DEPUIS LE 1er janvier 2015, la rémunération des pharmaciens est devenue mixte. Les arrêtés d’approbation de l’avenant à la convention sont parus le 2 décembre 2014. Désormais, des honoraires sont donc associés à la marge commerciale. En pratique, pour chaque boîte dispensée, les officinaux perçoivent un honoraire de 0,80 euro hors taxes (0,82 euro TTC), qui sera porté à 1 euro HT (1,02 euro TTC) dès l’année prochaine. Parallèlement, un honoraire complémentaire de 0,50 euro HT (0,51 euro TTC) est également introduit pour la délivrance des ordonnances de cinq lignes et plus. Celui-ci est toutefois conditionné à la proposition systématique au patient d’un plan de posologie.
Cette nouvelle rémunération est le fruit de plus de deux ans de négociations avec l’assurance-maladie. Toutefois, seule la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) paraphe en mai l’avenant à la convention pharmaceutique. « C’est un grand jour car, après six années de travail, nous aboutissons à un tournant majeur pour la profession », déclare alors son président, Philippe Gaertner. Il ajoute : « Nous changeons de braquet, la composante "professionnel de santé" du pharmacien est accentuée. » Le vice-président de la FSPF, Philippe Besset, estime pour sa part que « c’est la seule bonne nouvelle pour 2014 et 2015 ». Selon lui, cet avenant présente en effet deux avantages économiques pour les pharmaciens. D’abord, il leur permettra de percevoir une rémunération moyenne de 4 318 euros (y compris les honoraires pour ordonnances complexes). Ensuite, il diminuera de 25 % l’effet « prix » des PLFSS dans les années à venir. Philippe Gaertner explique : « le nouveau mode de rémunération atténue les effets des baisses de prix et de maîtrise médicalisée, même s’il n’est pas encore assez déconnecté des volumes. Celui-ci va redonner un peu d’argent au circuit. Autrement dit, le pire du pire serait de ne plus avoir les effets bénéfiques de la nouvelle rémunération, tout en ayant les effets négatifs des mesures d’économies. Ce serait la catastrophe. »
Certes, le président de la FSPF reconnaît que l’avenant signé ne permet pas de détacher suffisamment la rémunération des volumes dispensés, mais « plus on s’éloigne de la boîte comme référence, plus le risque de répercussions sur le réseau est grand ». Pour lui, il ne s’agit donc qu’une première étape, même si cette réforme permettra déjà de faire basculer 47 % de la rémunération sous forme d’honoraires à partir de 2016.
Des contestations.
Du côté des non-signataires, en revanche, on souhaite tout revoir de fond en comble. « Il faut repartir à zéro », estime Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), et repenser une évolution du mode de rémunération du pharmacien, lié à l’acte de dispensation. « Nous devons trouver un accord qui associe davantage la rémunération à l’ordonnance, en particulier pour celles qui ne sont pas suffisamment rémunératrices, et qui vont se développer, affirme-t-il. La croissance, elle, viendra des missions nouvelles d’accompagnement des patients. »
Selon Gilles Bonnefond, l’expérience des grossistes-répartiteurs montre d’ailleurs que, deux ans après, avec l’évolution du marché, ce modèle de calcul de marge, associant un forfait à la boîte et un plafonnement de la marge, « non seulement ne stabilise pas la situation, mais l’aggrave ».
L’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), qui a également refusé de parapher l’accord avec l’assurance-maladie, plaide également en faveur d’un honoraire à l’ordonnance. Pour Denis Trouillé, chargé de l’économie à l’UNPF, il n’y a aucun gain à attendre pour le réseau, l’instauration de l’honoraire s’accompagnant d’une modification de la marge dégressive lissée (MDL). « Il y aura même des perdants, craint-il, alors même que la logique était que chaque pharmacien soit gagnant. » À la place, l’UNPF propose d’étudier une rémunération du pharmacien sur les soins de premier recours, source d’économies grâce aux consultations médicales évitées. Le syndicat préférerait aussi que soit mis en place un honoraire de responsabilité sur les produits chers et innovants, dont le coût serait assumé par les laboratoires en échange de retours d’informations sur l’observance et le suivi des traitements réalisés par les pharmaciens.
Une réouverture des négociations.
La publication des arrêtés d’approbation ne calme pas les contestataires de la réforme qui, à l’approche de la mise en place des honoraires, souhaitent rediscuter des honoraires avec les pouvoirs publics. Lors de la commission paritaire nationale (CPN) du 2 décembre 2014, le président de l’UNPF, Jean-Luc Fournival, a ainsi « officiellement demandé à l’assurance-maladie et aux autres syndicats la réouverture des négociations afin d’offrir aux pharmaciens une rémunération qui pérennise leur marge ». Idem pour l’USPO qui, elle, invite les confrères à solliciter directement par courrier le nouveau directeur général de l’UNCAM*, Nicolas Revel, afin de lui demander d’ouvrir de « véritables négociations ». « Nous pouvons arrêter cette mauvaise réforme qui n’apporte rien pour l’avenir de notre profession », affirme son président, Gilles Bonnefond.
Dans la dernière ligne droite avant le passage à l’honoraire, l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) prend à son tour la parole pour réclamer le report de la mise en œuvre de la nouvelle rémunération. La raison ? L’UDGPO estime que les règles du jeu ont changé, notamment avec les baisses de prix et de marges envisagées par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2015. Des règles qui pourraient encore être chamboulées par la loi de Santé de Marisol Touraine. Pour son président, Lucien Bennatan, « avant de basculer à un nouveau mode de rémunération, nous devrions attendre la promulgation de la loi Santé. Ainsi, tous les paramètres seraient connus et c’est en connaissance de cause que les officinaux mettront en œuvre les réformes ».
De son côté, la FSPF n’aurait rien contre de nouvelles discussions. Mais pas pour enterrer la réforme envisagée. En effet, le syndicat « revendique une compensation, dans le champ conventionnel de l’honoraire, des effets dévastateurs des baisses de prix » prévues dans la LFSS 2015.
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