel (Plavix), la rémunération de la dispensation passerait de 8,60 euros au moment de la création du groupe générique, à 3,56 euros. « Il faudrait que le pharmacien obtienne plus de 40 % de remise pour compenser la perte », dénonce la FSPF. En ce qui concerne les baisses de prix, tout dépend à quel type de médicaments le CEPS entend les appliquer. S’il s’agit de génériques, la perte pour le pharmacien est de l’ordre de 35 %, explique en substance Philippe Besset. En revanche, une modification des tarifs de spécialités à prix bas, tel le Doliprane, n’aura pas d’impact sur l’économie compte tenu de la mise en place de la nouvelle rémunération. Idem pour les produits très chers, comme le Glivec.
« Nous sommes dans la continuité des plans Médicament précédents », regrette pour sa part Gilles Bonnefond, qui affirme avoir fait une série de contre-propositions aux mesures envisagées par le CEPS.
Quant à l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), elle indique que « contrairement à ce qui a été affirmé par le président du CEPS, les baisses de prix impactent très fortement le revenu des pharmaciens et sont les premières responsables de la baisse de la marge (non compensée par la nouvelle rémunération) ». Le syndicat présidé par Jean-Luc Fournival réitère d’ailleurs sa demande d’être intégré à la négociation relative à la fixation des prix des médicaments.
Une ROSP compensatrice.
Quoi qu’il en soit, les syndicats, qui ont fait part de leur opposition au projet du CEPS, seront fixés prochainement sur les décisions retenues. « De toute façon, si une mesure est écartée, il faudra en trouver une autre qui rapportera le même montant », souligne Philippe Besset.
La Rémunération sur objectif de santé (ROSP) relative à la substitution générique pour 2016, actuellement en discussion avec l’assurance-maladie, permettra-t-elle d’amortir ce nouveau plan Médicament ? Rien n’est moins sûr, car « le but est clairement de nous donner de nouveaux objectifs majorés pour un montant de rémunération inférieur ou égal à celui d’aujourd’hui », explique Philippe Besset. « Le directeur général de la CNAM** a été très clair : vous ne pourrez pas avoir la même somme qu’aujourd’hui avec un objectif de 85 % », ajoute Gilles Bonnefond. Un nouvel objectif de substitution à atteindre à hauteur de 90 % aurait été évoqué, mais en incluant l’effet sur la substitution des mentions « non substituables ».
De leurs côtés, les syndicats souhaitent que cette nouvelle ROSP compense les pertes engendrées en 2015 et 2016. « Nous avons bâti le mécanisme de compensation avec l’introduction de l’honoraire sur un prévisionnel de baisses de prix qui a pratiquement été doublé, pointe Philippe Besset. On est passé de 500 millions à 1 milliard. » « Je n’accepterais pas que la ROSP, qui s’élève aujourd’hui à 143 millions d’euros pour le réseau et à environ 6 000 euros par officine en moyenne, soit divisée de moitié », prévient de son côté Gilles Bonnefond. Le président de l’USPO ajoute : « On ne peut pas se permettre de faire perdre encore aux pharmaciens une partie de leur rémunération, alors que celle-ci est déjà affectée lourdement par des baisses de prix et de marge. »
**Caisse nationale d’assurance-maladie.
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