Petit à petit la santé numérique se déploie en France et s’apprête à franchir en 2025 une des étapes les plus importantes du programme : la généralisation de l’ordonnance numérique pour les médecins et les pharmaciens, en remplacement des ordonnances traditionnelles classiques, bi-zones, sécurisées ou d’exception.
Un QR code sur les prescriptions
C’est grâce à un QR code apposé sur l’ordonnance papier que le pharmacien peut accéder à la version numérique de la prescription, sous réserve d’avoir le lecteur adapté. Ce code contient le numéro unique de prescription qui garantit l’authenticité de cette dernière et de son émetteur. « C’est un peu déroutant la première fois parce qu’on s’attend à voir apparaître l’ordonnance en version numérisée. En réalité, quand on scanne le QR code, c’est la liste des médicaments et des posologies prescrites qui apparaît », témoigne Alexandre Perrault. Titulaire en Nouvelle Aquitaine, il a commencé à délivrer des ordonnances numériques. « En face de chaque ligne de prescription, il faut détailler son intervention, y compris s’il n’y a pas de changement par rapport à la version initiale ». Substitution par un générique, modification de la posologie, non-délivrance du médicament pour motifs divers… chaque étape de la dispensation est justifiée et tracée. Les lignes ajoutées de façon manuscrite par le prescripteur peuvent être prises en compte.
Le papier pas totalement has been
L’ordonnance numérique sonne-t-elle le glas de l’ordonnance papier ? « Non. À l’issue de la consultation, le prescripteur remet une ordonnance papier au patient. Seule différence, elle porte un QR Code. Quant à nous, nous devons continuer à imprimer le détail de la délivrance au dos de l’ordonnance », détaille Alexandre Perrault. Le papier reste ; la paperasse en revanche devrait s’amenuiser. Le téléservice SCOR qui permet actuellement de transmettre par voie dématérialisée les pièces justificatives à l’assurance-maladie est voué à disparaître et avec lui, l’étape de numérisation des ordonnances. « L’ordonnance numérique transmise directement vaut pièce justificative », confirme l’assurance-maladie. En attendant que 100 % des prescriptions soient numériques, le SCOR va subsister pour télétransmettre les ordonnances traditionnelles.
Un rempart contre les fausses ordonnances
Seul le médecin peut générer, à partir de son logiciel de prescription et de sa carte CPS, l’identifiant unique de prescription et le QR code associé. Une garantie d’authentification et un rempart contre la falsification des prescriptions, contre les ordonnances non valides ou contre l’usurpation d’identité, mais qui reste à ce jour insuffisant. Tant que l’ordonnance numérique ne couvre pas 100 % des ordonnances traitées en pharmacie de ville, le dispositif Asafo (alertes sécurisées aux fausses ordonnances) a encore de beaux jours devant lui.
Une façon de détecter une non-observance, lorsque la prescription n’est pas honorée »
Alexandre Perrault
Grâce à l’ordonnance numérique, le médecin peut théoriquement, sous réserve de l’accord du patient, voir si les médicaments prescrits sont délivrés et si la délivrance correspond à la prescription. « Il ne faut pas considérer cela comme un contrôle de notre travail par le médecin. La confiance reste le socle. En revanche, c’est une façon de détecter une non-observance, lorsque la prescription n’est pas honorée », note Alexandre Perrault.
Le vocabulaire de l’ordonnance numérique
Identifiant unique de prescription : cet identifiant est attribué à chaque prescription générée par le prescripteur à partir de son logiciel. Il est associé à un QR code.
Prescrit : ce terme qualifie les personnes qui exécutent une ordonnance de produits de santé ou de soins.
Identité nationale de santé (INS) : ce système sécurise l’identification d’un patient et les données qui y sont rattachées, dont l’ordonnance numérique. Il permet une identification unique par tous les professionnels de santé. Il se compose d’un matricule, correspondant généralement au numéro de sécurité sociale, et de cinq traits d’identité. L’INS doit être validée au moins une fois, sur présentation d’une pièce d’identité.
« Une année de transition vers l’ordonnance numérique »
À la veille de la généralisation, le grand défi est d’obtenir l’adhésion d’une majorité de professionnels de santé à l’ordonnance numérique. Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de la CNAM, explique.
Le Quotidien du pharmacien.- Quelles actions sont prévues par l’assurance-maladie ?
Marguerite Cazeneuve.- À partir de 2025, l’ordonnance numérique doit devenir la norme. Je n’ai aucun doute sur l’adhésion des professionnels de santé à l’ordonnance numérique. Nous avons tous à y gagner. Mais nous sommes conscients que ce nouveau dispositif de prescription et de dispensation implique un changement des habitudes pour les prescripteurs et les dispensateurs. Pour les médecins par exemple, la prescription via le logiciel métier devra devenir systématique alors que ce n’est pas toujours le cas aujourd’hui. C’est pourquoi l’année 2025 sera une année de transition. Sur le terrain, les délégués numériques en santé (DNS) de l’assurance-maladie seront totalement dédiés à l’accompagnement des médecins et des pharmaciens. En outre, les Conventions entre l’assurance-maladie et les professionnels de santé concernés prévoient une incitation financière, via des ROSP.
Certains professionnels de santé redoutent que ce dispositif soit chronophage…
Comme pour toute innovation, il y a un temps nécessaire de prise en main de l’outil et d’adaptation des pratiques. D’où l’importance pour l’assurance-maladie d’être présente auprès des professionnels. En parallèle, tout est mis en œuvre pour que la généralisation de l’ordonnance numérique ne soit pas freinée par des problèmes techniques. Nous allons réunir les éditeurs de logiciels pour présenter les bugs identifiés lors des préséries, afin de les corriger.
Pour les pharmaciens, quelle est la valeur ajoutée de l’ordonnance numérique versus ordonnance traditionnelle ?
Les avantages sont multiples. Un des plus grands enjeux est de court-circuiter totalement la falsification d’ordonnance, problème auquel les pharmaciens sont de plus en plus confrontés. D’ailleurs, le jour où 100 % des ordonnances qui arrivent dans les officines seront numériques, le dispositif ASAFO pourra disparaître. Cet objectif pourra être atteint lorsque l’ordonnance numérique sera effective dans les établissements de santé, pour les prescripteurs hospitaliers. Un autre avantage est la simplification et la sécurisation de la première étape de la dispensation, qui est de lire correctement la prescription. Quand on scanne le QR code, chaque médicament prescrit avec la posologie associée s’affiche directement sur l’écran de l’ordinateur. S’affranchir de cette étape permet de consacrer plus de temps aux conseils et à l’accompagnement des patients. Enfin, l’ordonnance numérique valorise et sécurise l’activité du dispensateur, pharmacien ou préparateur, puisque son intervention est justifiée et tracée ligne par ligne.
Propos recueillis par D. P.
Article précédent
Espace de confidentialité : ce qu’il faut savoir avant de l’aménager
Article suivant
ASAFO, kézako ?
Comment l’informatique (et même l’IA) aide les agenceurs
Espace de confidentialité : ce qu’il faut savoir avant de l’aménager
Quand l’ordonnance électronique sera là
ASAFO, kézako ?
L’application Carte Vitale sur la rampe de lancement
Vitrine digitale contre vitrine classique
L’abondance d’offre ne doit pas nuire à sa lisibilité
Médication familiale
Baisses des prescriptions : le conseil du pharmacien prend le relais
Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens
Retraite des pharmaciens : des réformes douloureuses mais nécessaires
Auvergne-Rhône-Alpes
Expérimentation sur les entretiens vaccination
Excédés par les vols et la fraude à l’ordonnance
Des pharmaciens marseillais créent un groupe d’entraide sur WhatsApp