Quel est le rapport entre une structure d’exercice coordonné (CPTS, MSP, ESP*) et la mise à jour d’une carte Vitale, l’ouverture d’un DMP ou encore la transmission des FSE ? Apparemment aucun. Si ce n’est que l’assurance-maladie souhaite conditionner le versement de la ROSP liée à la réalisation de ces tâches administratives, à l’appartenance du pharmacien à une structure d’exercice coordonné. Refusant ce qui ressemble à une prise d’otage, les syndicats déclarent qu’ils ne ratifieront pas en l’état un texte qui devait être porté à la signature à la mi-juillet, pour une mise en place au 1er janvier 2022.
L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) assument chacune de leur côté, leur position, mais pour des raisons différentes. Gilles Bonnefond, président de l’USPO dont le Conseil d’administration a décidé, à l’unanimité, de ne pas signer ce nouvel avenant conventionnel, explique en effet que seulement 14 % des pharmaciens travaillent aujourd’hui en exercice coordonné. En d’autres termes, 86 % d’entre eux n’y participent pas, et le président de l’USPO « imagine mal comment on pourrait arriver à faire basculer cette situation rapidement ».
Une double peine
D’autant plus que si les pharmaciens sont plutôt partants pour intégrer un mode d’exercice coordonné, ils rencontrent souvent des obstacles. D’une part, lorsque la structure coordonnée prend le statut de SISA (entité juridique qui permet l’exercice coordonné et la réception de nouvelles rémunérations selon les activités qu’elle propose) les pharmacies sont en général exclues. En effet, en raison de la réglementation actuelle, en intégrant les pharmacies, ces sociétés sont alors assujetties à la TVA. « Depuis plus d’un an, nous attendons une solution d’un groupe de travail au ministère de la Santé, mais aucune solution n’a été trouvée, ce qui est scandaleux », s’insurge Gille Bonnefond. D’autre part, l’absence de médecins dans certains territoires isolés limite fortement les possibilités pour les pharmacies d’intégrer une structure de coordination, déstabilisant encore plus le réseau officinal. Ainsi, ce serait la double peine pour ces pharmacies qui exercent souvent en milieu rural ou dans certains territoires fragiles.
L’USPO ne signera donc pas cet avenant 21 qui devait entériner le paiement au fil de l’eau de tous les entretiens pharmaceutiques et bilans partagés de médication, ainsi que les entretiens anticancéreux oraux. Le syndicat a émis des propositions à l’assurance-maladie pour modifier le texte. Il demande que la ROSP concernant les FSE et la mise à jour des cartes Vitale ne soit pas conditionnée à un exercice coordonné des pharmaciens. Pour rappel, en 2019, les pharmacies ont empoché en moyenne 3 600 euros de ROSP structure, des indemnités versées pour les FSE, les équipements de mise à jour des cartes Vitale, l’ouverture des DMP, l’utilisation d’une messagerie sécurisée, les équipements de télémédecine…
En revanche, Gilles Bonnefond se dit prêt à discuter en ce qui concerne la ROSP télémédecine, car précise-t-il, la télémédecine doit s’exercer en mode coordonné. Il est également prêt à reconsidérer la ROSP portant sur les ouvertures de DMP, sachant que ces ouvertures deviendront automatiques en 2022, date de l’entrée en vigueur de l’avenant 21 !
Un texte nouvelle mouture
Philippe Besset compte bien, lui aussi, parvenir à une modification du texte. Le président de la FSPF part cependant sur d'autres bases que son homologue de l'USPO, puisqu'il a reçu un mandat de signature par son conseil d'administration. Car pour « étrange et bizarre » que soit cette modulation de la rémunération en fonction de l'intégration du pharmacien à un exercice coordonné, l'enjeu des entretiens d'accompagnement des patients sous anticancéreux oraux est trop important. « Nous y travaillons depuis deux ans, rappelle-t-il, aussi, ces difficultés rencontrées dans le texte ne justifient pas d'empêcher le développement de nouvelles missions comme l'accompagnement des patients sous anticancéreux oraux, ni de passer à côté du paiement à l'acte des entretiens pharmaceutiques. Ce sont deux avancées pour la profession qui, sans cet avenant, tomberont aux oubliettes. » Le président de la FSPF a décidé de jouer la montre et de profiter de la nomination du successeur de Nicolas Revel à la direction générale de l'assurance-maladie « pour rouvrir les négociations et revoir le contenu de l'avenant ». Le syndicat annonce d'ores et déjà jusqu'où il est prêt à aller : le conditionnement du versement de la ROSP à l'exercice coordonné devra être limité aux seules ROSP directement liées à la coordination, l'utilisation d'une messagerie sécurisée ou la téléconsultation, par exemple.
Par ailleurs, le président de la FSPF espère que le Ségur de la santé ouvrira les champs de nouvelles formes d'exercice coordonné. Il propose d'ores et déjà que l'exercice coordonné soit pensé autour du patient. « C'est la raison pour laquelle nous avons demandé une modification législative permettant aux équipes ouvertes de s'organiser autour du patient et de bénéficier des mêmes dispositifs particuliers que dans le cadre d'une structure définie. » Ainsi les règles doivent être assouplies de telle sorte que tout pharmacien puisse bénéficier de cette rémunération dès lors qu'il exerce en lien avec les autres professionnels de santé de son territoire, même s'il n'est pas intégré à une ESP, une MSP ou une CPTS.
Car comme l'USPO, la FSPF refuse un réseau officinal à deux vitesses. « L'exercice coordonné doit être possible pour tous les pharmaciens, et ce en tout point du territoire, assène Philippe Besset, notre objectif est qu'un maximum de confrères puissent s'inscrire dans cette démarche et ainsi percevoir l'ensemble des ROSP auxquels ils sont éligibles. » Moyennant ces assouplissements, la FSPF pourrait envisager de signer le texte. Mais alors qu'une seule signature syndicale suffit pour que l'avenant soit adopté, Philippe Besset déclare ne pas vouloir signer seul « un texte qui aura des conséquences pour l'ensemble des confrères ».
* Communauté professionnelle territoriale de santé, maison de santé pluriprofessionnelle, équipe de soins primaires.
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