Véto pratique

Échinococcoses : deux zoonoses rares mais graves pour l’Homme

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Publié le 14/03/2024
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Les échinococcoses sont des zoonoses graves pour l’Homme causées par des ténias du genre Echinococcus. On en distingue principalement deux formes : l’échinococcose kystique (EK) ou hydatidose, due à E. granulosus et l’échinococcose alvéolaire (EA), due à E. multilocularis.

Hydatide (forme larvaire) du tænia Echinococcus granulosus. Sous forme larvaire ce parasite peut provoquer une hydatidose

Hydatide (forme larvaire) du tænia Echinococcus granulosus. Sous forme larvaire ce parasite peut provoquer une hydatidose
Crédit photo : CDC/PHANIE

Ces deux pathologies parasitaires sont présentes en France et, bien que rares, elles justifient, dans les zones géographiques à risque, le strict respect de mesures de prévention, en particulier la vermifugation rigoureuse des carnivores domestiques. Et cela d’autant plus que le chien est un porteur totalement asymptomatique du parasite.

Points épidémiologiques clés à savoir sur le parasite et son cycle

Le cycle de l’échinocoque fait intervenir 2 hôtes : un hôte définitif (HD), principalement carnivore, qui héberge le ver adulte et en élimine les œufs, et un hôte intermédiaire (HI), souvent herbivore, omnivore ou rongeur, qui abrite la forme larvaire. L’Homme est un hôte intermédiaire accidentel : il constitue une impasse parasitaire pour les larves qui le parasitent. Ce dernier se contamine par voie orale en ingérant les œufs directement (après léchage par un carnivore infesté ou caresse d’un pelage souillé) ou indirectement (via l’eau ou des aliments souillés).

Particularités de l’hydatidose

Le cycle d’E. granulosus implique classiquement le chien (HD) et le mouton (HI). Les œufs embryonnés sont éliminés dans les fèces du chien. Directement infestants, ils seront ingérés dans le milieu extérieur par un mouton, voire accidentellement par un humain. Le chien s’infeste en consommant des viscères contaminés de mouton et tolère quasiment sans symptôme la présence des parasites adultes dans son intestin grêle. L’évolution vers les stades adultes se fait en 45 jours en moyenne. Chez l’Homme, les larves (ou kystes hydatiques) se développent lentement dans de nombreux organes : principalement le foie (50-70 % des cas) et le poumon (25-40 % des cas). Longtemps asymptomatique (parfois plusieurs années), le diagnostic est souvent tardif.

Le chien s’infeste en consommant des viscères contaminés de mouton et tolère quasiment sans symptôme la présence des parasites adultes dans son intestin grêle

L’hydatidose est une pathologie cosmopolite rurale que l’on rencontre dans de nombreux pays dont le bassin méditerranéen (Tunisie 15 cas/100 000, Maroc 7,2 cas/100 000), l’Europe centrale l’Amérique du Sud, la Chine, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. En France, la prévalence était de 0,42 cas/100 000 en 2016, et la maladie est présente dans le Sud-Ouest, le Sud-Est et la Corse.

Particularités de l’échinococcose alvéolaire (EA)

Dans le cycle d’E. multilocularis, le principal HD est le renard, parfois aussi le chien et, plus rarement, le chat. Les HI sont des petits mammifères (essentiellement rongeurs), dont le renard se nourrit. Ici encore, l’infestation orale de l’Homme est accidentelle et se fait par la consommation d’aliments souillés (par des excréments de renard par exemple) ou par contact avec des animaux infestés. L’EA est une maladie rurale (forestière), mais la présence de plus en plus fréquente de renards dans les villes en fait une pathologie en voie d’urbanisation. L’infestation de l’HD est asymptomatique et l’évolution vers les stades adultes se fait en moyenne en 28 jours. Chez l’Homme, l’EA se présente comme un pseudo-cancer à évolution très lente (souvent 5 à 15 ans avant le diagnostic) qui touche le foie dans 97 % des cas.

L’EA est présente dans les zones froides de l’hémisphère nord. En Europe, on la retrouve surtout en Allemagne, en Suisse en Autriche et en Pologne. L’incidence moyenne enregistrée entre 2006 et 2015 en France était de 0,032 cas/100 000 ce qui représente environ 19 cas/an, pour la plupart observés dans le grand Est et le Centre.

Prévention des échinococcoses

En raison de leur gravité chez l’Homme et de leur traitement lourd et coûteux, l’ANSES et l’ESCCAP préconisent des mesures de prévention strictes, dans les zones d’endémie. Elles associent des mesures sanitaires et médicales.

Hygiène domestique et sécurité alimentaire

· Hygiène des mains après manipulation ou caresses d’animaux potentiellement porteurs d’œufs du parasite, ou après jardinage en zone accessible à des carnivores domestiques ou renards.

- Port de gants lors de manipulation de renards morts (EA).

- Surveillance des conditions d’abattage des animaux de boucherie, ne pas donner de viscères de mouton au chien (EK).

- Limitation d’accès des carnivores domestiques aux jardins potagers (isolement par clôture). Dans les bois, ne cueillir que les fruits (ou baies) situés à une certaine hauteur du sol (donc non souillés par les excréments de carnivores domestiques ou sauvages). Attention aux pissenlits…

+70 °C pendant 5 minutes est efficace pour l’inactivation des œufs du parasite lors de la cuisson des aliments

- Le lavage rigoureux des aliments est conseillé, sachant qu’il ne garantit malheureusement pas l’élimination complète des œufs déposés en surface. L’utilisation du vinaigre, d’alcool ou d’eau de javel dilué ne permet pas de réduire le risque de contamination des aliments.

- La congélation domestique ne permet pas l’inactivation des œufs du parasite (il faut -80 °C pendant 5 jours !).

- La cuisson des aliments (+70 °C pendant 5 minutes) est efficace pour l’inactivation des œufs du parasite.

Vermifugation régulière des carnivores domestiques

- Conseiller une vermifugation mensuelle par du praziquantel des carnivores domestiques en zone d’enzootie (ex. Drontal et génériques, Milbemax, Milbactor Milprazican et génériques, Profender spot-on chat, Profender chien, Nexgard Combo, Dolpac… liste non exhaustive).

- Pour les chiens en voyage en zone d’enzootie : traiter au praziquantel 4 semaines après l’arrivée, puis toutes les 4 semaines, et jusqu’à 4 semaines après le retour. Pour un animal provenant d’une zone enzootique, un examen (dès le retour) et un traitement sont recommandés.

Si les échinococcoses restent des zoonoses rares en France, on peut néanmoins observer une expansion de la zone d’enzootie de l’EA vers l’ouest et le sud, notamment en raison du comportement plus urbain des renards. D’ailleurs des campagnes préventives de vermifugation des renards par appâts au praziquantel ont été menées dans les régions d’enzootie. Dans ce contexte, une vigilance épidémiologique doit donc être maintenue. Il est donc essentiel d’insister, dans les régions à risques, sur l’importance (comme mesure de lutte) de la vermifugation mensuelle des carnivores domestiques avec du praziquantel.

Dr Vet. Florence Almosni-Le Sueur

Source : Le Quotidien du Pharmacien