Après les masques et les tests, le gouvernement veut éviter un troisième scandale d’État comme l’en accusent déjà plusieurs partis de l’opposition. Dans ce contexte, il a tout intérêt à accélérer le tempo de la vaccination contre le Covid. La prudence dont il a fait preuve pourrait en effet devenir coupable alors que, au 5 janvier, seulement 5 000 Français avaient reçu le vaccin, beaucoup moins que chez nos voisins européens où plusieurs centaines de milliers de personnes étaient déjà vaccinées (voir encadré).
La campagne vaccinale devrait donc gagner en célérité au cours de ces prochains jours, c’est en tout cas ce que promettent les autorités sanitaires. C'est ainsi que, dérogeant à la stratégie initialement énoncée, le ministre de la Santé a autorisé la vaccination des professionnels de santé âgés de 50 ans et plus et/ou présentant des facteurs de comorbidité. De même, Olivier Véran a annoncé dans la foulée l’ouverture de plusieurs centaines de centres de vaccination et élargi la cible aux pompiers et aux aides à domicile âgés de 50 ans et plus. Le ministre de la Santé a également promis que d'ici à la fin du mois toute personne âgée de 75 ans et plus non-résidente en EHPAD accéderait à la vaccination. Enfin, le gouvernement a confirmé que tous les Français qui souhaiteraient se faire vacciner pourront s'inscrire pour prendre rendez-vous.
Mais attention, afin d'éviter tout risque de pénurie, il n'est pas question de dévier des axes initialement tracés. Comme l’a précisé Dominique Martin, ancien directeur de l’Agence nationale du médicament (ANSM) et désormais médecin-conseil de l’assurance-maladie, lors d'une visioconférence le 4 janvier : « Nous restons sur un ciblage des populations par groupes, c’est-à-dire à la fois sur des critères liés aux facteurs de risques et aux facteurs d’exposition. Ainsi, nous ciblons à la fois les patients en fonction de leur âge et/ou présentant des risques de comorbidité – diabète, obésité… - et les professionnels de santé. » Pour ces derniers, l’objectif est autant de les protéger à l’heure où leurs compétences sont requises que de rassurer les Français sur l’innocuité du vaccin.
Vacciner dans les bureaux de vote
C’est ce dernier motif qui incite Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), à inviter l’ensemble de la profession à se faire vacciner le plus rapidement possible contre le Covid. « Il faut montrer l'exemple », déclare-t-il en ajoutant que ce vaccin devrait être administré de préférence dans un EHPAD afin de privilégier l'exercice libéral et la proximité géographique. Pour le syndicat, il s'agit du premier degré des multiples implications de la profession dans cette campagne d'une ampleur inédite. « Nous nous sommes tout d’abord battus pour que le pharmacien soit reconnu comme responsable du circuit du médicament, ce que nous avons obtenu puisque dès la mi-janvier, comme prévu, les EHPAD seront approvisionnés par leur pharmacien référent qui centralisera la réception des vaccins », rappelle-t-il. Et si la FSPF laisse aux médecins la main sur ce vaccin à prescription médicale obligatoire, il en revendique la dispensation et pourquoi pas l’administration du rappel. « La première injection, en revanche, doit se faire sous la surveillance d’un médecin même si elle s’effectue dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire », affirme le président de la FSPF qui préconise une campagne à l’échelle communale, voire au sein d’une MSP ou d’une CPTS qui pourrait coordonner les différents professionnels de santé. « La vaccination pourrait avoir lieu, pourquoi pas, dans les bureaux de vote, ce qui permettrait d’impliquer les élus locaux », propose-t-il.
Centres de vaccination et pharmacies
Cependant, la confiance dont jouissent les pharmaciens auprès de la population, renforcée par les arguments de la décentralisation et de l'accessibilité, a conduit de nombreux Français, interrogés par les médias, à approuver une vaccination par leur pharmacien. L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) capitalise, elle aussi, sur ces critères pour envisager un schéma vaccinal passant par la pharmacie. « Nous pourrions nous inspirer de la même procédure que pour la vaccination antigrippale, sur présentation d’un bon de l’assurance-maladie, par exemple », suggère Gilles Bonnefond, son président. Refusant catégoriquement toute éventualité de « réinventer les vaccinodromes de la grippe H1N1 », il plaide en faveur d’un modèle complémentaire aux centres de vaccination et qui permettrait également aux pharmaciens d’approvisionner tous les professionnels de santé qui vaccineront. « Il suffira, comme pour les tests antigéniques, de prendre les commandes quelques jours auparavant, de les transmettre aux grossistes-répartiteurs le jeudi ou le vendredi, puis à réception, le lundi, de les délivrer à ces professionnels qui en auront passé commande », décrit-il, fustigeant le retard pris par les médecins dans le recueil du consentement du patient.
Sur ce point, Dominique Martin a tenu tordre le cou aux « fake news ». « Il n’est nullement imposé un délai entre cette consultation prévaccinale et l’injection, ces deux actes peuvent être effectués successivement, le même jour », a-t-il affirmé, citant pour exemple les vaccinations de professionnels de santé réalisées aux CHU de Nancy ou à Paris. En revanche, quant à une vaccination par les pharmaciens, aucune modalité n'est arrêtée pour l’heure. En l’état actuel, « ceux-ci pourront a priori administrer le vaccin sous la supervision d’un médecin, mais pas en officine », a déclaré Dominique Martin. Mais, a-t-il ajouté, « les choses peuvent évoluer dans le temps ».
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