Le Quotidien du Pharmacien. - L’évolution du mode de rémunération des pharmaciens, avec l’arrivée des honoraires de dispensation, remet-elle en cause la pertinence des ratios d’analyse de l’exploitation d’une officine ?
Philippe Becker. - D’une manière générale, ce nouveau mode de rémunération, qui dissocie clairement ce qui est une marge commerciale de ce qui est un honoraire, va d’abord perturber la comparabilité des comptes de résultats des officines entre 2014 et 2015. À l’évidence, les cabinets comptables devront faire des tableaux de concordance pour pouvoir marquer les évolutions. Ce sera d’ailleurs important de le faire car tous les pharmaciens et les responsables de la profession voudront savoir quels sont les effets, positifs ou négatifs, de cette nouvelle rémunération sur la rentabilité des pharmacies.
Vous avez déjà des informations sur ce point ?
Non, c’est encore trop tôt pour le dire. Il faudra une année pleine d’application des honoraires pour se prononcer, et il ne faut surtout pas tirer de conclusions sans données fiables. Pour notre part, nous avons surtout cherché à bien identifier, dans les rapports fournis par les logiciels de gestion officinale (LGO), les éléments nouveaux comme les honoraires à la boîte et ceux qui se rapportent aux ordonnances complexes. Cela n’a pas été une tâche facile au début, mais, maintenant, nous savons identifier les composantes pour chaque éditeur informatique. La comptabilité et l’analyse de gestion des officines vont donc s’appuyer fortement, dans les prochaines années, sur les données des LGO.
Dans tous les cas, les éléments volumétriques qui définiront ce qu’est l’activité de l’officine devront impérativement être décrochés de la politique gouvernementale sur le prix du médicament.
Revenons aux ratios habituels de l’officine, comment vont-ils évoluer ?
En général, le dénominateur le plus courant est le chiffre d’affaires hors taxes. Par exemple, on retient l’évolution du chiffre d’affaires sur une période ou encore la masse salariale « chargée » sur le chiffre d’affaires. Mais, aujourd’hui, cette donnée devient moins pertinente du fait des baisses successives de prix des médicaments remboursables. En effet, l’activité d’une officine peut augmenter en volume et faire apparaître un chiffre d’affaires en baisse.
Dans ce contexte, il faudrait certainement relier l’indicateur de productivité habituel « chiffre d’affaires généré annuellement par salarié équivalent temps plein » au nombre de boîtes vendues annuellement par salarié équivalent temps plein. Par ailleurs, le nombre d’ordonnances traitées annuellement par salarié habilité devient aussi un ratio intéressant.
Et quid des indicateurs de marge commerciale ?
On n’oublie pas le ratio de marge, mais il faudra l’analyser plus finement en mesurant, par exemple, la marge dégagée par boîte sur les produits remboursables. Il faudra aller dans le détail pour juger l’exploitation d’une officine. Ce sera plus difficile à faire et nécessitera que les LGO produisent des rapports de synthèses facilement accessibles et exploitables.
Les nouvelles missions entraînent-elles aussi une modification des paramètres d’analyse de la gestion ?
L’arrivée et le développement des nouvelles missions qui se conjuguent avec la mise en avant de l’honoraire, qu’il soit à la boîte ou à l’ordonnance, ont pour conséquence de rapprocher progressivement l’officine du monde des entreprises de service.
La notion qu’il faudra suivre à l’avenir est celle de valeur ajoutée globale ou de valeur ajoutée dégagée par salarié. Dans ce cadre, le poids des ratios basés sur la productivité et la rentabilité va s’accroître mécaniquement au détriment des ratios basés sur la seule activité.
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