Tendances et marchés

Bains de bouche en pharmacie : deux dynamiques à l'œuvre

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Publié le 18/10/2018
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La suprématie des bains de bouche thérapeutiques, piliers de l'hygiène bucco-dentaire, n'empêche pas les solutions à statut cosmétique d'afficher une progression non négligeable de leurs ventes.Très différents dans leurs vocations, les bains de bouche thérapeutiques et les solutions dentaires contribuent les uns comme les autres à la bonne santé du marché. Mais le segment des formules sans AMM, loin d'être arrivé à maturité, tend à investir tous les segments de l'hygiène bucco-dentaire.
bain de bouche

bain de bouche
Crédit photo : phanie

Avec 85 % des parts de marché en valeur, le segment des formules avec AMM, dites thérapeutiques, conserve la main mise sur les ventes de bains de bouche en pharmacie. La prescription médicale, qui nourrit toute une partie de la demande, n'est pas le seul levier du rayon.

Les marques, par leur grande notoriété et leur forte implantation, y jouent aussi un rôle prépondérant. Elles proposent des bains de bouche à vocation antiseptique voués à traiter les petites blessures et autres affections de la cavité buccale (aphtes, gingivites, parodontites…) comme Éludril (Pierre Fabre), Paroex (Sunstar), Hextril (Johnson & Johnson), Dentex (Colgate), Alodont (Laboratoire Tonipharm)… Pierre Fabre Oral Care consacre trois références au segment : Éludril Gé est un bain de bouche antiseptique et antalgique indiqué en cas d'affection de la cavité buccale, mais aussi en postopératoire. Médicament remboursable, il existe en version automédication sous le nom d'Éludril Pro ; Éludril Perio, pour sa part, a une vocation antiseptique et peut s'utiliser deux fois par jour grâce à une formule sans alcool dosée à 0,20 % de chlorhexidine. « Le segment des bains de bouche thérapeutique s'est considérablement développé il y a quelques années, indique Jessica Souque, chef de groupe Pierre Fabre Oral Care. Depuis il reste stable. »

Très concurrentiel du fait des marques à forte notoriété qui le constituent, il bénéficie d'investissements réguliers en communication qui le mettent en avant. « Très génériquées, les formules phare qui composent le rayon restent des leaders à l'image puissante. De ce fait, notamment, le marché conserve une forte activité bien qu'il soit arrivé à maturité. » Et le léger recul de 1,5 % des ventes en volume sur un an (source IQVIA Pharmastat) ne semble pas porter à conséquences pour celui qui reste le second plus gros segment de l'hygiène bucco-dentaire après celui des dentifrices. « Le bain de bouche a historiquement toujours eu une vocation de traitement, de « problem-solver » et ce besoin subsiste puisque le segment reste très actif, précise Nathalie Guillaume, directrice marketing chez Sunstar. Cependant, la demande s’élargit pour s’inscrire de plus en plus dans la prévention qui permettra de réduire le risque de traitement plus coûteux chez le dentiste par la suite. » Le laboratoire référence le bain de bouche Paroex, dont un format est remboursable. Formulée à base de chlorhexidine, la solution antiseptique est indiquée dans le traitement d'appoint des infections de la bouche ou des suites d'opérations.

Renaissance

Beaucoup plus modestes, avec 15 % du marché en valeur, les formules sans AMM se montrent cependant les plus dynamiques, affichant leur présence sur de nombreux axes de l'hygiène bucco-dentaire (émail, sensibilité, plaque dentaire, gencives, haleine, blancheur, prévention). Si elles n'enregistrent annuellement qu'une progression de 2,6 % en volume (+ 3,5 % en valeur, source IQVIA Pharmastat), les ventes du segment ont augmenté de 5,5 % en cumul fixe de janvier à août (source fabricants). « Depuis le début de l'année, sa croissance a doublé, résume Jessica Souque. C'est pratiquement une renaissance puisque les ventes se sont effondrées il y a deux ans quand un des acteurs majeurs a commencé à se désinvestir de l'officine. » Aujourd'hui les formules d'usage quotidien ont de nouveau le vent en poupe. « Si la demande s'est développée sur tous les circuits, la pharmacie redevient dynamique car de nombreuses marques viennent y positionner leurs références. » C'est le cas d'Arthrodont, puis d'Éludril Care depuis 2016 chez Pierre Fabre Oral Care, mais aussi de CB12 chez Mylan Medical, de Listerine chez Johnson & Johnson, de GUM chez Sunstar, d'Elmex chez Colgate, de Sensodyne (Fraîcheur Intense et Menthe Fraîche) chez GSK, du bain de bouche Fluocaril (Procter & Gamble), d'Alodont Care (sans alcool, à l'arôme menthe fraîche) chez Tonipharm, sans oublier les Eaux de bouche Botot concentrée ou diluées (Rogé Cavaillès) ou le bain de bouche à l'eau thermale Buccotherm du Laboratoire Odost (distribué par PFOC)…

Pour autant, le segment des solutions sans AMM est loin d'avoir atteint la maturité. « Le geste du bain de bouche pourrait se démocratiser bien plus. Les formules trop fortes en goût que l'on trouve en GMS n'y contribuent pas. Elles peinent à recruter une clientèle. » Inspirées du modèle américain qui propose des produits plus agressifs, elles ne correspondraient pas aux attentes des consommateurs français, plus enclins à apprécier les formules douces. Pour répondre aux besoins des utilisateurs, la division Oral Care de Pierre Fabre a conçu Éludril Care. Étudiée pour lutter contre la plaque dentaire, la solution s'utilise quotidiennement en prévention ou en relais des soins bucco-dentaires, ou simplement dans le souci de renforcer son hygiène buccale. La marque Listerine (Johnson & Johnson) a également pris en compte la problématique du goût puisqu'elle repositionne ses références « Zéro/sans alcool » en solutions au « goût plus léger/sans alcool ». Ainsi la marque entend-elle réorganiser son offre en deux gammes, l'une au goût intense et l'autre au goût plus léger, celle-ci accueillant une nouveauté, Listerine Protection Dents et gencives.

Sécurité

La sécurité des compositions est une autre attente forte du public, également sensible en matière de bain de bouche. « Les consommateurs/patients commencent à comprendre que l’utilisation d'une solution dentaire au quotidien va leur permettre une action plus longue durée post-brossage puisque le produit n’est pas rincé », explique Nathalie Guillaume. Si les actifs peuvent prolonger leur action sur la flore buccale, ils ne doivent apporter que des bénéfices. « L'importance du « safe » devient essentielle dans le domaine bucco-dentaire. La demande évolue beaucoup vers des formules plus sûres, sans ingrédients décriés tels que le sulfate ou le paraben, et sans alcool pour ne pas déséquilibrer la flore buccale. » Dans cette logique, la gamme GUM de Sunstar réétudie la composition de ses huit références de bains de bouche cosmétiques. En outre, la solution dentaire Sensivital + a vu sa formule révisée au mois de septembre pour répondre au nouveau cahier des charges et son action de désensibilisation des terminaisons nerveuses a été renforcée. L'ajout de calcium vient compléter l'effet de reminéralisation du fluor que potentialise l'isomalt.

L'hypersensibilité a également retenu l'attention de la marque Elmex (Colgate) qui lui consacre la solution dentaire Elmex Sensitive Professional à base d'arginine. À l'érosion dentaire et à la lutte contre les caries elle dédie respectivement Elmex Protection Émail Professional et les deux références Elmex Anti-carie et Elmex Junior 6-12 ans. « L'utilisation combinée du dentifrice et du bain de bouche permet de fixer d'avantage le fluor à la surface des dents, indique Mehdi Aït-Lahsen, chef de projet Affaires scientifiques chez Colgate. C'est particulièrement intéressant pour les enfants qui portent des bagues orthodontiques car ces dispositifs facilitent l'accumulation de la plaque dentaire qui, elle-même, favorise l'apparition de taches blanches donc de caries. » Quant au bain de bouche Meridol, sa formule antiseptique ne l'empêche pas de se destiner à une utilisation au long cours pour limiter la formation de plaque dentaire et réduire les irritations gingivales. Il est rejoint dans son rôle préventif par le bain de bouche Parodontax (GSK) contenant 0,06 % de chlorhexidine et centré sur la plaque dentaire et les saignements de gencives occasionnels.

Tendances et marchés
Anne-Sophie Pichard

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3466