La prescription hors AMM est possible. Cette liberté est, toutefois, bien encadrée par l'article L.5121-12-1 du code de la santé publique (CSP). De fait, le médecin ne peut opter pour le hors AMM qu'en l’absence d’alternative thérapeutique médicamenteuse appropriée et sous réserve qu'il juge indispensable le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient. L'intérêt du patient est, ainsi, une condition indispensable à la prescription hors AMM.
La loi du 14 décembre 2020 et son décret d'application (1er juillet 2021) ont profondément modifié l'article L.5121-12-1 du code de la santé publique (CSP). Cet article ne mentionne plus l'Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU), ni la Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU). Vouées à disparaître, les notions d'ATU et de RTU sont remplacées dans l'article par celles d'accès précoce, d'accès compassionnel et de cadre de prescription compassionnel (voir encadré). L'objectif de cette réforme prévue par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 est de simplifier et d'unifier le dispositif. Mais aussi, de permettre aux patients qui en ont besoin de bénéficier plus rapidement de médicaments innovants, hors AMM. « Ces réformes ne réduisent pas la liberté de prescription du médecin. Celui-ci peut toujours prescrire un médicament hors AMM s'il apporte la preuve qu'il est indispensable au regard de la situation médicale de son patient, en l'absence d'alternatives et sur la base de données médicales et scientifiques », souligne le Dr Bruno Boyer, président de la section santé publique du Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM).
Une responsabilité accrue pour le prescripteur…
Lorsqu'il prescrit un médicament hors AMM, le praticien doit informer son patient de la non-conformité de la prescription par rapport à son AMM, de l’absence d’alternative thérapeutique, des risques encourus et des bénéfices potentiels, de la prise en charge (ou non) du produit de santé prescrit par l’assurance-maladie. Cette information doit être traçable. Le médecin ne peut proposer des thérapeutiques insuffisamment éprouvées ou faisant courir un risque injustifié.
Par ailleurs, il doit justifier sa prescription hors AMM par tous moyens. Il doit également indiquer sur sa prescription la mention « prescription au titre d'un accès compassionnel en dehors d'une AMM » ou « prescription hors AMM ». S'il ne respecte pas ces obligations, il engage sa responsabilité disciplinaire et/ou civile et pénale. Dans ce cas, la sanction disciplinaire peut s'étendre du simple avertissement à l’interdiction temporaire d’exercice voire à la radiation du médecin.
Par ailleurs, des sanctions financières et professionnelles (déconventionnement) peuvent émaner de la section des assurances sociales du CNOM. La responsabilité civile du médecin peut également être mobilisée en cas de défaut d'information du patient. De même, tout risque injustifié (séquelles, homicide involontaire…) est sanctionnable au pénal. En cas de renouvellement d d’une prescription hors AMM, la responsabilité du prescripteur initial ou du nouveau prescripteur est engagée de la même façon.
…assumée également par le pharmacien
Lorsque la mention « hors AMM » est inscrite sur une ordonnance, la vigilance du pharmacien doit être renforcée lors de son analyse pharmaceutique. « La dispensation d'un médicament hors AMM engage la responsabilité du pharmacien. Dans ces conditions, face au hors AMM, l'officinal doit toujours contacter le prescripteur pour connaître sa volonté, c'est-à-dire, la raison explicite de cette prescription en dehors de l'indication prévue. Le piège, pour le pharmacien, c'est de dispenser automatiquement une ordonnance parce qu'elle émane d'un médecin », indique Vincent Viel, conseiller ordinal (Conseil central A) à l'Ordre des pharmaciens.
La traçabilité des échanges avec le prescripteur est essentielle
L'officinal n'est pas tenu d'honorer la prescription du praticien s'il estime que celle-ci n'est pas pertinente ou qu'elle fait courir un risque injustifié au patient. « Face à une prescription hors AMM, le pharmacien doit prendre son temps pour bien analyser l'ordonnance, quitte à différer la délivrance si besoin. La rédaction d’une intervention pharmaceutique est conseillée en cas de problème (efficacité ou la sécurité du traitement). En outre, si l’intérêt de la santé du patient lui paraît l’exiger, le pharmacien doit refuser la dispensation tout en informant le prescripteur de son refus et en le mentionnant sur l’ordonnance », ajoute Vincent Viel. Lorsque l'officinal accepte de délivrer le médicament hors AMM, il doit informer son patient de façon accrue (posologie, mode d'administration, moment de prise, durée du traitement, bon usage, précautions d'emploi, effets secondaires, interactions…) et lui expliquer les raisons pour lesquelles le médicament lui a été prescrit en dehors de l'indication revendiquée. Si l'officinal commet une erreur de délivrance en dispensant un médicament hors AMM de façon injustifiée, il engage sa responsabilité. Comme le médecin, il risque alors des sanctions civiles pénales et/ou disciplinaires.
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