« Les droits élémentaires des citoyens sont bafoués », c’est ainsi que Ghislaine Laur, pharmacienne à Bergerac, résume la « tragédie » de cette commune de 27 600 habitants. Elle est l’une des treize titulaires de la ville, unis depuis le 14 octobre au sein d’un Collectif. Leur priorité n’est pas de réclamer des prescripteurs, quoique l’économie de leur officine soit en jeu. Mais leur première urgence est bien aujourd’hui la santé de leurs patients. Selon les estimations, 4 000 à 6 000 Bergeracois seraient aujourd’hui sans médecin traitant.
Un phénomène qui a pris une ampleur nouvelle depuis le décès, en juin, d’un médecin renommé de la ville, « mort à la tâche » à 75 ans,lâche Ghislaine Laur pour dépeindre la situation du corps médical. Il ne subsiste plus aujourd’hui que quinze médecins généralistes, et cinq d’entre eux devraient partir à la retraite dans les prochaines années. À l’image de leurs prédécesseurs qui n’ont jamais été remplacés.
Pouvoir renouveler les ordonnance
Bergerac a ainsi perdu une vingtaine de médecins généralistes au cours des cinq dernières années. Sans parler des médecins spécialistes. Une hémorragie qui provoque aujourd’hui la panique des patients, particulièrement les plus vulnérables qui ne peuvent se déplacer à Bordeaux ni à Périgueux. « Récemment, une patiente de 90 ans m’a suppliée, les larmes aux yeux, de lui trouver un médecin », rapporte Annie Labout, titulaire. Les pharmaciens, qui autrefois dépannaient leurs patients en implorant la secrétaire médicale, se trouvent aujourd’hui démunis face aux plateformes de prises de rendez-vous. « Dernièrement, une dame en décompensation errait dans la ville, son traitement n’avait pas été renouvelé. Tous les pharmaciens de la ville assistaient à la scène, impuissants », poursuit la titulaire.
Son associée, Florence Prévot, cite même le cas de trois patients, dont un enfant, décédés parce que pris en charge trop tardivement. Ghislaine Laur évoque également les patients aux pathologies lourdes, les insuffisants cardiaques, les malades chroniques, que plus aucun médecin n’encadre.
Le Collectif des pharmaciens est bien décidé à ne pas en rester à ce constat. Il s’apprête à adresser une lettre à l’ARS afin de lui faire part de ses propositions. « Nous demandons une expérimentation. Nous voulons pouvoir renouveler sur un an les ordonnances de nos patients qui n’ont plus de médecins. Nous avons leur DP et nous avons scanné leur ordonnance, cela devrait suffire à la prise en charge par la Sécurité sociale », énonce Ghislaine Laur.
Les pharmaciens bergeracois réclament une seconde expérimentation, portant cette fois sur une délégation des compétences. Il s'agit de pouvoir assurer le suivi des patients en les motivant et en s'assurant que leur traitement est bien renouvelé, et ce avec un protocole et moyennant une rémunération. Au nom du Collectif, Ghislaine Laur évoque également le pilulier rémunéré, les livraisons à domicile des personnes isolées, le recours aux nouvelles technologies, autant de domaines où le pharmacien pourrait intervenir et combler, à son niveau, le manque de médecins.
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