L'augmentation considérable du nombre de tests Covid ces dernières semaines s'accompagne d'une recrudescence des cas d'incivilités au comptoir. Confrontés à des patients qui n'hésitent pas à les insulter, voire à les menacer, des pharmaciens saturent et font part de leur détresse, notamment sur les réseaux sociaux.
Le groupe Facebook « Tu sais que tu es pharmacien » permet aux officinaux de poser des questions à leurs confrères et consœurs sur l'exercice quotidien mais aussi de se confier lorsqu'ils font face à des situations difficiles. Avec les fêtes de fin d'année, la propagation fulgurante du variant Omicron et, depuis lundi, la rentrée scolaire, les pharmaciens testent et délivrent des autotests à longueur de journée. Face à eux, des patients stressés, qui évacuent leur frustration, se défoulent et ne parviennent plus à canaliser leur agressivité. Insultes, menaces, violence physique parfois… des officinaux livrent des témoignages édifiants sur l'atmosphère actuelle. « Aujourd'hui un patient m'a clairement fait comprendre que si j'avais le malheur de lui faire mal lors du test antigénique, "son poing allait partir" et que j'aurai des problèmes. Après un échange houleux je lui ai fait comprendre que je ne prendrai pas le risque de le tester face à de telles menaces et il est parti », raconte un premier pharmacien dans un post publié le 6 janvier. De nombreuses réponses suivront, venant d'officinaux qui ont eux aussi dû faire face à des comportements inadmissibles.
« J’ai dû appeler la police la semaine dernière, face à l’agressivité d’un patient » ; « J'ai passé la matinée dans les locaux de la gendarmerie (insultes et menaces) » ; « Mon assistante aussi a été menacée ! Il voulait l’attendre à la fermeture de l’officine. » Quelques exemples qui donnent une idée du climat d'insécurité dans lequel des officinaux doivent exercer leur métier. Des patients n'hésitent pas non plus à faire un rapprochement particulièrement douteux entre l'introduction d'un écouvillon dans une narine et une pénétration non consentie. « Un mec m’a dit que je le violais et qu’il allait m’éclater ma gueule contre le placo si je lui faisais mal (...) il m’a pris le poignet quand je m’approchais du nez et il m’a menacé » ; « Une patiente m'a dit que je lui avais violé le nez ! », raconte une autre pharmacienne.
Depuis le début de la crise du Covid, les pénuries de masques ou encore la nécessité de faire des tests après l'adoption du passe sanitaire avaient déjà occasionné de nombreux faits d'incivilités à l'encontre des pharmaciens. « Là, cela prend une autre ampleur », alerte Alain Marcillac, référent sécurité du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (CNOP) qui cite deux autres exemples récents. « Dans le Val-de-Marne, un patient n'a pas accepté le résultat (positif) de son test, il est revenu plus tard et a cassé la vitrine de l'officine en fonçant dessus avec son scooter. Dans le Var, une personne qui ne comprenait pas pourquoi son test antigénique ne pouvait pas être pris en charge a mis à sac la pharmacie, la titulaire s'est retrouvée avec une interruption temporaire de travail (ITT). » Pour Alain Marcillac, il n'y a pas de doute, les nouvelles règles en matière de tests sont la cause de l'augmentation de ces faits, même si cela ne constitue en rien une excuse, bien évidemment. Inquiets par rapport aux résultats de leurs tests, et des conséquences qui s'ensuivent, les patients doivent également attendre de plus en plus longtemps pour savoir s'ils sont contaminés ou non car les officines sont confrontées à des problèmes de personnel, avec de nombreux collaborateurs absents car eux-mêmes positifs au Covid. Des délais d'attente qui n'aident pas certains esprits à rester calmes. « Les autorités voient les dépôts de plainte, elles sont conscientes de ce phénomène », précise Alain Marcillac, qui espère et estime qu'il y aura un tassement sur le nombre de tests dans les prochains jours.
En attendant, cette ambiance pour le moins pesante pousse des pharmaciens à renoncer aux tests Covid. « Demain je stoppe le test à outrance. Impossible de suivre et je ne veux pas abandonner les malades », avertit un pharmacien membre de la page Facebook. Une de ses consœurs estime qu'il faut faire réagir les pouvoirs publics : « Ça serait bien que toutes les pharmacies refusent de faire des tests. On se fait cracher dessus toute la journée, il faut un mouvement de solidarité. » L'état d'esprit de certains pharmaciens est déjà fortement atteint : « À cause de ces gens-là nous aussi on devient désagréables et on commence à perdre la passion pour notre métier », écrit une officinale, amère.
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