Depuis plusieurs années, les prestataires de services et distributeurs de matériels (PSDM) veulent être considérés comme des professionnels de santé. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), publié en juillet 2020, semblait pourtant avoir enterré ces ambitions. L'inspection s'était clairement prononcée contre l'idée de leur offrir un statut de professionnel de santé à part entière et s'opposait même « à ce que leur soit confié un rôle de coordination des acteurs du domicile ».
Le sujet est pourtant revenu au cœur de l'actualité, le 27 mars, avec une proposition de loi présentée par douze sénateurs et sénatrices, dont Alain Milon, médecin généraliste de profession et sénateur (LR) du Vaucluse. Comme le résume la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (FNEHAD) : « l’esprit de ce texte revient à confier aux prestataires des actes médicaux et soignants complexes (et prévoit) notamment de créer un nouveau chapitre dans le Code de la santé publique pour que les prestataires de santé à domicile puissent concourir à l’offre de soins de premier recours. Si elle était adoptée, cette proposition de loi ouvrirait également la possibilité aux prestataires de contribuer au dossier médical partagé. » La proposition de loi avance notamment que les PSDM devraient être dotés « d’une carte de professionnel de santé à domicile ».
Levée de boucliers chez les professionnels de santé
Opposée à ces propositions, la FNEHAD redoute que les PSDM ne se limitent pas ensuite aux activités de premier recours et cite, à titre de preuve, un récent communiqué de la Fédération des prestataires de santé à domicile. « Dans le contexte de désertification médicale et de tensions dans tout le système de santé, reconnaître le statut des PSAD permettrait de développer la coordination des soins dans les territoires en intégrant les PSAD aux organisations territoriales comme les CPTS », affirme ce syndicat. La Fédération des PSAD estime précisément que la profession qu'elle représente « peut être un levier puissant d’amplification du virage ambulatoire de notre système de santé pour la dialyse à domicile, la chimiothérapie et l’immunothérapie à domicile (mais aussi) les soins palliatifs et la fin de vie à domicile ». Inquiète de voir les PSDM afficher de telles ambitions, la FNEHAD envisage de solliciter à son tour des parlementaires pour faire barrage à cette proposition de loi, mue par des « objectifs purement mercantiles » selon elle.
De son côté, l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) a également demandé son « retrait sans délai ». Pour le syndicat, son adoption « aurait des conséquences particulièrement graves sur l’organisation de la sortie hospitalière et du parcours de soins des patients, mais également pour les comptes de la Sécurité sociale ». L'USPO accuse notamment certains PSDM « de faire fi de la réglementation en vigueur, notamment en termes de captation des prescriptions. Ils n’exercent pas à proximité des patients, sont très éloignés de leurs attentes quotidiennes et ne respectent jamais leur libre choix », dénonce le syndicat présidé par Pierre-Olivier Variot. Ce dernier redoute également que « l’inscription dans le Code de la santé publique d’acteurs à but lucratif de tailles et d’activités très inégales n'intensifie la financiarisation de la santé ». En conclusion, l'USPO estime que les PSDM « doivent rester au service des professionnels de santé et apporter leur concours aux soignants sur le terrain, qu’il s’agisse des médecins, infirmiers ou pharmaciens d’officine ».
Une proposition de loi qui ne devrait pas être examinée avant la rentrée prochaine
Vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) mais aussi ex-président et aujourd'hui président d'honneur de l'Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux (UNPDM), Fabrice Camaioni pense lui aussi que les PDSM ne devraient en aucun cas bénéficier du statut de professionnel de santé. « Ce n'est pas parce que certaines structures embauchent des professionnels de santé qu'elles doivent obtenir ce statut, ce serait trop facile. La certification permet aux prestataires de monter en compétence, c'est très bien, mais chacun doit rester dans son pré carré. Faire des économies, d'accord, mais pas à condition de sacrifier la qualité du service offert aux patients », avance-t-il. Fabrice Camaioni s'oppose également vigoureusement à la possibilité de voir les PSDM alimenter les dossiers médicaux partagés. « Jusqu'à présent nous avons fait attention à qui pouvait ou ne pouvait pas accéder au DMP. Si l'on dit oui aux prestataires, pourquoi n'autoriserions-nous pas ensuite les naturopathes ou les herboristes ? », interroge-t-il. Selon Fabrice Camaioni, la proposition de loi portée par Alain Milon « ne sera certainement pas examinée au Sénat avant la rentrée prochaine ». Un délai qui devrait permettre à tous ses opposants de pouvoir avancer leurs pions en alertant les élus sur les risques qu'un changement de statut des PSDM pourrait faire peser.
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