Il ne leur manquait plus que l’Euro. Les pharmaciens parisiens avaient déjà encaissé une baisse de 30 % de leur activité depuis le début de l’année, conséquence de la désertion des touristes étrangers effrayés par les attentats du 13 novembre. Par la suite, les pharmacies situées dans le sillage des manifestations contre la loi travail ont subi pendant plus de six semaines jets de pierre et tags en tout genre (« le Quotidien » du 9 mai).
Aujourd’hui, une dizaine de titulaires de la Capitale se retrouvent dans le périmètre de sécurité de la fan zone du Champs de Mars, un espace dédié à la retransmission des matchs en plein air. Pourtant, l’ambiance n’est pas à la fête pour ces officines qui ont l'étrange impression d’être mises sur la touche. « Nous n’avons été ni consultés, ni réellement informés des mesures de sécurité prises et de leurs conséquences sur notre vie quotidienne », déplore Dominique Livet, titulaire dans l’avenue de Suffren, à dix jours du coup d'envoi. Dès la fin mai, le périmètre des rues voisines du Champs de Mars a été clôturé, le stationnement sur les voies communiquant avec la fan zone interdit, les parkings publics vidés. Les riverains qui le pouvaient se sont mis au vert.
Des tireurs d'élite sur les toits
À quelques heures de l’ouverture de l’Euro, les pharmaciens font les frais de ces mesures de prévention qui, déjà, réduisent considérablement l’activité de leur officine. Dans quelques jours, ils auront en plus à craindre l’insécurité aux abords de la fan zone.
Alors que les tireurs d'élite ont déjà pris position sur les toits, certains pharmaciens envisagent de baisser le rideau dès l’ouverture du périmètre aux supporteurs, soit à 15 heures les jours match et à midi les samedis. Gérard Chavaroc, titulaire de la pharmacie historique de la Bourbonnais, songe même à fermer son officine dès le premier coup de sifflet de l’Euro. « Ma pharmacie est classée monument historique. Si je me la fais caillasser, je n’aurais pas les moyens de la restaurer. Les assurances ne suivront pas. Aussi, en fermant, je suis sûr d’économiser de l’argent », déclare le titulaire, qui s’apprête à huiler ses volets métalliques rarement abaissés.
Les pharmaciens redoutent en effet les débordements des quelque 80 000 à 100 000 supporteurs attendus dans la fan zone du Champs de Mars. Ceci d’autant plus que l’évacuation de la foule par les rues adjacentes leur semble très improbable. Dominique Livet s’inquiète notamment de la distribution d’alcool autorisée dans le périmètre des supporters, sponsorisée par le troisième brasseur mondial.
Non que les pharmaciens voisins de cet espace veuillent jouer les trouble-fêtes. Mais, s’estimant mal informés, ils déplorent une certaine désorganisation. Quid en effet de leurs livraisons ? Quid de l’accès à leur pharmacie en cas de garde ? Les officinaux ne savent quelle directive donner à leurs grossistes. « On nous a tout d’abord dit que les véhicules de livraison devaient arborer un macaron, une information démentie par la suite », rapporte Élisabeth Marsaudon, titulaire de la pharmacie du Champs de Mars.
La santé publique en suspens
Les pharmaciens se disent seuls face à leurs incertitudes. Le syndicat des pharmaciens parisiens qui avait sollicité le préfet de police de Paris pour échanger sur les inquiétudes de la profession, n’a pas reçu de réponse. « Leurs priorités sont ailleurs », constate déçue, Andrée Ivaldi, sa présidente.
L’amertume est d’autant plus grande que les pharmaciens du périmètre de la fan zone n’ont pas été identifiés en tant que professionnels de santé. « Nous n’avons été contactés ni par les forces de police, ni par les organisateurs, pour servir de soutien en cas de problème majeur. Lors de la réunion à la mairie, il n’a été fait mention à aucun moment pendant deux heures, des questions de santé, ni des soins médicaux, ni même de la réquisition des pharmacies en cas de problème majeur. Pourtant, lors de la canicule, la ville de Paris s’était appuyée sur notre réseau et cela avait très bien fonctionné », déplore Dominique Livet. Selon lui, 20 000 habitants de plus de 70 ans résideraient dans les quartiers concernés : « tous n’ont pas une maison à la campagne. Il va falloir assurer la continuité du service de santé. J’ai mis un panneau à ma porte leur conseillant de venir le matin. Mais pourront-ils circuler ? » Autant de questions de santé publique qui restent pour l’heure sans réponse.
Dans les autres villes
Ce sentiment de désordre est également partagé par les pharmaciens des autres villes dotées de fan zones. À Toulouse, à quelques mètres des allées Jules Guesde qui accueillent la fan zone, Thérèse Bibal, titulaire de la pharmacie du Parlement, attend la première rencontre pour prendre des mesures. « Nous attendons de voir le match France-Roumanie pour aviser, car pour l’instant nous n’avons reçu aucune information, ni consigne », affirme-t-elle.
Pendant ce temps, à Lyon, Bénédicte Toulouze, titulaire sur la place Bellecour, fait face à un échafaudage haut de deux mètres. Les quelque 20 000 supporteurs que la capitale des Gaules s’apprête à accueillir lui font moins peur que les risques d’attentat dans cet épicentre de la ville. L’ampleur de cette crainte est renforcée par le nombre de ses clients qui ont déjà trouvé refuge dans leurs résidences secondaires. Bien que détestant le foot, la pharmacienne s’efforce de positiver. Les supporteurs auront certainement mal à la tête, aux pieds et… au ventre.
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