Le Quotidien du pharmacien.- Vos premiers chiffres pour 2017 semblent montrer une forme de continuité par rapport à l’an dernier ?
Philippe Becker.- Oui, et on peut même dire que c’est un tout petit peu mieux qu’anticipé. Nous avions constaté fin 2016 un ressaut dû à une forte pathologie, on pouvait donc s’attendre à un recul en 2017. En fait, l’activité semble s’être consolidée en 2017, et cela malgré les sempiternelles baisses de prix des médicaments remboursables. De plus, nos chiffres n’intègrent pas, pour des raisons évidentes, le dernier trimestre de 2017 qui pourrait être favorable à l’activité pour les mêmes raisons que l’an dernier.
Y a-t-il encore beaucoup d’officines qui sont en baisse d’activité ?
Les moyennes cachent toujours beaucoup d’informations importantes. Il ressort de cette première d’étude qu’un peu moins de la moitié des pharmacies a eu une activité en baisse. Cela s’explique principalement par une exposition aux facteurs négatifs qui pèsent sur l’officine libérale française. On y trouve les pharmacies sans médecin, celles qui se situent dans des secteurs de concurrence très vive, et puis les petites officines qui n’ont plus les moyens de mettre leur outil de travail à niveau. Malheureusement, une partie significative de ces officines disparaîtront dans les prochaines années car il n’y a pas forcément de solution pour elles. On ne peut pas passer sous silence cette situation car elle nous interpelle tous. Que dire à un client qui ne parvient pas à céder son affaire faute de repreneur ou qui voit son activité dévisser à cause du départ à la retraite de son dernier prescripteur ?
On voit dans votre étude un décrochage de la marge commerciale avec une montée en flèche des honoraires et prestations. Comment se repérer désormais ?
Cette évolution est la résultante logique de l’application de l’actuelle convention. La tendance devrait se renforcer avec la nouvelle convention. On constate clairement que les pharmaciens ont une rémunération de moins en moins dépendante du processus « achat – vente de produits remboursables ». Pour se repérer, il faut faire la somme de la marge commerciale et des honoraires et prestations pour pouvoir porter un jugement. Le nouvel indicateur qu’est la marge brute représente la rémunération officinale et nous constatons qu’elle progresse légèrement passant de 31,51 % à 31,55 %, soit environ 4 Keuros en année pleine.
Peut-on considérer cela comme une bonne nouvelle ?
Cela dépend si on considère le verre à moitié vide ou à moitié plein ! En effet, l’analyse fine de cette tendance positive nous amène à intégrer mentalement que cette marge brute est la ressource unique qui va permettre aux officinaux de payer les frais fixes et variables, de rembourser les emprunts et de se rémunérer. Chaque année, ces postes de frais progressent du fait de l’inflation et du progrès technique. Les frais de personnel augmentent mécaniquement, et il est également probable que les taux d’intérêt vont remonter. Pour beaucoup d’officine, le compte n’y sera pas ! C’est d’ailleurs une part du débat sur l’efficacité de la nouvelle convention.
Les pharmaciens sont très endettés et comptent sur leur excédent brut d’exploitation pour faire face aux charges d’emprunt. Comment, selon vous, évoluera cet indicateur clé ?
Nous devrions le voir stable compte tenu de ce qui précède. Il est vrai de souligner que les pharmaciens sont très lourdement endettés (trop peut-être). Cela amène les professionnels comptables à s’interroger sur la vraie valeur des officines. Aujourd’hui, les valorisations font que, dans un contexte de conditions bancaires favorables, nous voyons nos primo-accédants souvent moins rémunérés qu’un adjoint. Avant, il y a quinze ans, les deux premières années étaient certes difficiles mais la progression de l’activité permettait rapidement de faire progresser la rémunération du pharmacien qui travaille au-delà de 60 heures par semaine. Il ne faut donc pas s’étonner de la faible attractivité de la profession, surtout sur le mode « titulaire ».
Craignez-vous une nouvelle baisse des prix des fonds officinaux ?
Je ne parle pas d’un gros décrochage en moyenne mais pour certaines officines qui sont mal placées ou qui souffrent en matière d’activité, il n’y a déjà plus de valeur. Dans ce contexte, il faut que la profession puisse se restructurer en accélérant les processus de regroupements et faciliter par des mesures fiscales les « cessions destructions ». Il faut reconnaître que pour certaines officines ce n’est plus jouable car elles n’auront pas les moyens humains pour gérer les nouvelles missions. Il faudra être inventif pour maintenir le réseau dans les prochaines années. Si les analyses de la Cour des comptes ont pu être considérées comme choquantes, les rapporteurs pointent quand même la problématique d’une densité qui n’est plus compatible avec les efforts que la nation peut faire pour maintenir une offre de proximité. Ce sont des choix de société qui sont peu évoqués lors des élections mais qui se font à bas bruit. On l’a vu pour les hôpitaux dans les petites villes, comme on le voit avec la fermeture des bureaux de Poste ou des lignes de trains déficitaires. Notre pays n’a plus les moyens d'assurer ses missions de service public pour 36 000 communes et c’est pourquoi les pharmaciens sont soumis à rude épreuve. La profession devra être force de proposition pour ne pas subir comme dans le passé récent.
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